jeudi 3 décembre 2020

Paysage

  

Falling flowers -  Paysage de la dynastie Ming - Shen Zhou

 
 
AUTEURS
 
Naunou Auriol
Sabine Aussenac
Miloud Chabanne
Jean-Marie Delorme
Verner von Heidenstam*
Jean-François Hérouard
Henri Herteman
Didier Metenier
Catherine de Monpezat
Svante Svahnström
 
* Présenté par Svante Svahnström 



NANOU AURIOL
 
Montagnes
 
Une montagne du Nord aux cols amidonnés.
Une lune blanche, sur une eau bleutée,
Où passent les canoës
Sans indiens emplumés.
Ils ne rament plus.
Ils se sont tus.
Plus de panache,
La peur de l'Apache
n'est qu'une légende.
Parfois, sur la montagne, là-haut,
S'échappe une fumée...
Ce ne sont que des usines à papier.
Plus d' appels secrets des Sioux, aux aguets...
 
Une montagne du Sud, fiévreusement touchée,
a brûlé sa longue robe d'été.
Où sont donc, les oliviers, les pins,
Les cigales, les odeurs de sapin,
cette chaleur si douce entre les arbres verts ?
Forêt désolée, à la tristesse amère.
Vision asilaire aux portes de l'enfer.
 
Les isards craintifs des Pyrénées, sillonnent les précipices.
Courrez braves animaux et vous, ours, brun d'épice,
Fuyez le non-respect, la bêtise, l'Humain
Qui ne sait plus aimer au-delà de son bien.
Brave petite chèvre, perdue dans la montagne,
Innocente entêtée à la recherche du Monde...
Il ne fallait pas atteindre le sommet, sans arme, pour combattre le loup.
Mais mettre des lance-flammes à tes yeux de velours
et aiguiser tes cornes pour effrayer sa ronde !
 
Montagne jeune, belle, montagne usée, secrète,
Montagne énigmatique qui attire toujours...
L'espoir de l'exploit d'atteindre enfin tes crêtes,
Pour dominer l'Atlas. Se sentir grand et puissant.
Croire que tout tient dans sa paume ... un instant.
 
.............................................
 
 
SABINE AUSSENAC
 
 
Oh rendez-moi l’érablière

Aux confins de l’automne irisé de beauté,
Nous marchions en allées, un étrange cortège,
Admirant les feuillages aux multiples arpèges
Et tous ces pourpres offerts d'étoiles parsemés.

Oh rendez-moi l’érablière, toute engourdie
De neige en cathédrale. Le silence poudroie
Dans le vent, et la branche languissante ploie
Vers racines secrètes, doucement endormies.

Et puis tout ce sirop qui coule dans nos bouches,
Quand la cabane à sucre bouillonne de sang chaud,
De chaque meurtrissure, ce nectar aux cent eaux

Devenant comme une ambre où le soleil se couche.
Vois venir hirondelles en ce temple aux cents verts 
Les érables en été du Québec sont la mer.
 
 

Je me souviens souvent du granit du Sidobre

Je me souviens souvent du granit du Sidobre,
Des sentes oubliées comme un soleil d’octobre.
Comme au matin du monde les rochers s’élevaient,
Beaux géants tutélaires, immobiles guerriers.

Nous ouvrons les fougères comme on peigne une femme,
En marchant sur des mousses aux murmures secrets.
La source, serpentine, un grelot à nos âmes,
Toute ourlée de cresson, en attente de fées.

Tous ces noms aux symboles, Roc de l’Oie qui étonne,
Trois Fromages empilés par les siècles amusés,
Et puis le Lac du Merle aux fraîcheurs empesées :

Nous foulons en silence le Chaos qui résonne…
Je reviendrai bientôt, Autanette rêveuse,
Vers la Quille du Roy qui me rendait heureuse.
 
 
.........................
 

MILOUD CHABANNE
 
Partout où se posent nos yeux,  il y a un paysage...
Il y en a d'autres encore vierges avec zéro vue.
Avec deux yeux,  un paysage peut paraître un pays...
Quatre yeux sont nécessaires pour y voir le paradis.
 
1000ouds
 
 
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JEAN-MARIE DELORME
 
Les jardins publics font la ville ; ils sont à la fois la ville, la vie et la nature en ville... Paysage d’en ville… Ils nous posent des questions qui ne sont pas seulement d’ordre esthétique ou social, mais aussi d’ordre intime… et par là relevant de notre façon d’être et de vivre ensemble. Comment ces jardins publics peuvent-ils nous permettre de trouver ou de retrouver -à temps ou contre–temps-  notre espace propre, une liberté (ou une errance), une relation respiratoire avec les autres, le monde et la nature ? …
D’après Michel Péna, paysagiste, et le film : « Les jardins font la ville »
 
 
A l’été prolongé — Soir au Jardin des Plantes
 
A la tombée du jour,
jeu à la palanche : un paon
- branche après branche – monte à
son arbre palanquin ;
 
En temps imparti, l’espoir, l’effort
et puis l’oubli,
que sifflent - s’essoufflant -
les gardiens du moment.
 
Douceur, douleur,
grandeur des choses à leur descente ;
tandis que le paon
monte encore !
 
Du soir au Jardin, se ralentit
le sang végétal ;
tissage, et métissage,
du lourd et du léger.
 
Basculement de sources : la lumière
est un cri mourant, qui n’est déjà
plus qu’un jeu,
d’échos, et de reflets.
 
Petites tortues de silence, grenouilles
agiles, suspendues,
et qui – ailleurs – veillent
au cœur du temps du cœur.
 
Ce sont -dans la lumière tarissante et rase-
ruissellements, fables incertaines
aux bouches du granit, et murmures du désir
aux  tables de mousses basses.
 
Ce sont phosphorescences lentes,
odeurs tièdes du buis, de romarin, lentes infusions,
quand tournent sur leurs gonds
les lamentins du soir.
 
Ainsi, en nous, s’ouvrent
et se ferment des jardins de ville ;
à heures et jours variables, suivant
les cinq saisons d’un cœur constant.
 
Îles du temps, jardins
fermés aux jours d’intempéries :
pour causes de vents
trop violents - est-il précisé -.
 
Car c’est à l’endroit
où une feuille se pose,
se coud à la terre, que sont
les racines du vent.
 
 
 
Jean – Marie  Delorme
7.03/21.O6.11 – Toulouse
………………………………
 
 
VERNER VON HEIDENSTAM 1859-1940
Membre de l’Académie suédoise 1912-1940  Prix Nobel 1916
 
Ur TIVEDEN  1895 – De la forêt de TIVEDEN (au Sud de la Suède, près du lac Vättern)
Traduction Svante Svahnström  
 
 
Écoutez la grave musique de deuil des pins
sur des tambours désaccordés et des trompes en mode mineur,
un hymne du mont des sorcières avec hurlements et soupirs
dans un paysage désolé chanté par des trolls.
 
Les temps d’avant les hommes hantent ces lieux
sous la danse couinée des moustiques
Ici verdissent les descendances des forêts de fougère
Ici sont suspendus des blocs roulés cernés de mousse
entassés en murailles cyclopéennes
Ici le tronc putrescent du marécage plonge
tel un monstre lacustre vers l’orée de l’eau
et projette en l’air sa gueule dégoulinante
Les racines des pins aux cuirasses de reptile
se tiennent debout trempés dans la boue comme des pattes de lézard
se tiennent, extirpées de la terre, comme de grosses araignées
près du précipice des sacrifices où le sentier devient vertige.
Mais, halte ! Un front velu brise
le filet fragile des ramilles et renverse
dans la bruyère des souches desséchées.
C’est l’élan. Immense et pesant
comme une mastodonte, il étanche
sa soif dans le marécage et contemple
avec des yeux sauvages la paroi de la montagne,
Et l’eau ruisselle en filets argentés
d’un museau au souffle bruyant et d’une barbe drue.
Ici rampe, comme craignant la lumière du ciel,
le pin orgueilleux sur la poussière du sol
Voyez les montagnes, elles ne s’élèvent pas en sommets
blanchis par des neiges éternelles, mais bas et gris
elles se recroquevillent comme des serfs
vêtus de pâles manteaux usés décolorés.
Et choisirions-nous les mots les plus sombres de la langue,
ils ne seraient pas assez sombres, pas assez lourds
pour peindre en poésie la terre natale
qui prêche son glacial et éternel : Renonce !
comment le paysan rompt son pain noir,
résonne le fracas des pierres sous sa charrue
Combien bas, combien gris, combien dépourvu de joie
se tient le paysage autour de mon sentier
Pays de ma naissance, tu me salues
en haillons et pauvreté.
 
 
………………………………………
JEAN-FRANÇOIS HÉROUARD
 
 
ANTANARIVO SOUS L’ORAGE
 
Lorsque sous un ciel à grands dessins de nuages sombres
la pourpre de la boue en fonçant s'absorbe dans le sol
les toits prennent cette teinte d'ardoise que leur fourbit l'orage.
 
Alors de son immense balcon sur les rizières
qui dans la plaine luisent en plaques d'acier
la ville semble construite d'un métal rougi qui va s'éteindre
tandis que les bougainvillées drapent de leur intense violet
ses escaliers, ses murailles et ses fortins.

Sous ces ciels énervés vibre encore électrique et fébrile
le souvenir des grandeurs enterrées
aux mausolées des collines royales.
 
 
 
CRÉPUSCULES À NOSY BÉ
 
Orange voasary sous le bleu calme
le soleil s'exsangue.
Lentement s'éteint la plainte.
 
Grève carmine étalée
pour offrir ses moires
au sombre bleu manga de la nuit.
 
 
……………………………………
 
 
HENRI HERTEMAN
 
Ces textes "récoltés " parmi d’autres que j’agence depuis les années 70 sont regroupés par ce thème « Rives Garonne « car liés au lieu Garonne de mon enfance à ce jour.
Des textes font référence directement ou métaphoriquement à Garonne et ses abords, ils sont de formes diverses au gré des émotions que les ont suscitées.
 J’écris peu, seulement par à coups d’émotions, sinon a travers la musique lors de mes échanges musique /textes avec des lecteurs/auteurs .
 Ce recueil est dédié à Richard Laborier qui nous a quitté en mars 2020, avec qui nous faisions des lectures /musicales avec comme sujet Saint John Perse ( Anabase, Chroniques )
 
 
Quartier Garonne ( extrait )
 
À ce lieu Garonne courbe un flanc
Élargit ses hanches en coulées lascives
Courants d’offrandes pour nos berges
Breuvage pour nos yeux de soif.
Le haut du bourg se mire là
Reflets infidèles des roches englouties
Saignées d’eau mouvantes renouvelées
Clocher en exergue mirador serein.
Le « Campet » signale les aurores
Veilleur aux façades ambrées
Refuge au soleil chaud de l’été
Baume capiteux des fleurs d’acacia.
« Campet » petit champ du patois
De même « Carelots » aux jardins clos
Murs de galets refuges d’escargots
Labyrinthes du cache-cache des enfants.
Baisers furtifs dans les couloirs gris
Tabac des grands appels au grandir
Ruelles ombrées sauf au midi de l’été
Comme rivières à sec sans paroles
 
Canal du midi
Marcheur aux bords du canal
Yeux captés par l’horizon en trait
Platanes cortèges silence de vue
Ou comme œillères de cheval
En cap tracé autre chemin de halage
Vie derrière ne se retourne
Vie aussi peut rejaillir parfois
Eaux des siphons contournés
Eaux des résurgences collinaires
Épurées par sables et graviers
Crues tamisées d’âge en âge
L’essentiel encore dans le souffle
Pour marcher marcher marcher.
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Astre prodigue
Lune dégouline à travers branches
Blanchit roches à portée de pas
Là-bas aussi aux confins de vue
Je reste dans l’ombre malgré.
Lune émaille surface d’eau
Blafarde reflets cachés des yeux
L’obscur en mire sur les champs
Je cherche la lisière à ce lieu.
Lune égrène cailloux phosphores
Chemine avec vent serti de nacre
À blanc dans les voies secrètes
Je cueille la tourmente à venir.
Lune assène gel à l’herbe plaquée
Glace le cœur pourtant abrité de chair
Le sang prodigue sa chaleur inversée
Je glisse vers l’ailleurs présent.
 
( Garonne : extrait )
Garonne coule en espaces temporels, dans mon corps d’enfant, d’adulte, de presque vieux, en ce matin de soleil d’automne encore assez chaud pour accumuler en nous des réserves pour l’hiver. Mes yeux roulent sur les rives hautes du Petit Nice, point de mire de la cité ancienne bâtie de galets prélevés à ses pieds et de briques pointillant les rondeurs.
De mon quartier d’enfance, il n’y avait qu’une petite place et une ruelle à longer pour que mes regards cabotent sur les flots, glissent sur les cailloux lavés indéfiniment par les courants sonores. Garonne : fleuve familiarisé, humanisé, tant, qu’il était la vie même du Village. « On va à Garonne ! », « Garonne déborde ! », « Garonne charrie ».
……………………………………….
 
DIDIER METENIER
 
 
C'est en pays
de Cèze
à l'heure des cigales
qu'apparaît par magie
la pupude cendrée
son port de tête altier
ses petits sautillés
un arrêt sur i
mage
impose le respect...
puis elle disparaît...
hôte du Bois Barbu
qui garde les secrets
 
 
En occitan :
pupude - huppette
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CATHERINE DE MONPEZAT
Méditation et pensées chloro.. coquinées ...
                           
      Le temps
 
   1)           Le temps : ce bien précieux
                  Qui nous sert de son mieux
                  Le temps cadeau de Dieu
                  Un long regard des cieux
 
Le temps d'apprendre à  vivre
         tourné vers l'avenir
Le temps d'apprendre à rire
         aux pages: souvenirs
Le temps d'apprendre à lire
         sur les feuilles fanées
Le temps d'apprendre à  suivre
         l'Étoile et le Berger
 
    2)          Le temps n'a pas de prix
                  Il est maître en nos vies
                  Le temps plus fort qu'un cri
                  Nous appelle en ami
 
Le temps de se redire
       les mots trop oubliés
Le temps dans un sourire
       aussi court qu'un baiser
Le temps de revenir
       aux joies éparpillées
Le temps dans un soupir
       d'accueillir, de prier
 
    3)           Le temps d'Éternité
                   Qui passe tout à  côté
                   Le temps comme un bonjour
                   Fidèle et plein d'amour
 
Le temps de voir passer
       toutes nos idées folles
Le temps de regarder
       les oiseaux qui s'envolent
Le temps pour écouter
       le ruisseau qui rigole
Le temps de rassembler
       les peines en farandole
 
     4)            Le temps chaque matin
                     nous réveille en chemin
                     Le temps entre nos mains
                     se pétrit  comme un pain
 
Et le temps de comprendre
         la peur et son galop
Et le temps pour surprendre
         le sourire, le sanglot
Et le temps pour entendre
         la plainte du vent chaud
Et le temps de reprendre
         la vie du côté : beau !
 
                                      Sœur Catherine
 
 
 
Un jardin de Lumière
 
1)
Un jardin de lumière dans un volcan en feu
Pour cacher la détresse, le doute, la foi, les voeux
Qui implosent en secret, et même au fond en creux
Avant que de flotter comme de longs cheveux...
 
2)
Une lave brûlante laboure encore nos terres
Et toute l'eau du ciel et toute l'eau des mers
Pour arrêter le feu ne pourront rien y faire
La vie passera bien les portes de l'enfer...
 
3)
Si nos fenêtres s'ouvrent au souffle d'ouragan
Peut-être les oiseaux nageront dans le vent
La sève montera dans les fleurs comme un sang
Au jardin de lumière un parfum se répand...
 
4)
Un volcan de tendresses dans un jardin fleuri
Peut recevoir du ciel, les étoiles la nuit...
Elles scintillent en nos cœurs en nos corps en nos vies
Et feront s'embrasser le soleil et la pluie.
 
5)
S'il y a mélange en nous de douceurs, de violences
Qui s'épousent en secret et se cognent en cadence
Ne les séparons pas dans leur folle alternance
Elles sont le jour, la nuit et portent leur semence.
 
6)
Que peut faire la pierre qui écrase la vie...
Du tombeau noir et vide, Dieu un jour s'est enfui
Et Il passe avec l'homme au combat de la nuit
Du volcan en furie au jardin ébloui.
 
Sr Catherine.  Novembre 2020
 
……………………………………………
 
SVANTE SVAHNSTRÖM

Dans mon assiette géographique
la Turquie est un bifteck montagneux
mariné dans une mer de rakı
 
Voyez dans ses vallées
comme les arbres si rares 
scintillent d'éparses hachures de persil
 
Les grains de sel disséminés
moulus comme des cités dévastées
témoignent de grandeurs ensevelies
 
En haute Cappadoce poussent
les champignons calcaires habités
qu’effrite sans trêve
le ventilateur de la cuisinière
 
Voici Istanbul la puissante, la glorieuse
fortifiée d'une rondelle de piment
 

MER BALTIQUE
 
Dans le froid la mer redevient vierge
Ses fruits sont à nouveau inexpugnables
mais contre des étraves d’acier
son innocence se perd fatalement
encore et encore
L’hymen de l’hiver se lézarde
en chenaux pour humains
et bientôt se dissout la membrane
entre côtes consentantes
La houle estivale frise son giron
et dans son intimité fouillent les chaluts des marins
La mer se donne aux peuples
 
 
(La Mer baltique est entourée de neuf nations)
 
 
 
 
 Au cirque immobile
en haut de l’échelle torsadée
le silence en troupeau des vaches vous accueille
Le vent fait office de bonimenteur
 
Avec peu de retouches
le programme est resté permanent
depuis des millions de printemps
 
Les hommes prennent place au milieu de l’année
sous ses crêtes tranchantes qui lacèrent l’horizon
et ses cimes rugueuses qui frottent les semelles des nuages
 
Or, les artistes sont tous en congé
Taquets motteux voltigeurs
chamois funambules
lagopèdes chanteurs
guettent et attendent le départ des badauds
 
Seuls les serpents brillants des sources se jettent des falaises
rongent leur passage immémorial dans les crevasses
De leurs cours transparents se reflète un clin d’œil de truite audacieuse
 
Attendant les artistes c’est la Nature qui se donne en spectacle à Troumouse
 
Forain suprême la Vierge préside en prière au promontoire
et clôt les séances aux frissons granitiques





 

 

 

 

 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

mardi 27 octobre 2020

Musique


 


AUTEURS

                                      

Claude Juliette Fèvre
Didier Metenier
Jean-François Hérouard
Georges Perec *
André Prodhomme *
Patrick Quiller *
Svante Svahnström

* - présenté par Svante Svahnström

 
 

CLAUDE JULIETTE FÈVRE

Un texte que j'ai écrit au cours d'un  atelier que j'animais. Je faisais écouter Keith Jarret ce jour là de mars 2007 . C'est en écoutant "The Köln Concert" que j'aime tant que me sont venus ces mots sans prétention
 
O petite voix venue du fond de mon âge
Pauvre de moi
Je t’ai cherchée dans ce monde sans âme
J’ai crié à tue tête pour que tu m’entendes enfin
 
O petite voix venue du fond de mon âge
Il s’enfuit le temps de la désespérance
Et des tempêtes dans mes voiles
J’échapperai aux faussaires aux voleurs
Puisque tu le veux bien
 
Chantons mon Amie
Dansons mon amie
Ces notes colorées du bleu de ton ciel

....................................................


JEAN-FRANÇOIS HÉROUARD
 
SAXSISYPHE
 
Ça hulule/ça mugit/ça turbule dès l’entrée du club, mais ça jazz module quand même. Passée la porte,  en deux pas tu touches à l’estrade, minuscule arène où corne le sax, tu te reçois sidéré pleine face une bordée de sons hirsutes.

ÇA BOUSCULE !

Rares fissures dans ce tohu-bohu, on n’y entre pas si facilement. Faire confiance, malgré l’ouïe déçue, l’offrande  musicale déjouée,  les prévisions comme la mémoire déroutées, oui c’est ça, déroutées, hors-piste, et tout schuss. Il faut t’abandonner à cette phrase sorcière, se lovant sur elle-même à la recherche de son origine perdue, lovée, lovée         /envolée.

Vite, sortir de la souricière, sortir, vite  une p’titecitation, conscience espiègle de la mise à l’épreuve du matériel sonore, mais aussi retour sincère aux sources :

COUP D’BLUES.

Et d’un clic d’anche, le tumulte bascule : roucoul d’oiseau, murmure de ru coulant d’une flûte à peine audible.

Et c’est reparti. Au calme succède un nouveau déchaînement. Un volcan couvait sourdement, pour exploser sourdain, n’exploser que pour retomber dans un calme inquiet. Des plaintes annoncent déjà la prochaine éruption, angoissantes par l’ignorance du quand de la convulsion            /certaine. Contre temps flottants, tessitures écartelées, volumes exacerbés puis décroissant jusqu’au souffle à peine audible, à peine audible, à peine.

Sur lui Dolphy resserre les cercles de sa musique vers son centre de silence, silence de mort. Pour échapper à la grille des accords, au désaccord …raciste ? Mais si le musicien se repliait, le monde hostile aussitôt mastiquerait les issues. Un SURSAUT toujours l’arrache au silence. Yeux clos, masque crispé, grand corps plié, la colonne d’air jusqu’au bout du diaphragme vers le silence. Léger bruit des ailes du silence.

Asphyxié le saxo/s'ouvre la trachée/à coups de hach’ cotonneuse.

Contre le silence. De chacune de ses chutes, Sisyphe se relève Sisyphe se relève, se relève. D’un chaos bataclan, une nouvelle phrase surgit, bacchante ardente. Il faut en temps réel trier, sélectionner, organiser des rythmes, des harmonies, jusqu’à des mélodies

CELA S’APPELLE L’IMPRO,

il faut en épuiser toutes les ressources, toutes, quitte à les trancher net, acier de l’alto, ou à les étouffer dans un gémissement, un soupir, un gargouillis de clarinette basse. Fin de partie.

Entre éclats entre rets/ l’instrument s'exténue/ bascule en spirale, s'épanche en nappes/et clame enfin son brame.

Et ça repart. S’en fout la mort : fougueux, déboîtés, agités, biscornus, émiettés, les heurts entre fragments imprévisibles forment une moire de phrases pleines de nœuds prêtes à bifurquer au premier embranchement. De l’eau entre les doigts.

Malgré tout, la vie à pleins bords, sans bords. Turbulente.

En mémoire d’Eric Dolphy, entendu au « Chat qui pêche »peu avant sa mort à Berlin (juin 1964). Ce poème, par les moyens de la phonétique et de la syntaxe, voudrait évoquer son style. Il est fait pour être lu publiquement, et fortement. JFH
 
in Anthologie de l’Atelier Poésie de Cognac N° 35 « Turbulences ». 
 

…………………………………………

DIDIER METENIER
 
Toutes ces chansons là...
ne sont que des galets

les galets noirs ou blancs
d'un fleuve ch
amarré !!!

Ces galets empilés
qui dans nos murs
se fondent
toulousain d'attirance
j'ai soif de m'y fonder...
J'ai faim de mes racines
(j'en cherche l'origine)
faim d'entrevoir la fin...
soucieux à toutes fins
d'ausculter le destin...
J'ajuste ces paroles
comme autant de galets
d'un fleuve qui m'inonde
de mots et de couplets.
Je m'adresse à l'oreille...
et je m'adresse à l'oeil !!!

Je fouille la mémoire
et dans cette Mer Noire
je trouve le berceau
dans nos murs et dans l'eau
de l'Etoile de Mère...

                      à Claude Nougaro
 
N.B.:  retranscrits en italiques quelques emprunts admiratifs à un texte manuscrit du chanteur.
           (Maison Nougaro Toulouse)

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GEORGES PEREC

Si vous avez besoin d'aide pour identifier ces musiciens, allez en bas de cette page
 
J’au liane qu’ânonne ballades et relai
L’ouie s’arme et je te ronge !
Qu’honte Bey scie !
Cid n’est Beckett
Bic se baille des rebecs
Barre n’est Bigeard
Glyphes hors des bras : aunes
D’hâve bru, becte !
Qu’haine ne nie que l’Arc !
Jaune col traine
Maille se dévisse
Dis : où qu’est ligne : Tonne !
Elle a fils, râle
Erre ou l’Hagard n’erre
Cet âne égaie tsé-tsé
Dis-y :Gilet « Psy »
Béni goût de manne
Comme émane au Quinze
Houx d’hier : manne
J’ai geai jaune : sonne !
File, y jaune aunes !
Relent de Kir : queue
L’icône nie Tseu
Je ne crus pas
Tell honni housse manque
J’ai rime : Hooligan
Char lit par cœur
Oh ce car petit ? Ford ?
Bout de peau vêle
Son nie rôle « in »
Cour les Roussel
Hors, à ces sylphes erre
Zut, y singe le ton
Oui, lis ce mythe, zèle à Yonne
Ces îles, tais l’or
Le nid, triste anneau
Fath, soûl, à l’heure
Coutil, oui, lie âmes
Laisse taire, Young !
 
Qu’est-ce ? J’arrête !
 
in Vœux, 1989
 
..........................................................

 
ANDRÉ PRODHOMME
 
Billie et compagnie
 
Billie Holiday et Lester Young
Manquent un peu de souffle
 
C’est pour être plus près de nous
 
Monk
Affole de ses deux mains un clavier noir et blanc
 
Il remet l’homme à sa place initiale
 
Pour chanter les fraternels et étranges fruits rouges
Pour être de la ballade des pendus
 
Il faut qu’une femme se donne
 
Billie
Se fait cogner
S’échappe vers Lester
Puis revient se faire cogner
 
John Coltrane
Est un phénomène atmosphérique
Il a un regard d’aigle
 
Il nous repère
 
Miles Davis
Crée un son qui est un legs
 
Chaînon nécessaire à leur reconnaissance mutuelle
Count Basie Duke Ellington
Oncles bienveillants
Les font patienter
Brouillent les pistes
Sans qu’ils s’y perdent
 
Billie Près John Thélonius Miles
Absorbent des substances qui les incendient de l’intérieur
 
Accélèrent l’allure
 
Quant à moi
Ils ne peuvent me surprendre
Dans ce big band ocre
D’où je scrute l’horizon
 
 
 in Poèmes accordés, Lettre à Laurent

......................................

PATRICK QUILLER
 
Cantus Firmus

1.
Dans le poème
dire à jamais
dire sans cesse
qu’on ne dit jamais que l’émoi de dire
qui dit le poème
et l’émoi de dire
et le poème.
Chant affirmé aux failles des mélismes, dans
les syncopes capiteuses où mugit le
fantasque buffle fantôme du poème.
Douceur ferme sur les rumeurs. Folie de dire
à quelques favoris du souffle, proches, lointains, à
la vaste oreille du temps toujours ouverte, jamais
en défaut,
Ces pauvres grognements. Saveur de dire
la mêlée des syllabes dans la salive, le cri sans
Moi ni loi qui dans les murmures maraude sans cesse,
le hoquetus, quête d’échos et de caresses, qu’on
balbutie de quinte en quinte. Personne ne
Ahane ici, ni s’y dédit des dilemmes, oh les mots, où se dit,
ou séditieux, la douce amphibolie des mélodies jamais
complètes. Cantique fier de ses ambages, de ses ramages que
la rage de l’officiant arrache sans cesse à l’émoi.
Chant de fureurs, de mers, chant de déserts, de
silences, de vélaires et escentes, chant pour dire
la dormition des dentales dans le déluge dédale qui
envahit l’ouïe, chant qui ne se tient jamais pour dit.
Ferveur du chant pour le chant, du cantique pour le
cantique, ferveur des variations pour la fermeté du poème.
Chant pour dire l’abolition louée par les labiales et
les sifflantes sur toutes les finales. Chant pour l’émoi
et du vertige au-dessus des chairs effleurées, chant de
l’aboi, de l’hallali, de l’arroi remuant les rimes.

 
in Office des murmures

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SVANTE SVAHNSTRÖM
 
Môme
 
Mollets écartés
l’éternelle étoffe noire suspendue autour des genoux
pattes  courtes en bas d’un torse difforme
Sous cette carapace s’aggrave chaque jour
la mutinerie des entrailles
et sous une ombrageuse robe sont dissimulées mamelles et souffrance
d’une vie sans regrets qui se contemple en rose
Une pilosité frisée couronne la tête de l’insecte au sang chaud
Debout seul devant la masse avide
le coléoptère met en vibration ses cordes et les nations
Irrésistible Bête à bon Dieu à la gorge enchantée
 
Des notes bourdonnent
appellent les intestins du monde
sans détour et sans malentendu
La voix
est l’aventure de cinq millions d’années hominidées
Ces cordes endolories chargées d’expérience
cette caisse de résonance que l’amour a guettée
ces lèvres trahies qui s’affirment gâtées par l’amour
cette menue existence fragile et brève
livrent ensemble aux continents
un chant de consolation
des refrains percés d’espérance
une promesse d’amour
éperdu corrosif
toujours plus douloureux
toujours plus désiré
 
Les vivants ont beau savoir déjà
ils redemandent
La voix
répond au bouleversant besoin des vivants
réapprend aux vivants la leçon qui déchire
Adorable sombre coccinelle
 
in Hocus Corpus



 
Le Néant est
Déjà  jusqu’à
                                   trois organes pénètre le vide
               propulsés dans le comansment
se cherchent      
                     s’évitttent            
      sö röconess
l’un é troi chacun est l’otre
Trancefini le repos                 de l’attenzte
déluj de decibelle
boulets    de    bruis     moulaids
Untersuction de parallèles
sous les coulers de jaculation quantique
             Unité triple indeutroy
Le solfaige un détroit
             entre partiqulles
de Kréationts séparééez
L’instant ou Rien s’ambrase
l’espace less passer les picosecondes et
repentir le teintemant du tamps
sur le fond d’un autre Uriners
la m    u  s   i  q u    e
expension    aixpention

 

Concert d’improvisation donné par le saxophoniste Christophe Monniot au club des Sept lézards à Paris, avril 1999
 
in Hocus Corpus




Toréer
So la so mi mi
mirè mi pha mi
 
Le regard de la mort craint l’énigme du feu
sacré de la chair de cristal de l’Homme
 
Traduit du :
Basque–mapuche–vietnamien–chinois–newari
houaïlou–japonais–vietnamien–ladhaki
 
in Navigateur au sommet du vide


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GEORGES PEREC

Les jazzmen démasqués

J’au liane qu’ânonne ballades et relai
L’ouie s’arme et je te ronge !
Qu’honte Bey scie !
Cid n’est Beckett
Bic se baille des rebecs
Barre n’est Bigeard
Glyphes hors des bras : aunes
D’hâve bru, becte !
Qu’haine ne nie que l’Arc !
Jaune col traine
Maille se dévisse
Dis : où qu’est ligne : Tonne !
Elle a fils, râle
Erre ou l’Hagard n’erre
Cet âne égaie tsé-tsé
Dis-y :Gilet « Psy »
Béni goût de manne
Comme émane au Quinze
Houx d’hier : manne
J’ai geai jaune : sonne !
File, y jaune aunes !
Relent de Kir : queue
L’icône nie Tseu
Je ne crus pas
Tell honni housse manque
J’ai rime : Hooligan
Char lit par cœur
Oh ce car petit ? Ford ?
Bout de peau vêle
Son nie rôle « in »
Cour les Roussel
Hors, à ces sylphes erre
Zut, y singe le ton
Oui, lis ce mythe, zèle à Yonne
Ces îles, tais l’or
Le nid, triste anneau
Fath, soûl, à l’heure
Coutil, oui, lie âmes
Laisse taire, Young !
 
Qu’est-ce ? J’arrête !
 
in Vœux, 1989

 


 


Julian Cannonball Adderley
Louis Armstrong
Count Basie
Sidney Bechet
Bix Beiderbecke
Barney Bigard
Clifford Brown
Dave Brubeck
Kenny Clarke
John Coltrane
Miles Davis
Duke Ellington
Ella Fitzgerald
Errol Garner
Stan Getz
Dizzy Gillespie
Benny Goodman
Coleman Hawkins
Woody Herman
Ja Jay Johnson
Philly Jones
Roland Kirk
Lee Konitz
Gene Krupa
Thelonius Monk
Gerry Mulligan
Charlie Parker
Oscar Pettiford
Bud Powell
Sonny Rollins
Curley Russel
Horace Silver
Zutty Singleton
Willie Smith The Lion
Cecil Taylor
Lenniy Tristano
Fats Waller
Cooty Williuams
Lester Young
 
Keith Jarret