dimanche 25 mai 2025

Insoumission

La Liberté guidant le peuple - Eugène Delacroix 



AUTEURS

Joséphine Aurignac *
Nanou Auriol
Sabine Aussenac
Saïd Benjelloun
Thibaut Bois
Claudine Candat
Miloud Chabanne **
André Chenier ***
e.e.cummings **
Lise Durand
Catherine de Monpezat
Théo Plantefol
Francis Pornon
Jacques Prévert
Claude Roy
Svante Svahnström

Présenté par :
Lise Durand *
Didier Metenier **
Agnès Laplaze *** 
Nanou Auriol ****


JOSEPHINE AURIGNAC

 Le vent s’est levé sur la planète terre.
 II n’a cessé de souffler sur la mère, la femme, l’enfant…
 Elle est entrée dans la danse :
Piaffant, crachant, pestant, gesticulant…
Elle est entrée dans la danse du vent,
 Insoumise comme la tempête et le vent.                                                                                         Elle chante en dansant :
Soumettre, démettre, admettre, permettre…
Elle est maitresse du temps.

                                                       le 15 mai 2025
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NANOU AURIOL


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SABINE AUSSENAC

Sonnet anticapitaliste

Qu’ils se gorgent de bile, tous ces bourgeois frileux !
Qu’ils étouffent de fiel en leurs habits de fête
Étranglés de bolduc en sanglantes paillettes :
Leur noël mascarades offensant tous les gueux !

Qui est-il, ce Jésus, pour ordonner bombances
Quand l’univers entier hurle révolution ?
Comment peut-on encore prêter dévotion
À ce charpentier fou générant tant d’outrances ?

Tout prélat est immonde et tout autel amer,
Nul besoin d’honorer et le fils et le père
Au triste anniversaire devenu une orgie!

Où le capitalisme, tel un ogre affamé
Dévorant innocences en prétextant aimer,
Assassine les hommes d’un argent qui mugit !

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SAÏD BENJELLOUN

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THIBAUT BOIS

L'Esclave et le Maître

Quel est en ce monde, le moyen de savoir,
Où nous sommes placés vis-à-vis du pouvoir ?
Sous les vers d'une fable, j'interroge la liberté
Auprès de l'Esclave, la servile humanité
Pour mieux saisir qui en est le Maître.

Esclave qu'il fut venant à peine de naître,
Notre Épictète allait grandir bien malheureux.
Sagesse aidant plus pour le bien que le mieux,
Espérant l'aujourd'hui pire que le lendemain,
Et obéissant ainsi à son fardeau quotidien.
Les cuivres propres, et un sol bien rincé
N'accordaient que le luxe de tout recommencer
Jusqu'à la bévue d'omettre un carreau
Que le Maître, sans manière, oublierait bientôt.
Le prix d'un esclave comble les esprits légers
Qui de l'argent se font les protégés.
D'un carreau oublié jusqu'à toute la fenêtre,
Rien ne saisissait la vigilance du Maître.
Le sage Esclave, au bout de sa forfaiture,
S'émancipa en changeant la serrure.
Revenant de ses affaires de toutes sortes,
Le Maître se retrouve bloqué à sa porte.
Ouvrant à son bienfaiteur, l'Esclave réveillé
Offrit d'embaucher les services du Maître dépouillé.

L'inconfort seul peut nourrir une sagesse antique,
Un terreau fertile d'où croît la dialectique
Et fleurit avec la conscience de l'équilibre
Dont la science des opposés nous explique
D'être résolu à ne plus servir, et enfin être libre.

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CLAUDINE CANDAT  

MÉDISANCES

S’il faut parler pour ne rien dire
Écrire rien que pour parler
Alors je préfère me taire
Et laisser vierge le papier

S’il faut dire n’importe quoi
Pourvu que le sens se délite
Pourvu qu’on n’y comprenne rien
Alors je préfère noyer
Mes vers au fond de leurs limites
Une pierre attachée à leurs pieds

S’il faut pour bleuir du papier
Mixer du sexe et du cosmique
Sans avoir l’âme à fleur d’étoile
Ni le désir à fleur de ventre

Je préfère assécher ma plume
Et la laisser flotter légère
Dans les tourbillons du silence

S’il faut de derrière les fagots
Tirer des expressions opaques
Et triturer les dictionnaires
A la recherche d’hermétismes

Alors je préfère chanter
La belle que voilà
Et les jolis tambours
Sur leurs vaisseaux d’écume
Quand  Pierrot à rebours
Me décroche la lune
Des chansons populaires

J’écris pour les imbéciles
Qui rêvent simplement
 

in Mon opium est dans mon cœur, éditions Il est Midi, 2024

LE BÂILLON

Sous le bâillon le rouge à lèvres
Prend des airs de rose de serre
Mais si peu d’air
Étouffe sa rage d’éclore
En quêtant sa seconde sève.

Ferme la bouche serre les dents
Surtout faire barrage
Au baiser du vent.

Dans sa prison le rouge-gorge
Bat des ailes sans oser
Déchirer du bec des barreaux de papier
Chante sa douleur
En quêtant son second souffle.

Ferme la bouche serre les dents
Gobe les mouches
Ça ment sciemment

Dans un étouffoir la fraise
Perd son parfum et ses rougeurs
Cage moite qui ternit
La couleur des rêves
Tu assassines les saveurs

Ferme la bouche serre les dents
Mords dans tes lèvres
Jusqu’au sang

Sans le maillon de qui s’enchaîne
La liberté pourrait souffler
Nous inviter à nous étendre
Sur ses lits de gazon vert
Tissu de songe à ciel ouvert

Ouvre la bouche montre les dents
Crache tes peurs
Gobe le vent

Sous son bâillon le rouge à lèvres
Fraise à cueillir du bout des dents
Saisis la perche
Que s’y pose
Un rouge-gorge couleur de chant

Ouvre la bouche montre les dents
La fleur aux lèvres /Souris au vent

in Tiroirs amers


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DE BUT EN BLANC

Page blanche ou écran noir
Noir sur blanc
Ou blanc sur noir
La vie corrige en rouge sang

De but en blanc
De banc en blues
Mis au rebut
Marqués au rouge
Et mis au ban

Qui se protège et se défend
Des dents de loup
Des fleurs du mal
Que les esclaves ouvrent le bal
Et envoient valser leurs tyrans

Qui sous couvert d’être le sel
Et la richesse de la Terre
Les dépouillent de leur honneur
En plus du pain et du chauffage

Des bas-fonds montent les voyous
Des rats en costume et cravate
Qui crient haro sur les jaloux
Les fainéants les illettrés
Les chômeurs et les retraités

Que la Transformation ait lieu
En lieu et place des réformes
Qui font marcher à reculons
Le droit, le juste et le partage

Que les spoliés fassent légion
Et se répandent sur la place
Révolte et Révolution
Sont à l’ordre du jour,
À la page

Que les colères s’amalgament
Et fusionnent dans un volcan
Que l’étincelle contamine
La poudre couvant le brasier
Sinon sinon le tableau noir
D’où s’effacera la mémoire
Des plus nobles de nos conquêtes
Fraternelles et solidaires
Acquis sociaux et libertés

La baguette nous mènera
Nos yeux de lapins de carême
Hypnotisés par les serpents
Pleureront des larmes de sang
©Claudine Candat /Tiroirs amers
Poètes, vos QR codes
Passez y a rien à voir
Circulez dans le noir

Que la rime m’encode
Q en l’air qui prend l’o
O comme obéissance
Remorqueur de silures
Bouffeurs de dignité

Poètes, vos QR code
Passez y a rien à voir
Circulez dans le noir

J’ai le rythme bancroche
Qui claudique et s’accroche
À mon sceptre de reine
Sans terre et sans sujets
Sauf sujets à débattre
J’ai le vers opiniâtre

Poètes, vos QR codes
Passez y a rien à voir
Circulez dans le noir

Présentez votre bras
Levez haut les fessiers
Pour qu’y claque le fouet
Des ordres et des contrordres
Et pan sur l’hémistiche
Et votre honneur postiche

Poètes, vos QR codes
Passez y a rien à voir
Circulez dans le noir


in Tiroirs amers
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MILOUD CHABANNE

de l'infiniment petit
à l'infiniment grand...
s'étale sous nos yeux
l'intense réalité
des inégalités
une inégalité c'est toujours une différence
une différence ce n'est pas toujours une inégalité
il existe une inégalité dans la différence
le droit à l’inégalité est un droit absolu
absolument bafoué
dans une relative in
différence

Kifkif Bouriko (extrait revisité), 31 poèmes

...................

Par le cœur de ses battements
Par le sang de sa couleur
Le noir égale le blanc

Color of blues, p. 19 (extrait)  31 poèmes , éd. Baudelaire (2019)

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ANDRÉ CHENIER  

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LISE DURAND

L'insoumission
Te rend vivant
Sinon
Tu n'es rien
Qu'un imitateur
Sans parole
Qu'un musicien
Sans musique
Qu'un intellectuel
Sans empathie
Qu'un bourgeois
Sans coeur
Qu'un imbécile
Sans valeur.
L'insoumission
Te portera
Mais
Elle peut aussi
Te détruire
Si de la bonté
Tu n'as pas. 

           Toulouse le 25 avril 2025

Quand tu penses
Tu es tout seul.
Être vivant
C'est être rebelle
Contre les mensonges
Les faux semblants
Contre tous ceux
Qui veulent imposer
Leur façon de vivre
Et de rêver.
Quand tu penses
Tu es tout seul.
Parce que
On est sincère
Insoumis et bon
Quand on est vivant.
                         
               Toulouse 14 avril 2025

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La descente du dragon
Les protège de la mer.
Une fois cassés tous les moules
Qui t'emprisonnent du passé
Tu pourras marcher sur ta route
Comme tu en as jamais rêvé.
L'eau plus verte que le jade
La lune qui vient de clignoter
Il est temps pour toi d'écrire
Le soleil bleu qui palpitait
A qui tu as tenu tête
Comme pour l'empêcher de sombrer
Qui s'est éteint sous le bitume
De ces civilisations érodées
Qui croient avoir la vérité
Comme une fleur qui va faner.
Laisse l'autre vivre sa vie
Sans faux semblant, sans antienne
Et peut-être vivras-tu la tienne
La descente du dragon...

                                                    Baie d'Ha Long le 13 mars 2025
     Ha Long signifie la descente du dragon. Le dragon est bénéfique selon les légendes vietnamiennes.

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DIDIER METENIER

l'anguille nue
(the nude eel)
telle est la face dévoilée
pure réalité
de ma Nouvelle Donne

En anglais:
the New Deal - la Nouvelle Donne

the nude eel  - l'anguille (mise à ) nue

Nota bene:

"the nude eel" (comprendre "the New Deal")
est un jeu de mots créé par Cummings et proposé
de façon sarcastique pour évoquer le terrible
dénuement des populations les moins favorisées
au lendemain de la terrible dépression des années
30 et des années de guerre qui ont suivi (guerre
mondiale de 1939 à 1945).

New Deal : Nouvel Accord mis en place aux États-Unis
pour soutenir l'économie pendant la période de la Grande Dépression dans les années 1930. (chômage et faillites
en chaîne)

e.e.cummings     poète américain (1894-1962)
 
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CATHERINE DE MONPEZAT  

Vous  parlez bien d'aimer?

Pourquoi votre regard est-il toujours absent?
Vous parlez bien d'aimer, mais c'est avec des gants.
Vous dites qu'il faut faire mais sans engagement
C'est bien facile à dire, rassurant mais navrant.                                                                                            
 
Pourquoi trop rectifier, repriser, redresser
les bossus, les boîteux. Laissez-les donc marcher!
La vie se manifeste, comme elle peut, comme elle est
Et si elle vous dérange, c'est pour vous libérer...
Pas comme il faut, c'est vrai:
au diable la sainteté!
   
Pourquoi anesthésier  la foi, la sainteté?
Ce sont deux grandes dames qui doivent s'exprimer
Si elles vous font peur: allez-vous faire soigner
pendant que l'espérance trinque à votre santé.

Et si vos coups d'essai ne sont pas coups de maître,
Ne baissez pas les bras pour faire vivre les êtres!
Un peu d'air s'il vous plaît, ça suffit pour renaître.
Les jugements de plomb envoyez-les donc paître!

S'il s'agit d'enfanter, il y aura déchirure
Renaître de l'Esprit et dans le temps qui dure,
c'est aussi reconnaître Dieu dans l'aventure;
découvrir son visage sous les caricatures.

Ainsi notre regard se fera plus présent
Il répandra de l'or sans demander d'argent
et il habillera vieillards, femmes et enfants
de soleil et de vie comme fleur au printemps.

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THÉO PLANTEFOL  


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FRANCIS PORNON  

 Annie Maguire

Les linaigrettes sont fanées
dans les yeux tourbe
Annie Maguire est empierrée

Sujette muette
Elle suivait sans détour les chevelures enlacées des canaux
de la route banale
elle s’enduisait des atours monocordes des Monoprix
elle oubliait l’Irlande où les sphaignes
saignent
elle perdait l’Irlande
aux touffes de musique rance
criblées
aux façades écarlates
au sang de la bière

Quand la mort a giclé en blanc feu d’artifice
la mort étrange
Annie a vu s’abattre les nuées noires de policiers
déchirer ses pupilles à coups de cris
fouiller sa chair
gratter ses ongles
ses entrailles fleuraient dit-on la dynamite
et le bec du juge bavait

Les époux Rosenberg
de la verte Angleterre
payent
les brouillards purulents
du sommeil

Quatre ans quatre ans quatre ans
sous les pierres salpêtrières de la prison
sans matin doux
et quand tout à coup
le matin s’ébroue
l’amour
l’amer
de Paddy Maguire son mari
au rythme des canons gras en érection
de quatre matons
un maton fou
attendre

Annie
se laver
des éclaboussures fétides
se laver de l’urine des faux-monnayeurs
pissant en rang
présentez larmes
se laver la peau se laver les os se laver
taches de spermes pourri imprimées dans le visage
se laver des hommes
énormes
de Wilson
se laver du sang
sale
de Thatcher

Les linaigrettes sont fanées
dans les yeux tourbe
Annie Maguire est empierrée


in Poèmes dits, 1980

Annie Maguire est une Irlandaise qui, âgée de 40 ans, a été condamnée en 1976 par la justice anglaise à 14 ans de prison pour un attentat qu’elle n’a pas commis. Libérée en 1990, elle est encore en vie.

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JACUES PRÉVERT   


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CLAUDE ROY  


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SVANTE SVAHNSTRÖM

Notre attente est légitime
Ce que nous voulons est juste
Vos esquives nous n’en voulons plus
Ne venez pas encore avec vos langues de bois
Nous sommes le peuple
Nous exigeons du vrai
L’état de la situation
Ce que vous avez fait
Ce que vous comptez entreprendre
Oui mais non
Votre vérité à vous on n’en veut pas
Vos faits vous pouvez les garder pour vous
avec vos salades de scientifiques
On n’en a rien à faire
Vous n’avez pas compris que ce que nous voulons
c’est la vérité qui nous convient à nous
Celle que nous décidons
Parce que nous sommes le peuple
C’est celle-là que vous devez annoncer
Vous êtes élus pour le peuple
Nous sommes le peuple
Vous n’avez pas compris ?

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LES NOUVELLES DÉMONSTRATIONS

Je vois mon voisin suivre un nouveau chemin
Il a compris ce que tous devraient savoir
les nouvelles démonstrations
les vrais visages des faits
Il a pris conscience enfin
de l’appareil qui tourne pour inciter les citoyens
à penser que la Terre est une sphère
que la science médicale progresse pour soulager des souffrances
que les choses vont bien dans le pays
que les choses vont mal dans le pays rien que pour semer la peur
Fatigué par les rengaines des informateurs attitrés
il est ébloui par un récent récit innovateur
Il découvre et décode désormais
tout ce que ceux qu’il appelle usurpateurs
ont voulu depuis toujours dissimuler
Il n’aime pas le mot « complotiste »
mais c’est avec fierté qu’il se désigne
porteur des faits alternatifs nécessaires
que dévoilent de nouveaux conteurs de vérité
Il le fait pour le bien de la nation

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