Montagnes
Une montagne du Nord aux cols amidonnés.
Une lune blanche, sur une eau bleutée,
Où passent les canoës
Sans indiens emplumés.
Ils ne rament plus.
Ils se sont tus.
Plus de panache,
La peur de l'Apache
n'est qu'une légende.
Parfois, sur la montagne, là-haut,
S'échappe une fumée...
Ce ne sont que des usines à papier.
Plus d' appels secrets des Sioux, aux aguets...
Une montagne du Sud, fiévreusement touchée,
a brûlé sa longue robe d'été.
Où sont donc, les oliviers, les pins,
Les cigales, les odeurs de sapin,
cette chaleur si douce entre les arbres verts ?
Forêt désolée, à la tristesse amère.
Vision asilaire aux portes de l'enfer.
Les isards craintifs des Pyrénées, sillonnent les précipices.
Courrez braves animaux et vous, ours, brun d'épice,
Fuyez le non-respect, la bêtise, l'Humain
Qui ne sait plus aimer au-delà de son bien.
Brave petite chèvre, perdue dans la montagne,
Innocente entêtée à la recherche du Monde...
Il ne fallait pas atteindre le sommet, sans arme, pour combattre le loup.
Mais mettre des lance-flammes à tes yeux de velours
et aiguiser tes cornes pour effrayer sa ronde !
Montagne jeune, belle, montagne usée, secrète,
Montagne énigmatique qui attire toujours...
L'espoir de l'exploit d'atteindre enfin tes crêtes,
Pour dominer l'Atlas. Se sentir grand et puissant.
Croire que tout tient dans sa paume ... un instant.
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SABINE AUSSENAC
Oh rendez-moi l’érablière
Aux confins de l’automne irisé de beauté,
Nous marchions en allées, un étrange cortège,
Admirant les feuillages aux multiples arpèges
Et tous ces pourpres offerts d'étoiles parsemés.
Oh rendez-moi l’érablière, toute engourdie
De neige en cathédrale. Le silence poudroie
Dans le vent, et la branche languissante ploie
Vers racines secrètes, doucement endormies.
Et puis tout ce sirop qui coule dans nos bouches,
Quand la cabane à sucre bouillonne de sang chaud,
De chaque meurtrissure, ce nectar aux cent eaux
Devenant comme une ambre où le soleil se couche.
Vois venir hirondelles en ce temple aux cents verts
Je me souviens souvent du granit du Sidobre
Je me souviens souvent du granit du Sidobre,
Des sentes oubliées comme un soleil d’octobre.
Comme au matin du monde les rochers s’élevaient,
Beaux géants tutélaires, immobiles guerriers.
Nous ouvrons les fougères comme on peigne une femme,
En marchant sur des mousses aux murmures secrets.
La source, serpentine, un grelot à nos âmes,
Toute ourlée de cresson, en attente de fées.
Tous ces noms aux symboles, Roc de l’Oie qui étonne,
Trois Fromages empilés par les siècles amusés,
Et puis le Lac du Merle aux fraîcheurs empesées :
Nous foulons en silence le Chaos qui résonne…
Je reviendrai bientôt, Autanette rêveuse,
Vers la Quille du Roy qui me rendait heureuse.
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MILOUD CHABANNE
Partout où se posent nos yeux, il y a un paysage...
Il y en a d'autres encore vierges avec zéro vue.
Avec deux yeux, un paysage peut paraître un pays...
Quatre yeux sont nécessaires pour y voir le paradis.
1000ouds
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JEAN-MARIE DELORME
Les jardins publics font la ville ; ils sont à la fois la ville, la vie et la nature en ville... Paysage d’en ville… Ils nous posent des questions qui ne sont pas seulement d’ordre esthétique ou social, mais aussi d’ordre intime… et par là relevant de notre façon d’être et de vivre ensemble. Comment ces jardins publics peuvent-ils nous permettre de trouver ou de retrouver -à temps ou contre–temps- notre espace propre, une liberté (ou une errance), une relation respiratoire avec les autres, le monde et la nature ? …
D’après Michel Péna, paysagiste, et le film : « Les jardins font la ville »
A l’été prolongé — Soir au Jardin des Plantes
A la tombée du jour,
jeu à la palanche : un paon
- branche après branche – monte à
son arbre palanquin ;
En temps imparti, l’espoir, l’effort
et puis l’oubli,
que sifflent - s’essoufflant -
les gardiens du moment.
Douceur, douleur,
grandeur des choses à leur descente ;
tandis que le paon
monte encore !
Du soir au Jardin, se ralentit
le sang végétal ;
tissage, et métissage,
du lourd et du léger.
Basculement de sources : la lumière
est un cri mourant, qui n’est déjà
plus qu’un jeu,
d’échos, et de reflets.
Petites tortues de silence, grenouilles
agiles, suspendues,
et qui – ailleurs – veillent
au cœur du temps du cœur.
Ce sont -dans la lumière tarissante et rase-
ruissellements, fables incertaines
aux bouches du granit, et murmures du désir
aux tables de mousses basses.
Ce sont phosphorescences lentes,
odeurs tièdes du buis, de romarin, lentes infusions,
quand tournent sur leurs gonds
les lamentins du soir.
Ainsi, en nous, s’ouvrent
et se ferment des jardins de ville ;
à heures et jours variables, suivant
les cinq saisons d’un cœur constant.
Îles du temps, jardins
fermés aux jours d’intempéries :
pour causes de vents
trop violents - est-il précisé -.
Car c’est à l’endroit
où une feuille se pose,
se coud à la terre, que sont
les racines du vent.
Jean – Marie Delorme
7.03/21.O6.11 – Toulouse
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VERNER VON HEIDENSTAM 1859-1940
Membre de l’Académie suédoise 1912-1940 Prix Nobel 1916
Ur TIVEDEN 1895 – De la forêt de TIVEDEN (au Sud de la Suède, près du lac Vättern)
Traduction Svante Svahnström
Écoutez la grave musique de deuil des pins
sur des tambours désaccordés et des trompes en mode mineur,
un hymne du mont des sorcières avec hurlements et soupirs
dans un paysage désolé chanté par des trolls.
Les temps d’avant les hommes hantent ces lieux
sous la danse couinée des moustiques
Ici verdissent les descendances des forêts de fougère
Ici sont suspendus des blocs roulés cernés de mousse
entassés en murailles cyclopéennes
Ici le tronc putrescent du marécage plonge
tel un monstre lacustre vers l’orée de l’eau
et projette en l’air sa gueule dégoulinante
Les racines des pins aux cuirasses de reptile
se tiennent debout trempés dans la boue comme des pattes de lézard
se tiennent, extirpées de la terre, comme de grosses araignées
près du précipice des sacrifices où le sentier devient vertige.
Mais, halte ! Un front velu brise
le filet fragile des ramilles et renverse
dans la bruyère des souches desséchées.
C’est l’élan. Immense et pesant
comme une mastodonte, il étanche
sa soif dans le marécage et contemple
avec des yeux sauvages la paroi de la montagne,
Et l’eau ruisselle en filets argentés
d’un museau au souffle bruyant et d’une barbe drue.
Ici rampe, comme craignant la lumière du ciel,
le pin orgueilleux sur la poussière du sol
Voyez les montagnes, elles ne s’élèvent pas en sommets
blanchis par des neiges éternelles, mais bas et gris
elles se recroquevillent comme des serfs
vêtus de pâles manteaux usés décolorés.
Et choisirions-nous les mots les plus sombres de la langue,
ils ne seraient pas assez sombres, pas assez lourds
pour peindre en poésie la terre natale
qui prêche son glacial et éternel : Renonce !
comment le paysan rompt son pain noir,
résonne le fracas des pierres sous sa charrue
Combien bas, combien gris, combien dépourvu de joie
se tient le paysage autour de mon sentier
Pays de ma naissance, tu me salues
en haillons et pauvreté.
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JEAN-FRANÇOIS HÉROUARD
ANTANARIVO SOUS L’ORAGE
Lorsque sous un ciel à grands dessins de nuages sombres
la pourpre de la boue en fonçant s'absorbe dans le sol
les toits prennent cette teinte d'ardoise que leur fourbit l'orage.
Alors de son immense balcon sur les rizières
qui dans la plaine luisent en plaques d'acier
la ville semble construite d'un métal rougi qui va s'éteindre
tandis que les bougainvillées drapent de leur intense violet
ses escaliers, ses murailles et ses fortins.
Sous ces ciels énervés vibre encore électrique et fébrile
le souvenir des grandeurs enterrées
aux mausolées des collines royales.
CRÉPUSCULES À NOSY BÉ
Orange voasary sous le bleu calme
le soleil s'exsangue.
Lentement s'éteint la plainte.
Grève carmine étalée
pour offrir ses moires
au sombre bleu manga de la nuit.
……………………………………
HENRI HERTEMAN
Ces textes "récoltés " parmi d’autres que j’agence depuis les années 70 sont regroupés par ce thème « Rives Garonne « car liés au lieu Garonne de mon enfance à ce jour.
Des textes font référence directement ou métaphoriquement à Garonne et ses abords, ils sont de formes diverses au gré des émotions que les ont suscitées.
J’écris peu, seulement par à coups d’émotions, sinon a travers la musique lors de mes échanges musique /textes avec des lecteurs/auteurs .
Ce recueil est dédié à Richard Laborier qui nous a quitté en mars 2020, avec qui nous faisions des lectures /musicales avec comme sujet Saint John Perse ( Anabase, Chroniques )
Quartier Garonne ( extrait )
À ce lieu Garonne courbe un flanc
Élargit ses hanches en coulées lascives
Courants d’offrandes pour nos berges
Breuvage pour nos yeux de soif.
Le haut du bourg se mire là
Reflets infidèles des roches englouties
Saignées d’eau mouvantes renouvelées
Clocher en exergue mirador serein.
Le « Campet » signale les aurores
Veilleur aux façades ambrées
Refuge au soleil chaud de l’été
Baume capiteux des fleurs d’acacia.
« Campet » petit champ du patois
De même « Carelots » aux jardins clos
Murs de galets refuges d’escargots
Labyrinthes du cache-cache des enfants.
Baisers furtifs dans les couloirs gris
Tabac des grands appels au grandir
Ruelles ombrées sauf au midi de l’été
Comme rivières à sec sans paroles
Canal du midi
Marcheur aux bords du canal
Yeux captés par l’horizon en trait
Platanes cortèges silence de vue
Ou comme œillères de cheval
En cap tracé autre chemin de halage
Vie derrière ne se retourne
Vie aussi peut rejaillir parfois
Eaux des siphons contournés
Eaux des résurgences collinaires
Épurées par sables et graviers
Crues tamisées d’âge en âge
L’essentiel encore dans le souffle
Pour marcher marcher marcher.
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Astre prodigue
Lune dégouline à travers branches
Blanchit roches à portée de pas
Là-bas aussi aux confins de vue
Je reste dans l’ombre malgré.
Lune émaille surface d’eau
Blafarde reflets cachés des yeux
L’obscur en mire sur les champs
Je cherche la lisière à ce lieu.
Lune égrène cailloux phosphores
Chemine avec vent serti de nacre
À blanc dans les voies secrètes
Je cueille la tourmente à venir.
Lune assène gel à l’herbe plaquée
Glace le cœur pourtant abrité de chair
Le sang prodigue sa chaleur inversée
Je glisse vers l’ailleurs présent.
( Garonne : extrait )
Garonne coule en espaces temporels, dans mon corps d’enfant, d’adulte, de presque vieux, en ce matin de soleil d’automne encore assez chaud pour accumuler en nous des réserves pour l’hiver. Mes yeux roulent sur les rives hautes du Petit Nice, point de mire de la cité ancienne bâtie de galets prélevés à ses pieds et de briques pointillant les rondeurs.
De mon quartier d’enfance, il n’y avait qu’une petite place et une ruelle à longer pour que mes regards cabotent sur les flots, glissent sur les cailloux lavés indéfiniment par les courants sonores. Garonne : fleuve familiarisé, humanisé, tant, qu’il était la vie même du Village. « On va à Garonne ! », « Garonne déborde ! », « Garonne charrie ».
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DIDIER METENIER
C'est en pays
de Cèze
à l'heure des cigales
qu'apparaît par magie
la pupude cendrée
son port de tête altier
ses petits sautillés
un arrêt sur i
mage
impose le respect...
puis elle disparaît...
hôte du Bois Barbu
qui garde les secrets
En occitan :
pupude - huppette
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CATHERINE DE MONPEZAT
Méditation et pensées chloro.. coquinées ...
Le temps
1) Le temps : ce bien précieux
Qui nous sert de son mieux
Le temps cadeau de Dieu
Un long regard des cieux
Le temps d'apprendre à vivre
tourné vers l'avenir
Le temps d'apprendre à rire
aux pages: souvenirs
Le temps d'apprendre à lire
sur les feuilles fanées
Le temps d'apprendre à suivre
l'Étoile et le Berger
2) Le temps n'a pas de prix
Il est maître en nos vies
Le temps plus fort qu'un cri
Nous appelle en ami
Le temps de se redire
les mots trop oubliés
Le temps dans un sourire
aussi court qu'un baiser
Le temps de revenir
aux joies éparpillées
Le temps dans un soupir
d'accueillir, de prier
3) Le temps d'Éternité
Qui passe tout à côté
Le temps comme un bonjour
Fidèle et plein d'amour
Le temps de voir passer
toutes nos idées folles
Le temps de regarder
les oiseaux qui s'envolent
Le temps pour écouter
le ruisseau qui rigole
Le temps de rassembler
les peines en farandole
4) Le temps chaque matin
nous réveille en chemin
Le temps entre nos mains
se pétrit comme un pain
Et le temps de comprendre
la peur et son galop
Et le temps pour surprendre
le sourire, le sanglot
Et le temps pour entendre
la plainte du vent chaud
Et le temps de reprendre
la vie du côté : beau !
Sœur Catherine
Un jardin de Lumière
1)
Un jardin de lumière dans un volcan en feu
Pour cacher la détresse, le doute, la foi, les voeux
Qui implosent en secret, et même au fond en creux
Avant que de flotter comme de longs cheveux...
2)
Une lave brûlante laboure encore nos terres
Et toute l'eau du ciel et toute l'eau des mers
Pour arrêter le feu ne pourront rien y faire
La vie passera bien les portes de l'enfer...
3)
Si nos fenêtres s'ouvrent au souffle d'ouragan
Peut-être les oiseaux nageront dans le vent
La sève montera dans les fleurs comme un sang
Au jardin de lumière un parfum se répand...
4)
Un volcan de tendresses dans un jardin fleuri
Peut recevoir du ciel, les étoiles la nuit...
Elles scintillent en nos cœurs en nos corps en nos vies
Et feront s'embrasser le soleil et la pluie.
5)
S'il y a mélange en nous de douceurs, de violences
Qui s'épousent en secret et se cognent en cadence
Ne les séparons pas dans leur folle alternance
Elles sont le jour, la nuit et portent leur semence.
6)
Que peut faire la pierre qui écrase la vie...
Du tombeau noir et vide, Dieu un jour s'est enfui
Et Il passe avec l'homme au combat de la nuit
Du volcan en furie au jardin ébloui.
Sr Catherine. Novembre 2020
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SVANTE SVAHNSTRÖM
Dans mon assiette géographique
la Turquie est un bifteck montagneux
mariné dans une mer de rakı
Voyez dans ses vallées
comme les arbres si rares
scintillent d'éparses hachures de persil
Les grains de sel disséminés
moulus comme des cités dévastées
témoignent de grandeurs ensevelies
En haute Cappadoce poussent
les champignons calcaires habités
qu’effrite sans trêve
le ventilateur de la cuisinière
Voici Istanbul la puissante, la glorieuse
fortifiée d'une rondelle de piment
MER BALTIQUE
Dans le froid la mer redevient vierge
Ses fruits sont à nouveau inexpugnables
mais contre des étraves d’acier
son innocence se perd fatalement
encore et encore
L’hymen de l’hiver se lézarde
en chenaux pour humains
et bientôt se dissout la membrane
entre côtes consentantes
La houle estivale frise son giron
et dans son intimité fouillent les chaluts des marins
La mer se donne aux peuples
(La Mer baltique est entourée de neuf nations)
Au cirque immobile
en haut de l’échelle torsadée
le silence en troupeau des vaches vous accueille
Le vent fait office de bonimenteur
Avec peu de retouches
le programme est resté permanent
depuis des millions de printemps
Les hommes prennent place au milieu de l’année
sous ses crêtes tranchantes qui lacèrent l’horizon
et ses cimes rugueuses qui frottent les semelles des nuages
Or, les artistes sont tous en congé
Taquets motteux voltigeurs
chamois funambules
lagopèdes chanteurs
guettent et attendent le départ des badauds
Seuls les serpents brillants des sources se jettent des falaises
rongent leur passage immémorial dans les crevasses
De leurs cours transparents se reflète un clin d’œil de truite audacieuse
Attendant les artistes c’est la Nature qui se donne en spectacle à Troumouse
Forain suprême la Vierge préside en prière au promontoire
et clôt les séances aux frissons granitiques