samedi 30 mai 2020

Insouciance

                                           La jeune femme se reposant - Francesco Masriera y Manovens
                               


Auteurs

Sabine Aussenac 11 juin 2020

Franc  Bardou  11 juin 2020

Miloud Chabanne  11 juin 2020

Elsa Grave – présentée par Svante Svahnström   11 juin 2020

Didier Metenier   11 juin 2020

Catherine de Monpezat  11 juin 2020

Fernando Pessoa - présenté par Maryse et Patrick Zemlianoy
11 juin 2020

Rainer Maria Rilke – présenté par Maryse et Patrick Zemlianoy 
11 juin 2020

Philippe Sahuc  11 juin 2020

Svante Svahnström  11 juin 2020



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Sabine Aussenac

 

Les platanes de la place Pinel 

Il y a là des enfants et puis les hirondelles,

Au couchant trois grillons, les boulistes et l’Autan.

Les platanes résonnent en ronde et ritournelle :

De ma chambre observer canopée et mamans.

 

Quelques jours seulement que je vis en ce lieu,

Timide passagère des tilleuls et des roses,

Mais déjà il me semble y avoir mille aïeux ;

Arpentant les allées, je me sens toute chose.

 

Quand au kiosque j’esquisse un écho maladroit,

Il me semble vraiment être arrivée chez moi :

Bruissement des instants de cet été nouveau

 

Qui me porte en Garonne après tant d’écheveaux.

Place Pinel, me voilà : ta voisine en sourires.

Tu es comme une muse à mes rêves en délires.


**


Nos Noëls seventies


Lorsqu’aux temps d’autrefois nous allions à la messe,

Nos gros sabots aux pieds et le cœur à confesse,

Nous savions qu’en rentrant, les joues rosies de froid,

L’enfançon sourirait en sa crèche de bois.

 

Mais non, n’importe quoi ! Le divan explosait…

Un sous-pull à paillettes, et un sac au crochet !

Et puis l’électrophone, et un jean peau de pêche !

L’intégrale de Troyat, des vinyles de Delpech…

 

En pantalon pattes d’eph’, dans son costume orange,

Petit frère plongeait dans ses tas de légos.

Le sapin débordait sous de lourds cheveux d’ange,

 

A la télé heureuse nous admirions Clo-Clo.

Qu’ils étaient innocents, nos Noëls seventies,

Gouleyants de cadeaux en ces temps d’avant Crise.


**

Je tiens ta main comme un nuage

Tes mots si frais comme une averse

Et ton sourire qui me renverse

Tous ces parfums comme en printemps

Et cette pluie mêlée au vent

Mon ciel troué par l’improbable

Ce bleu soyeux presqu’impalpable

Et nos échanges aux tons lilas

Tes lettres en pluie sur mes combats

Il semble que ma terre inspire

Ces eaux nouvelles chargées de vie

Vois comme fleurs au vent se mirent

Toutes assoiffées gorgées d’envie

Il pleut nos mots en fines gouttes

Fouettant parterres ensommeillés

Et puis soudain le temps se voûte

En arc-en-ciel tout étonné

Comme un silence aux cent lumières

Tout enivré de nos clairières

Voilà qu’appelle le coucou

Frondeur comme un soleil tout fou

Fines senteurs perlent des roses

Et je déferle au gré des proses

T’offrant mes vers comme un avril

Ne nous égarons pas d’un fil

Marchons foulant l’herbe trop douce

Bandons les yeux à nos frimousses

Je tiens ta main comme un nuage

Je suis ta Dame aux mille pages

 

………………………………………………..

 

Franc Bardou

 

Noncalença

 

Los vesèm, badant la lutz canda,

trevant las carrièras per rire,

se miralhant per las veirinas

per çò que se creson voler,

quand d’o aver val sola règla

per anar condreit, cap al tèrme.


Los vesèm, los veses, non veson

que la lutz que lor tenh la cara

d’òrbas miradas demembradas,

noncalents, coma se tota aura

bufava segon lors desirs,

al grat de l’ambra d’aquel vèspre

semenat d’aur e de tendresa,

quand de luènh se sarra l’auratge.

 

 

 

Insouciance

 

Nous les voyons dans la lumière,

errant parmi les rues, pour rire,

se miroitant dans les vitrines,

à travers ce qu’ils croient vouloir,

quand de l’avoir vaut seule règle

pour aller bien droit jusqu’au terme.


Nous les voyons qui ne voient rien

que la lumière que les teint

d’aveugles regards oubliés,

insouciants, comme si les vents

ne soufflaient que vers leurs désirs,

au gré des tons chauds de ce soir

parsemé d’or et de tendresse,

tandis qu’au loin s’en vient l’orage.

 

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Miloud Chabane

 

L'amour on

Je m'étale dans l'air du temps
comme courent les eaux de torrents
Pas le temps de pleurer
mon cœur est de gaieté
J'avale les jours avec appétit
Toutes les nuits le dessert est servi
J'atchoume de bonheur
depuis que j'ai croisé le cœur
d'une femme en fruit de ma passion
Comédienne joue la fille en pleurs
Alors j'accours
je bois ses pleurs
C'est la comédie du bonheur
que c'est chouette d'en être un acteur
Avec la rime avec le cœur
avec le rêve et la sueur... Miloud Chabane alias ouimiloud

 

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Elsa Grave (1918-2003) - traduction du suédois par Svante Svahnström



Svinborstnatt

Svinborstnatt och kvalmig lukt i stian,

suggan snarkar i sin dröm
dröm av dubbelhakor, galtabetar

surnad mjölk och här och där
ett brunt potatisskal, 
djupast ner i drömmen glider
strömmar utav blåmjölk
där en flik av grädden ännu döljer
svarta liket av en fluga.

Svinborstnatt,
och suggans långa öron 
röjer med en viftning luftens
stilla kamp med den skära stanken
och den mjuka, lösa lukten. 
Utanför står natten blåsom en lagårdskarl i nya, blåa kläder.

 

Svinborstnatt
och denna ljusrött feta värme
fylld av flämtningar ur runda näsor,
rörliga är dessa näsor,
sökande och trevande,
ofta finner de en möglig skula
mitt i strida blåmjölksdrömmen,
djupt på botten ligger alltid
drunknad någon rutten godbit.

Svinborstnatt, o,
på blåmjölksströmmen flyter
kanske något gulvitt svinborst,
slukas kanske utav samma svin
som tappat borstet,
sätter sig i svinets hals -

Svinborstnatt 
och kvalmig lukt i stian,
suggan sover i sin vrå,
drömmer tunna blåmjölksdrömmar,
varma som buljong -
kanske ligger djupt på botten
någon drunknad gammal godbit?

Nuit de soie de porc

Nuit de soie de porc avec d’épais

relents fétides dans l’étable

la truie ronfle dans son rêve

un rêve de doubles mentons et de

crocs de verrat de lait caillé et ci et là

une épluchure brunie de pomme

de terre,

au plus profond du rêve coulent

des ruisseaux de lait tourné

où un pan de la crème recèle encore

le cadavre noir d’une mouche

 

Nuit de soie de porc

et les longues oreilles de la truie

agitent d’un frétillement la lutte

patiente de l’air contre la puanteur rose

et l’odeur molle et fluide

Dehors la nuit se dresse bleue comme

un commis d’étable dans des bleus

tout neufs.

 

Nuit de soie de porc

et cette graisseuse chaleur rouge clair

saturée de gémissements de museaux ronds

des museaux qui s’agitent

qui cherchent qui tâtonnent

souvent ils dénichent un déchet moisi

au milieu du rêve de lait rance en torrent, 

tout au fond se trouve toujours noyée

quelque friandise pourrie

 

Nuit de soie de porc, oh,

sur le cours de lait avarié flotte

peut-être quelque soie jaunâtre

sera dévorée peut-être par

la truie même qui l’a perdue

se fiche dans sa gorge -

 

Nuit de soie de porc

avec d’épais relents fétides dans l’étable

la truie dort dans son coin

rêvant des rêves délayés de lait caillé

chauds come du bouillon -

peut-être tout au fond

se trouve quelque vieille friandise noyée ?



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Didier Metenier

 


mélodies de libre cour...

 

sous l'ébat-jour

des hirondelles

vive l'intense gazouillis...

le roucou

rrrou...

des tourterelles

le piaillement

des étourneaux...

 

cacophonie de ritournelles

vivent tous ces gouzis-gouzis...

météo

rites du

printemps

soyons aussi à notre tour

des artisans du grand

free

son

soyons présents au

rendez-vous

écoutons les oiseaux

rimons au diapason

unissons-nous

pour ce bel

uni(que)

son

mélodies libre(s) cours

les free-songs des beaux jours !!!

 

 

En anglais :

free (prononcer « fri ») - libre

free-song – mélodie au libre-cours

 

 

 

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Catherine de Monpezat

 

"Amuse gueule limerick en vacances cérébrales!?

Confinement aménagé :

 

" A vélo je m'en vais vite à Limerick

Avec grand contentement

et petit épuisement 

Sans masque et confinement

Au coin coincée suis menacée par les flics"

 

"Que fait l'Ingénue sans génie, courroucée 

Coucou! Prends ses jambes à son cou suspendues

Virevolte à deux-roues et turlututu

Chapeau pointu, paille au c.. en Liberté:

Pied de nez à la Société macronnée "

 

J'ai voulu faire un Limerick 

Sans queue ni tête 

Et ça m'embête 

mais je m'entête

avec des couac avec des hic!

 

Mais quoi? est ce ainsi honorer

 le thème de l’Insouciance 

 en mon âme et en conscience

Je m'en fout je m'en balance!

et ça me plaît ! ...de vous choquer!

 

……………………………………………………………

       

Fernando Pessoa

 

Suis ta destinée,

 

Arrose les plantes,

Aime les roses.

Le reste est l’ombre

D’arbres étrangers.

 

La réalité

Est toujours plus ou moins

Que ce que nous voulons.

Nous seuls sommes toujours

Égaux à nous-mêmes.

 

Vivre seul est doux,

Vivre simplement,

Toujours, est noble et grand,

Sur les autels, en ex-voto

Pour les dieux, laisse la douleur.

 

Regarde la vie de loin.

Ne l’interroge jamais.

Elle ne peut rien

Te dire. La réponse

Est au-delà des dieux.

 

Mais sereinement

Imite l’Olympe

Au fond de ton cœur.

Les dieux sont dieux

Parce qu’ils ne se pensent pas.

 

……………………………………….

 

Rainer Maria Rilke

 

Tu ne dois pas chercher

 

Tu ne dois pas chercher à comprendre la vie,

elle sera dès lors pour toi comme une fête.

Laisse chaque jour te combler

comme un enfant qui passe

se voit comblé de fleurs

par chaque brise.

 

Il ne lui vient pas à l’esprit

de les ramasser ni de les garder.

Doucement de sa chevelure,

tendre prison, il les enlève,

et à ses chères jeunes années

il tend les mains pour avoir d’autres fleurs

 

………………………………………………

 

Philippe Sahuc

 

Elle s’en balance

bale, balaŋ, balontaŋ

D’un tel jeu de ballon

Elle s’en tape

tap, tap, tap…

Mais aucune pression pour menacer le bouchon !

Puispshshshshs

s’insoucie

sein sous si comme bémol à la clé !

Whatever ?

Ouate et vert ?

Coton tendre,

si vous voulez…

Et après ?

Sans baffe, bof…

Inutile de biffer…

ni de bisser…

ni de lisser...

Et laissez de grâce

consonner

en vie au long !

 

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Svante Svahnström

 

Les herbes folles ont pris racine dans la gencive des siècles

et la Creuse ne se presse pas

serre ses crocs en silence

Le rocher qui se tend est un menton violet

qui offre sa barbe oublieuse aux  sommeils de bruyère

Les ruines des Lusignan sont sans défense

Des fortifications restent seules des dents creuses

La rage du front des fois a cessé de meurtrir cette mâchoire

et le calcaire n’est plus croqué dans le méandre

Indéfiniment prête à déglutir

la falaise agite avec la langue

les dernières molaires

destinées à la dissolution dans les sucs des tubes confluents

Nature gourmande

repue à Crozant


Le château de Crozant est situé au confluent de la Creuse et de la Sédelle


in Hocus Corpus, 2009

























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