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L’éruption du Vésuve vue depuis l’Atrio del Cavallo. P.-J. Volaire - fin XVIIIe siècle |
AUTEURS
Elisabeth Aragon
Claudine Candat
Chat GPT **
e.e.cummings *
Lise Durand
Marina Mariotti
Didier Metenier
Théo Plantefol
Svante Svahnström
Élisabeth Aragon
Présenté par
Didier Metenier *
Svante Svahnström *
ÉLISABETH ARAGON (voir également à la fin de la page le texte en prose "La poésie tapie dans le fossé".
Le jour s’abandonne
Ton ombre est furtive
Elle épouse la mienne
Nous accordons nos pas
Cet à côté de l’infini
Poussière d’espadrilles
……………..
Dans ta main
Aucune ligne
Ni brin de romarin
Pour la gitane
Aucun calendrier
Pas le moindre poinçon
Ni cailloux blanc
Ni miettes pour le rouge-gorge
Un dimanche de bruine si banal
Le couvre-feu peut-être
……………………………
Vers l'immeuble éventré
Mygale de poutrelles
L’heure hybride des guerres
Et des bombardements
Je tremble à vos noms
Qui tirera encore la sonnette d’alarme ?
Le corridor des caves
Raisonne de vos rumeurs
Le chat roux frôle mes jambes
Les volets sont en tuile
Pourtant ici rien n’a bougé
……………
Guerilleros
Les souvenirs des corps s’effacent inéluctablement.
Il n’en reste qu’une mémoire olfactive, un saisissement d’âme.
Une légère pression de l’index sur une cicatrice ancienne, là ou la peau est pus fine, plus blanche, légèrement creusée.
À ce soudain rappel des sens, il y a une déchirure infinitésimale du canevas.
Un presque rien dans l’immensité du tout.
Les contours du visage font un halo de suie.
Les yeux exorbités des fosses communes déchirent le silence.
Identités entremêlées, chaux vive de linceuls.
L’anonymat du nombre, ce déshonneur de guerre.
La besace des hontes s’exhume sur leur râle.
….
extrait, Horizon andalou, az’art atelier
……………………
CLAUDINE CANDAT
MUSIQUE
Quand j’entends cette musique-là
J’ai envie de déchirer les roses,
De crever un à un les nuages dans le ciel,
De barrer le soleil d’un coup d’orage.
J’ai envie de m’étendre là
Où s’entassent les feuilles mortes,
Mêlant leur lumière aux grisailles des parcs,
Comme une morte.
J’ai envie d’oublier l’automne et le printemps,
D’effeuiller les saisons comme des pâquerettes,
De m’arrêter à la folie
Et d’ouvrir la coquille écarlate du rire
Sur une plage de malheurs
Et d’écrire sur le sable noir
Un grand poème qui déchaînerait des tempêtes
Dans vos cœurs.
Quand j’entends cette musique-là
J’ai envie de partir à l’autre bout des mots,
Là où leurs feux calcinent
La forêt de nos rêves,
Là où ils chantent à tue-tête
Leur chant de prisonniers
Derrière les barreaux de nos têtes
Et qu’ils font s’écrouler les prisons
Du langage
Et qu’un oiseau en sort,
L’aile blessée par sa cage
Mais de sang embellie,
Et que cet oiseau chante
Bien plus haut que la mort.
Alors cette musique me fait aimer les roses
Que déchire l’hiver,
Les nuages amers où sommeille l’averse
Et l’éclair du soleil qui barre les orages.
Claudine Candat / Mon opium est dans mon cœur, éditions Il est Midi 2024
………………
RENVERSER LA TABLE
Un coin de ciel s’irise
Où la brise se brise
Ô vitrail naturel
Qu’enfin je te regarde
Depuis ce bouquet d’herbe
Où s’enferre mon pied.
Ne plus ruminer les pousses
Du chiendent, les vieilles salades
Que nous sert et ressert
Cette chienne de vie
Qui pisse et chie en lit.
Que le ciel s’irise ou se grise
De tout espoir faire son deuil
Ne plus guetter du coin de l’œil
Les déceptions ou les bonheurs
Ce qui s’appelle lâcher prise.
Une nappe se tend sur le chêne ou le pin
Et les convives affluent
Les tueurs s’invitent à table
Aiguisent leurs couteaux
Et crachent dans nos verres
Et la nappe se tache
Ô buvard naturel
De nos sanies de lâches.
Ne plus nourrir les porcs
Qui nous ôtent le pain
De nos bouches soumises
Ne plus laisser leur groin
Dans la laine miteuse
Qu’ils mangent sur le dos
De nous pauvres agneaux.
Les coudes sur la table
C’est paresse de pleutres
Le courage commande
De relever l’échine
D’unir nos bras de fer
Pour renverser la table,
Renverser la table.
in Tiroirs amers
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CHATGPT
Svante Svahnström a demandé : « Dis-moi avec un sonnet pourquoi les artistes devraient avoir peur de la création d'oeuvres d'art par l'intelligence artificielle ! »
ChatGPT a répondu :
L’ombre du pinceau d’acier
Tremble, artiste, un spectre envahit ta main,
Il vole aux songes leur douce clarté.
Ses doigts de fer, sans fièvre ni demain,
Imitent l’âme et feignent la beauté.
D’un trait sans vie, pourtant si parfait,
Il peint tes rêves, efface ton cri.
Pourquoi créer, si l’écho refait
Chaque chef-d'œuvre en pâle infini ?
Bientôt l’humain, lassé du combat vain,
Préfèrera la grâce artificielle,
L’art sans douleur, sans faute et sans levain.
Mais qu’est l’éclat sans cendre ni étincelle ?
Si l’âme s’éteint sous l’ombre du faux,
Alors l’artiste meurt sous son pinceau.
……………………………
e.e.cummings Traduction Svante Svahnström / Didier Metenier
now that, more nearest even than your fate
and mine (or any truth beyond perceive)
quivers this miracle of summer night
her trillion secrets touchably alive
while and all mysteries which i or you
(blinded by merely things believable)
could only fancy we should never know
are unimaginably ours to feel
how should some world (we marvel) doubt, for just
sweet terrifying the particular
moment it takes one very falling most
(there : did you see it ? star to disappear,
that huge whole creation may be less
incalculable than a single kiss
#37, 73 poems, e.e.c.
………………
maintenant que, plus que plus près même de ton propre destin
et du mien (ou de n'importe quelle vérité hors d'atteinte),
tremble ce miracle de nuit d'été
ses billions de secrets palpablement vivants
alors qu’et tous ces mystères que moi ou toi
(aveuglés par les choses croyables seules)
pourrions simplement rêver ne jamais connaître
sont inimaginablement accessibles à nos sens.
comment un monde quelconque pourrait-il (nous sommes tout émerveillés)
douter, ne serait-ce que l’instant précis doux terrifiant qu’il faut à une très filante totalement
(là, tu l’as vue? étoile pour disparaître
qu’une immense entière création puisse être moins immesurable qu'un simple baiser.
………………………………..
LISE DURAND
C’était un homme
Volcanique
Peut-être pire
Que l’Etna.
Mais…
Je ne suis pas
Pompéi
Il ne m’a pas
Ensevelie.
Alors
Que vous écrire
Amis
La pierre ponce
Est volcanique
La poésie
Je ne sais pas.
Toulouse le 14 février 2025
………………………………..
MARINA MARIOTTI
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DIDIER METENIER
ex
plosive croissance
prémisses d'é
closion
nous voilà propulsés
aux confins d'entre-nous...
vers l'autre vérité
un nouveau nous
qui dit
son immédiateté
affirme un à présent
ici et maintenant
en sursis d'infini...
en voie d'éternité
à e.e.c
……………..
la présente explosivité
(double épanouissement
d'une simple éclosion)
de l'entre-nous en expansion
i
mpacte et finalise
i
ci et maintenant
une ii
(enti)té commune
par-delà les frontières
de l'espace et du temps
En anglais :
i ( « I » ainsi que le veut l'usage) – je
………………………………..
THEO PLANTEFOL
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SVANTE SVAHNSTRÖM
La lave est-elle le mollard de la Terre
Les marées sont-elles l’incontinence de la lune
Faut-il changer le mouchoir sale du soleil ?
Les nuages passent
Les étoiles sont-elles bien les postillons du Créateur ?
…………………………..
A présent la voici en chaleur
Des rochers jaillissent brûlants rouges de son sexe
Je me tiens prêt à saillir la sphère
Pénétration rutilante de ma verge acérée
dans le cratère lubrifié du volcan
Et je jette mes particules dans un orgasme d’uranium
Avant la mise bas lâcher d’un déluge
Elle en laisse inonder ses cuisses
Elle pousse et la croûte se déchire
Secousses de la peau rayant entières les cités
sous une ombrelle de fumée
La Terre notre mère accouche de la Bombe
…………………..
ÉLISABETH ARAGON
LA POESIE TAPIE DANS LE FOSSE
Il y a en premier ce gouffre étroit de la route, la venta del Molinillo encerclée de pins et de dents de pierre. Il faut s’habituer une fois encore à cette étendue neigeuse du blé coupé, tout
Juste tachetée d’oliviers et d’amandier.
Bien auparavant, oublier le nom d’un village, Viznar.
S’obliger à ne pas penser aux coups de feu, s’obliger à lutter contre la révolte, la bêtise humaine, politique.
Ils l’ont amené là, à quelques pas du pueblo, dans le chemin resserré par le calcaire.
La fuite soudaine d’une effraie, l’air chargé d’arôme.
Celui du foin battu près de la place, auréole verdie de poussière, la trace desséchée du sabot des mules.
Celui du lait d’amande fermenté dans la cruche, celui plus doux amer du jambon sec, et, la lampée du gras fondant, l’âpreté de l’olive brune, plissée, une grappe de raisin fendue par le miel.Toute la suavité des goûts confondus, tout cela dans l’instant même, dans cette acuité
Exacte d’une mort rapprochée émousse ses sens.
Tout ce qui dans ses derniers moments n’aura pas de prise sur ce qui va s’achever.
Il pense à la robe du vin, velours enivrant, le sucré du melon, le galbe d’un pied, .
Il pense à sa course d’enfant entre les roseaux, le sexe battant du jeune berger, luisant.
L’entrejambe de son premier désir, l’acceptation première, sans vergogne de ce qui allait en partie le condamner. Il resserre le col de sa chemise beige, froissée, salie, comme le papier moucheté des écritures sous la petite lampe verte de son bureau.
Il a peur par avance du moment aigu de l’explosion du cœur.
Il a peur de la souffrance, qu’elle puisse durer, dans le ricanement abject d’une cruauté.
Celle des quatre hommes qui l’entraînent.
Le vent a rabattu d’un coup sec son veston comme la dernière faena de son ami Ignacio
Sanchez Mejias.Les feuillent des amandiers crissent. Tout autour de lui conspire, entre, le chuchotement des feuilles, le silence intérieur des troncs des chênes lièges, au, couperet
Du temps choisi pour son exécution.
Il le sait à l’irréalité du filet d’un nuage faiblement éclairé par la lune, dague de coton.
Il le sait par la transparence du cristal qui éblouit encore sa poitrine.
Il a toujours eu cette connaissance terrible de ce qui allait être sa fin, impartageable, indicible. Rencontrée plus d’une fois dans les yeux d’un amant, dans les lèvres carnassières, cannibales du désir.
Dans ce regard détourné, celui de l’ultime estocade aux arènes de Manzanares.
Maintenant ils contournent la fontaine, ils arrivent au repli de la petite carrière alourdie de pénombre. La masse de l’olivier prés du sol forme sa dernière couverture.
Il sent très nettement la tension des hommes. Il en connaît deux, la traîtrise d’un autre.
Par lui il va mourir, même si il n’est pas là, présent dans cette nuit qui tarde à appeler le jour. L’autre, celui des certitudes abjectes, celui du non désir.
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Il aura toujours ses initiales à lui, comme une blessure infectée, les barreaux de son lit empalant à tout jamais les saisons à venir.
Il sera le supplicié vivant du crime qu’il fait commettre.
Ils le plaquent face contre la pierre, dernière empreinte, éraflure, la première goutte de
Sang sur les lèvres. Il entrouvre la bouche, en savoure le goût unique , son identité.
Elle lui fait tout aussitôt penser à la fulgurance d’une jouissance, aux différences odorantes
De son sperme. Il en serait presque à rire, à hurler face à l’incongruité du moment, dans
La déchirure intérieure de son existence, dans l’ultime rappel du plaisir.
Il n’est plus question de quelques secondes certainement.
Et pourtant, ce sentiment d’infini , accompagné d’incomplétude.
I l s’oblige à réciter les prénoms aimés de lui seul. Il en espère la clémence du non oubli.
Ses omoplates joignent le centre de son dos, elles aiguisent son souffle.
Ses poignets brûlent serrés par la corde.
Il commence tout juste à saisir la terreur dans les yeux de l’animal.
Il se sait lui-même l’animal, dans l’inacceptation de ce qui va suivre.
Dans ultime sursaut il lutte contre lui-même, il essaye de s’étouffer de poussière.
Le froid de l’aube du mois d’Août étonnamment le transperce.
Il ne sait plus si cela est du temps de cette fin de nuit, ou du détachement soudain
De son cœur. Il lutte contre son propre corps, anguille sanglante, démesurée, qui le
Trahit une dernière fois.
Il est à l’inutile du désespoir.
L’éclair des mille doutes a déchiré le monde.
Lui qui n’avait jamais pu se départir au fond du rêve, de l’assurance , de l’outrancière intelligence, irrévérencieuse .
Lui qui jonglait dans la lumière, dans la musique, dans les mots
Il faut du temps pour continuer la route, laisser filer les phares des camions,
La poésie tapie dans le fossé.
Elle a la chair fendue de la mère de l’aube.