vendredi 25 février 2022

L'Éphémère

Le cycle des éphémères - Les moucheurs nantais


 

 

 AUTEURS

Karin Boye **
Paul Froment *
Xavi Gutiérrez Riu *
Jules Laforgue **
Didier Métenier
Philippe Sahuc
Jean-Luc Sigaux **
William Shakespeare **
Svante Svahnström
Kiyosaki Toshio **

* -   présenté par Nicolle Sibille
**- présenté par Svante Svahnström





KARIN BOYE   (Suédoise 1900-1941)

CALME DU SOIR

Sens comme est proche la Réalité.
Elle respire tout près d’ici
dans les soirs sans vent.
Elle se montre peut-être quand nul ne le croît

Le soleil glisse sur les herbes et les roches.
Dans son jeu silencieux
se cache l’esprit de vie.
Jamais il n’a été aussi proche que ce soir.

J’ai rencontré un étranger qui se taisait.
Si j’avais tendu la main
J’eusse effleuré son âme
Quand nos pas timides se sont croisés
 
in Pour l'amour de l'arbre

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Pau FROMENT  (1875-1898)  

Sonet d’un poèta avant de s’anar negar
                                  À l’amic Marcel J.


Lèu tot s’escantis per jamai
Dins ma paura ama desolada ;
La fisença s’es envolada,
De solelh n’a pas vist un rai !

Dejà la vida al mes de mai
Me sembla trista, despolhada…
Dins ma paura ama desolada
Tot va s’escantir per jamai !

L’esperança, luenh l’ei caçada
E morís coma la flor dalhada
Al solelh, dins los prats, enlai…

Quand l’Amor me passa a portada
Fai qu’una grimaça e se’n vai ;
Tot es escantit per jamai.

 

Sonnet d’un poète avant d’aller se noyer
À l’ami Marcel


Vite tout s’éteint à jamais
Dans ma pauvre âme désolée ;
La confiance s’est envolée,
Sans voir un rayon de soleil !

Déjà la vie au mois de mai
Me semble triste, dépouillée…
Dans ma pauvre âme désolée
Tout va s’éteindre à jamais.

L’espérance, loin je l’ai chassée
Et elle meurt comme la fleur fauchée
Au soleil, dans les prés là-bas…

Quand l’Amour passe à ma portée
Il ne fait qu’une grimace et s’en va ;
Tout s’est éteint à jamais.


Traduction de Marceau Esquieu


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XAVI GUTI ÉRREZ-RIU 

DESMEMÒRIA DETH TEMPS

 Desbrembaram eth temps
 dera memòria,
de quan es insurgents penitents
non auíem sonque istòria,
menspredaram era memòria
e eth rebrembe
mos tractarà damb desdenh.
E non rebrembaram sonque
estampes en blanc e nere:
imatges de corrudes e acaçades
enquia boca de net,
de quan jogàuem a descorbir
-en instants deth temps que mos vagaue-
es formes possibles
que diboishaue eth vent
en aqueres bromes com de coton,
acasterades en cèu;
tempsi d’amistats leugères
e desamistats hugidisses,
de maitins heireds
e de sers calorents,
de matances deth pòrc
e de cantres fresqui,
de hèr ara pilòta tot eth dia
e d’auer es jolhs tostemps espelats.
(arribats en aguest punt,
se vos enganhi,
amics lectors,
sapiatz que non ère pas era mia intencion
mostrar-vos eth postèma
laganhós
deth mèn naufragi
memoriós)
E me ven ena memòria
tot eth cansament
deth camin desmarchat,
totes es termières invisibles
qu’è crotzat,
es paraules qu’è liejut,
es mots que jamès escriuerè
en aguest temps que tèrmie
damb eth temps que non viuerè.

Xavi Gutiérrez Riu me mandèt aquel poèma sus lo tèma « efemèr » : « La memòria ei tostemps efemèra e non rebrembam que quauqu'ues des causes qu'auem viscut... (N.S.)

Traduction de Nicole SIBILLE

OUBLI DU TEMPS PASSÉ

Nous oublierons le temps
de la mémoire,
celui des insurgés pénitents
qui n’étaient même pas dans notre histoire,
nous mépriserons la mémoire
et le souvenir
nous regardera avec dédain.
Et nous ne nous rappellerons
que des estampes en noir et blanc :
images de poursuites et de chasses
jusqu’à la tombée de la nuit,  
quand nous jouions à découvrir
-si le temps nous en était laissé-
les formes possibles
que dessine le vent
dans ces brumes de coton
amoncelées dans le ciel ;
temps d’amitiés légères
et de ruptures passagères
de matinées froides
et de soirées chaleureuses,
des jours où on tuait le porc
et des cruches d’eau fraîche,
des journées entières à jouer à la pelote
et d’avoir les genoux toujours écorchés.
(arrivés à ce point,
Si je vous ennuie,
amis lecteurs,
sachez que mon intention n’était pas
de vous montrer l’écoulement
plaintif
de mes souvenirs
enfouis)
Et me vient en mémoire
toute la fatigue
 du chemin parcouru,
toutes ces frontières invisibles
que j’ai franchies,
les textes que j’ai lus,
les mots que jamais je n’écrirai
dans ce temps qui s’approche
du temps où je ne vivrai plus.
 



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JULES LAFORGUE

MÉDIOCRITÉ

Dans l’infini criblé d’éternelles splendeurs,
Perdu comme un atome, inconnu, solitaire,
Pour quelques jours comptés, un bloc appelé Terre
Vole avec sa vermine aux vastes profondeurs

Ses fils, blêmes, fiévreux, sous le fouet des labeurs
Marchent, insoucieux de l’immense mystère,
Et quand ils voient passer un des leurs qu’on enterre
Saluent, et ne sont pas hérissés de stupeurs.

La plupart vit et meurt sans soupçonner l’histoire
Du globe, sa misère en éternelle gloire,
Sa future agonie au soleil moribond.

Vertiges d’univers, cieux à jamais en fête !
Rien, ils n’auront rien su. Combien même s’en vont
Sans avoir seulement visité leur planète


in Jules Laforgue – Anthologie poétique

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DIDIER METENIER

minimalist
    tic

En anglais :
minimalistic - minimaliste
minimal ((art) is is (a) tic - l'art (sous sa forme) minimal(e)
(n')est (qu')un simple battement de cœur

Nota Bene :
Le minimalisme est un mouvement artistique qui utilise uniquement
des éléments minimaux et basiques. Par extension, dans le langage
courant, le minimalisme est associé à tout ce qui a été réduit à
l'essentiel et qui ne présente aucun élément excessif ou accessoire.


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PHILIPPE SAHUC
Ephéméroptère

ASTICA-TE :
injonction occitane à tous les incertains coches
de faire flèche
qui efface son empennage en souci de la cible !
Or, vil asticot se sera d’avant tortillé
pour devenir
éphémère mouche…

BISTRO
BIST…
D’un vite russe
qui pourtant ne lézarde
la queue se coupe
pour se plier à l’éphémère.
Il en demeure un instantané :
l’’òc bist.
Vu s’est fait en un clin d’œil
mais l’oreille qui s’entend dire à peine
mélange ses consonnes :
elle aurait besoin du temps de siroter au bistro, elle !

TARIŊ
TARI…
L’indication mandingue du raccourci
est faite peut-être
pour draguer l’éphémère
en consolation aux longues pistes arides
du voyage ou du texte.
Or, le suc du premier jet
au fil des jours
est parfois tari.

TR
ô langue au fond de ma bouche
à laquelle suintent encore des perles de son
que parfois nul encore n’entendit,
que nul ne comprendrait…
ô langue magique
et sitôt triste de ton jet
solitaire
langue des cris réprouvés
n’entraînant nul écho,
seule langue parée
de la beauté
de l’éphémère.

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WILLIAM SHAKESPEARE


LA TIRADE DE MACBETH ( MACBETH V, 5)

Demain, et puis demain, et puis demain,
Glissent à petits pas d’un jour à l’autre
Jusqu’à la dernière syllabe du registre des temps ;
Et tous nos hiers n’ont fait qu’éclairer pour des fous
La route de la mort poussiéreuse. Eteins-toi, éteins-toi, brève chandelle !
La vie n’est qu’une ombre errante ; un pauvre acteur
Qui se pavane et s’agite une heure sur la scène
Et qu’ensuite on n’entend plus ; c’est une histoire
Racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur,
Et qui ne signifie rien.

…..

Tomorrow, and tomorrow, and tomorrow,
Creeps in this petty pace from day to day,
To the last syllable of recorded time;
And all our yesterdays have lighted fools
The way to dusty death. Out, out, brief candle!
Life's but a walking shadow, a poor player,
That struts and frets his hour upon the stage,
And then is heard no more. It is a tale
Told by an idiot, full of sound and fury,
Signifying nothing.

…………………………….

JEAN-LUC SIGAUX

Dieu envahit tes mots
Qui se pulvérisent au-delà du sable
Les rafales voilent les horizons
de la tendresse lorsque je
prononce ton nom dans le zénith
en deuil

…..

Cette neige est pour toi
pour toi le silence lorsque le concert ne sonne plus
      sur les routes
Il n’y a plus que ton rire de traîneaux
et de talus empanachés de givre
Alors emporte-moi dans la terreur de tes bras nus

in Tandis que je bascule dans le luxe des planètes furieuses
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KIYOSAKI TOSHIO  traduction Svante Svahnström

Dagsländan sätter sig
på min fingertopp
luktat gammal fisk

L’éphémère se pose
tout au sommet de mon doigt
pue le vieux poisson


https://kunskapskarameller.se/?s=toshio

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SVANTE SVAHNSTRÖM

NORÐURLJÓS

Norðurljós uz lustro salaisuus
sollys yfir Riss mearra
þorskur dichat mellan skamlæbe dálvi

Auroreboréale sur le miroir des ténèbres
lumièresolaire sur la fissure de la mer
la morue respire entre les grandeslèvres de l’hiver

Traduit de
Islandais-letton-polonais-finnois
danois-islandais-allemand-lapon
 islandais-russe-suédois-danois-lapon

 in Languier

 

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 

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