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"Vädersolstavlan" - "Le tableau des soleils du temps" Première image de Stockholm, à l'occasion d'un phénomène céleste le 20 avril 1535 |
Mentre que s’en rirà l’auristre - 1
Al grat del vèspre indefinit que sus las sèrras ja se dosta, de gats per la mureta atravèrsan lo temps, los agaits alandats al vent que los aucèls, pivelats de terror davant la vibra encara, coma al primièr matin d’aquela carn estranha, i cason dins lo tomple. Popan lo lait del cèl, aitanplan, las colòbras volant a ras del mond, qu’aquí bas son las mèstras. Mas mai fons dins la nuèit, lo castèl de l’erètge vèlha sus la blancor, levant de tèrra en cima un rai viu de clartat que me canta la fin pel Pòrt del Paradís. Un pòrt cap a ma Sobeirana…
Extrait de Lo Dîvân de ma Sobeirana (2018, Ed. Tròba Vox) |
Pendant que s’en rira l’orage - 1
Au gré d’un soir indéfini qui sur les monts va se verser, des chats, sur la murette, à travers le temps passent, les yeux écarquillés au vent où les oiseaux fascinés de terreur devant quelque vipère, comme au premier matin de cette chair étrange, chutent de par le gouffre. Les couleuvres aussi tètent le lait du ciel, volant au ras du monde – elles en sont les maîtresses. Mais, du fond de la nuit, le château d’hérétique veille sur la blancheur montant de terre en ciel, vivant rayon de jour qui me chante la fin au Seuil du Paradis. Au Seuil se tient ma Souveraine…
Extrait de Le Dîvân de ma Souveraine (2018, Ed. Tròba Vox) |
Bleus
Un bleu pâle de ciel où l’unique nuage
Est une lune vaporeuse et translucide
Comme un jade surnaturel de la lumière,
Le minéral du vent et des temps oubliés.
Un bleu grisâtre d’horizons lointains et flous
Qui s’estompent dans l’oeil lassé par la distance.
Un bleu sombre de mer debout sur son abîme
De vie antérieure et de froide ténèbre
Avec les ombres erratiques de la peur.
Un bleu de nuit, la nuit, comme s’il faisait jour.
Rhapsodie des fins dernières, Phébus 1977
Devin d’avril
Quand dodelinent les lilas pensifs, fleuris
La tête lourde sous l’averse et le feuillage,
Las de la giboulée ou du froid excessif
Scellé du sceau de plomb du ciel ; quand se défont
On ne sait trop pourquoi des tresses de tristesse
Et les cheveux épars de la mélancolie,
On ne sait pas qu’on pense aux morts. On pense à eux.
D’autres mots vous viendront encore au bas du coeur
Comme une turbulence, et d’autres maléfices
Vous durciront comme une rouille sous la peau.
Il y a le soleil qu’on trouve sous l’étoile
Et l’ombre qui nous rend le paysage ouvert ;
Il y a cette voix debout dans les saisons
Et qu’on n’écoute pas, l’unique qu’il faudrait,
L’impersonnelle à tous, savoir oser entendre.
Le venin fait la proie et le silence est l’élixir.
Le jardin colérique, Phébus 1977
AVEC SUBAGIO SASTROWARDOJO
Comme Betty Beath, cette musicienne
Australienne qui, en se souvenant
Que ton premier recueil portait ce nom :
Simfoni (Symphonie), a composé
Quelques minutes de musique émue
Sur les mots que dans un poème tu
Entends de la bouche du premier
Homme dans l’espace (Manusia
Pertama Di Angkasa Luar) nous
Entrelaçons à ta voix, Subagio,
Nos voix qui à leur tour sont suspendues
Dans les gravitations bouleversées
Des énergies.
L’homme en question, tandis
Que son vaisseau spatial l’éloigne de
La terre, envoie au monde ce message :
« J’ai touché aux rivages d’où l’on ne
Retourne plus. Je flotte. Autour de moi,
Le jour et la nuit ne font qu’un. La terre
Sombre dans un gouffre infini. Le ciel
À l’horizon à toute allure monte.
Pourtant ce n’est pas à Victor Hugo,
À La Fin de Satan, que je me fais
Penser. Je ne sens partout que du calme.
Je me demande s’il me manque quelque
Chose, et je conclus : je n’ai besoin de
Rien. La nostalgie m’emplit tout entier,
De ma femme, de mes enfants, de ma
Mère. Plus je m’éloigne de ce monde,
Plus mon amour grandit pour ceux que j’ai
Quittés. Les seuls souvenirs qui me restent
Sont ceux de l’enfance quand je dormais
Avec au cœur du rêve les légendes.
Et cette rose qu’Élisa glissa
Dans la lettre où son amour murmurait.
Elle doit être à la fenêtre avec
Alex et Léo, les vauriens que j’aime,
Tendue, à regarder le ciel en vain.
Car nul trait ou point ne vient attester
De ma visite au firmament muet.
Moi-même, d’ailleurs, je n’ai plus de rêves :
Tous envolés plus loin que la fusée
Qui m’a lancé vers le monde désert.
Et pourtant monte en moi une prière.
Je vais essayer de la formuler :
À moi comme à tous, qu’on donne un poème
Et non tout le fatras mirobolant
Des symboles, des chiffres, des schémas
Et des courbes dont se prévaut la science
Qui m’a précipité loin de la terre
Que j’aime tant. L’espace est solitaire.
J’ai touché aux rivages d’où l’on ne
Retourne plus. Qu’on m’accorde une force
De métal comme tous ceux qui affrontent
L’horreur du monde et le vide du siècle.
Qu’on m’accorde une patience infinie,
Aussi infinie que cet univers,
Comme tous ceux qui ont à supporter
Le poids des souffrances et des tortures.
Qu’on m’accorde la volonté d’un dieu
Comme tous ceux qui ont le vouloir de
Résister aux cruautés, repousser
Les oppressions. Et enfin qu’on m’accorde
Une tendresse délicate égale
À de la soie comme tous ceux qui peinent
Dans la joie pour préserver la morale
Et défendre une idée douce de l’homme.
Bons baisers à ma femme, à mes enfants
Et à ma mère, et grand salut à tous
Ceux qui de moi se souviennent encore.
Comme est tranquille et profond l’univers !
Je m’éloigne toujours plus loin de la
Terre que j’aime tant. Plus mon cœur est
Seul, plus il gronde. Quel vacarme immense !
Maman,
ne me laisse pas seul.
Maman. »
Pendant que nos voix font un contrepoint
Tout à la fois très complexe et très pur,
Aussi complexe qu’un nuage de
Tempête, aussi pur que la si légère
Brume qui parfois le matin émane
Du fond des vallées, retentit en nous
Et autour de nous la déflagration
D’un gong gigantesque. Alors un orchestre
Fabrique du vertige en oscillant
Autour de quelques sons, constellation
Tournant sur elle-même, et des mélismes
Qui toujours plus montent vers les aigus
Nous animent en nous faisant frémir,
Frêles éphémères effervescents,
Tandis que des répétitions de notes
Et d’accords dans le grave
…ré ré ré
ré ré ré ré ré ré ré ré ré ré
ré ré ré ré, ré-mi bémol ré-mi
bémol ré-mi bémol, ré-mi bémol
ré-mi bémol, sol-do sol-do sol-do,
la bémol-ré bémol la bémol-ré
bémol, la bémol-ré bécarre la
bémol-ré bécarre la bémol-ré
bécarre, si bémol-mi si bémol-
mi si bémol-mi si bémol-mi, la-
mi bémol la-mi bémol la-mi bé-
mol, do-mi do-mi do-mi do-mi do-
mi do-mi do-mi…
nous font tressauter
Pour que nous dansions comme des oiseaux.
C’est la musique de Betty Beath, qui
T’accompagne et nous associe. C’est beau,
Ces pulsations fondant communauté
Par-delà les espaces et les temps,
Les conditions, les circonstances et
Les langues. C’est beau : nous sommes avec
Toi, avec elle, avec ton cosmonaute
Philosophe et petit enfant, avec
Tous les vivants fragiles, menacés,
Et les morts gravitant tout autour d’eux.
Nous nous rappelons que tu nous as dit :
« Les héros sont enterrés avant l’âge
Au flanc des montagnes, parfois dans les
Jardins des villes, là où les enfants
S’égosillent et jouent au cerf-volant
(layang-layang). Bien plus tard dans la nuit,
Les feuilles tombent prématurément
Plus denses soudain. Et la mort se fait
Plus intime comme un ami plaisante,
Vous invite à rire, c’est une langue
Universelle. Face à face comme
À travers une vitre transparente,
On reconnaît bien les traits du visage,
On voit même la cicatrice près
Du front. Il vous tend la main, il porte une
Bague à l’annulaire :
Vois, entre nous
Il n’y a pas de frontière. Je suis
Toujours lié à ce monde par ma
Promesse. Le souvenir fait comprendre
Que la mort est une fine membrane
Imaginaire que très aisément
On traverse. En fait, rien ne disparaît
Dans la séparation, tout se retrouve
Même le rêve et le goût des choses
Futiles.
Lorsque la saison se meurt,
Tous les murs frontières vont s’écroulant
Et la mort se fait plus intime.
Un jour,
Le petit enfant n’est plus triste pour
Son cerf-volant (layang-layang) perdu
Ou déchiré :
Regarde, maman, je
Ne pleure pas, je peux voler tout seul
Avec mes ailes à moi jusqu’au ciel. »
Alors avec toi nous sommes debout,
Subagio, face au vent de la falaise.
Philippe Sahuc Saüc
Qu’aimi ton cèl...
Querencia, abri précieux en cas de rue taurine,
Underground, seulement si l’habitude est perdue de grimper aux tilleuls,
Anti, anta, c’est selon qui passe alors de l’est ou est pas,
Invierno, si la toque ne déborde pas trop, le bleu est d’autant perceptible,
Maloŋ, restera du mystère tu m’en diras tant,
Incontestablement.
Tack à l’invention de la verticalité,
Onduidelijk, lorsqu’il se veut en cils flamands,
Neexne trop sous tous ses boubous nivolés !
Consi se canta ? L’air se vous suffit donc pas...
Ecли grisé ou bien rapé,
Lagona, edatera… laudaque caelum aquitanum !
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Svante Svahnström
Dans un froid sans limites
lancées d’abysses en combustion
se figent des boules de feu
se concilient des géométries sauvages
Rompant l’apnée
les conglomérats labourent des trajectoires
toujours plus étroites
vers le carbone
vers l’alpha
où attend le réveil des espèces
ou bien :
Puis le vide fut bousculé
un spasme parcourut le Créateur
et le noir trembla
Partout des profondeurs
partout des graines
partout des microcosmes en voltige
Et dans un des noyaux
des spores qui explosentLe scrotum sans fond en expansion
qui pompe qui éparpille
qui ensuite se contracte
Soulagé le Créateur confie l’Univers
à sa semence
C’est le règne des procréateurs
Et la semence ramollit
et les procurateurs prolifèrent
puis se détruisent
Le Créateur se convainc que cela est sans gravité
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