vendredi 26 novembre 2021

Charnel

 

Fernando Botero


AUTEURS
Anonyme XVIIIe siècle *
Makrâm al-Ansâri  XIIIe siècle *
Georges Bataille *
Didier Metenier
Francis Pornon
Svante Svahnström

        * - présenté par Svante Svahnström

 



ANONYME  1790

La Messaline française
Les quarante manières de foutre dédiées au Clergé de France
 

Trente-cinquième façon
LA SENTINELLE

Lorsqu’on a peur d’être pris en flagrant délit, on ouvre la porte à moitié et la fille s’appuie sur le chambranle, la tête du côté de l’escalier et le corps dans la chambre, à demi-courbé. Dans cette position, le galant la trousse et la fout avec vivacité : la crainte lui donne des forces. Il faudrait bien être malheureux pour être prix après tant de précautions. D’ailleurs, une porte ouverte met en défaut l’importune curiosité.

…………………

MAKRAM AL-ANSARI   XIIIe siècle

J’ai demandé à un expert
ce que les juridiques pensent
de  mes rapports avec toi
question à laquelle
n’aurait pas manqué de répondre
le juriste Malik.

Je n’ai reçu aucune réponse
et tous les gens dans la maison
nous ont soupçonnés de faire
de fort vilaines choses, laissant naître
à notre endroit les pires suppositions.

Que  dirais-tu alors si nous leur donnions raison
en nous livrant  sans remords à de telles pratiques,
histoire de leur éviter  de commettre un péché
en supposant à tort que nous agissions ainsi ?

……………………….

Georges BATAILLE

Mademoiselle mon cœur
mise nue dans la dentelle
à la boîte parfumée
le pipi coule de ses jambes
L’odeur maquillée de la fente
est laissée au vent du ciel
en nuage
dans la tête
se réfléchit à l’envers
une merveilleuse étoile
tombe
cœur criant  comme la bouche

le coeur manque
un  lis est brulant
le soleil  ouvre la gorge

………………

DIDIER METENIER

L'en-vers

dans cet en-droit tout à l'en-vers
toile de fond
d'un beau dé-corps à dé-couvert
un fou dé-sir
un grand dé-lire
jusqu'au dé-vers
une potion
un alambic
un(e)' décoction
un élixir...
une aqua(r)elle
un aqua-verre ?
avec plaisir !!!

…………………..


SVANTE SVAHNSTRÖM


MER BALTIQUE

Dans le froid la mer redevient vierge
Ses fruits sont à nouveau inexpugnables
mais contre des étraves d’acier
son innocence se perd fatalement
encore et encore
L’hymen de l’hiver se lézarde
en chenaux pour humains
et bientôt se dissout la membrane
entre côtes consentantes
La houle estivale frise son giron
et dans son intimité fouillent les chaluts des marins
La mer se donne aux peuples


(La Mer baltique est entourée de neuf nations)

…………………………….


Ceci est une cathédrale
Un sexe de vierge translucide posé sur le sol sacré
aspirant les psaumes profondément vers le père
Quelques platanes ombragent pubiens son portail
Grandes lèvres érigées en contre-forts
Pieuses petites autour du chœur
déambulatoire sous les pas des pèlerins
La flèche est ce corps caverneux réactif du fief de la foi
point névralgique d’extase retenue
A travers les hymens en verre
la verge solaire pénètre la nef et rayonne
éclate en lumière
La pierre taillée est une scène primitive

…………….

FRANCIS PORNON

MIDI LE TEMPS ENFIN

SUPPLIQUE
Frères humains
Le monde survit
Et l’homme se gave de saloperie de myopie et d’oubli
Et la femme se perd à son corps perdant
Et l’amour gèle sur l’écran
Lorsque le vent passant dessèche le temps

CHANT
Entends comme le cœur se crève
A la tâche en aveugle et sourd
Entends comme l’autre est lointain
Dans le vacarme de la ville
Entends comme la machine dicte
Son algèbre insensible et froid
Entends comme la chair est triste
D’être soldée à l’étalage

1
Le matin s’étire
Molesté des contraintes
A l’aurore la couche délaissée
Le long voyage épuisant et risqué
Jusqu’au-boutiste de l’écriture
Répétition regravée de la vie
L’heure où le sang et l’encre blanchissent
Quand les doigts se font gourds
Et que la langue se dessèche
Midi
Midi le temps de s’arrêter de courir contre le vent
Midi le temps d’enfin se déplier
Midi le temps enfin
Midi le salut
Enfin Midi

2
Après-midi
Axe équidistant entre les lourdes nuits
Où s’écartent les hémisphères du jour
Le temps sacré de la sieste
Séjour d’ombre quand se déchaîne la rage du soleil
Temps dérobé
Où expirent bavardages et obséquiosité
Temps où les villes cessent leur racolage
Où l’on se trouve nu
Le lac perd son voile métallique
Garonne exhibe l’aine de ses ponts
L’eau dans sa peau frémissante outremer féminine
Expose ses îles et ses rives
Où pataugent des oiseaux impudiques
Promesses de hauts-fonds secrets
Où d’estuaires ultramarins

3
A l’heure sourde de la colère solaire
Sous le cobalt du ciel porté à blanc
Paupières et jambes se pétrifient
C’est alors que l’iris se retourne pour descendre au fond du dedans
Attiser dans le labyrinthe du ventre
Le réveil d’un autre monde
Aux lents ébats de nageoires plaintives
Aux torpilles électriques tapies sous la toison des algues
Vibrionnant de haute tension
Mollusques béants d’espérances faméliques
Palpitant de terreur devant les dentitions de grands squales préhistoriques
Attendant leur temps

4
Etre au côté du corps
Cohabiter avec le lisse inouï de la chair
Ecouter le souffle distiller l’air
L’aspirer
Se nourrir de sa moiteur
Discret bouillonnement de son vertige intérieur
S’abreuver l’œil au-delà de la fatigue
Voir comme boire
Boire le rond d’un sein d’une épaule d’une hanche
Boire le duvet léger frisottant
Boire la courbe d’une échine
Et se nourrir goulu de l’être d’une jambe
Certitude mollet cuisse fesse
Se laisser pénétrer par le miracle
Du désir


5
Elle dort et son corps veille
Eclairant de sa chair l’obscurité
Soulever sa chevelure
Dévoiler sur son visage moite des rêves inouïs
Faire flotter son bras
Libérer le plein d’un sein
Porter les lèvres au bourgeon qui s’affermit de vie
Aller plus avant dans le temple
Ecarter les colonnes doriques des cuisses
Contempler le lieu de la divine
Ouvrir par effraction les fragiles courtines masquant l’entrée sacrée
S’imbiber de rituelle fragrance
Se nourrir de sa rubescence
S’abreuver d’huile sainte
S’en oindre la face
S’immerger tout entier

6
Les yeux sont des phares
Pour attirer sur les récifs ou dans les affres des tempêtes
Ils se ferment pour mieux jaillir
Coquillages rusés
La bouche aspire l’air qui va manquer
Maelström en promesse
Embrasser cette sirène dangereuse désirée
Statue vivante
Stèle à toute mémoire inviolée
Monument d’amour à prendre
Dans l’univers de haine d’égoïsme d’envie
Sonder la profondeur des eaux de son regard
S’accrocher à elle
Se coller à son être pour surnager



7
Les doigts reptiles
Les doigts en serres
Les doigts en bois noués
Enserrer des mains et des pieds
Caryatide en chair et cheveux
S’agripper à ses seins
Tenir malaxer exprimer
Les lécher les mordre les téter
Traire les tétons bénis jusqu’à plus soif
S’arrimer à ses hanches
Empoigner les certitudes de ses fesses
Explorer toutes ses raies
Traquer dans la tanière la crête vibratile
Et fouiller véhémentement le carnivore mollusque
Jusqu’à la résurgence
La sève de la vie
Elixir de jouvence
Universelle panacée

8
Elle est inanimée
Prête à recevoir l’offrande
Le souffle court
Le souffle va gonfler son corps
Le souffle va enfler ses fruits
Le souffle va faire sourdre sa sève
Elle attend le contact
Le déclenchement des doigts
L’étincelle qui allume la lune
La soif inouïe de la langue
Choc d’électrode
Brûlure au sang
Court-circuit si longtemps attendu
Traçant les arabesques d’un feu d’artifice sur sa peau
Sa tête résiste encore
Mais son corps largue les amarres
Et se livre au pilote
D’avance chavirée


9
La voici gisante
Chevilles et poignets liés
Quand elle voit se dresser
L’objet de sa terreur
Sujet de ses désirs
L’arme depuis jamais haïe
Enseigne tant convoitée
Appendice d’essence
Aiguillon du temps
Racine vénéneuse et tronc à floraison
Rutilant battant brûlant
Phallus phallus phallus
Fabuleuse dérision
Tout fond au monde
Tout est en l’autre
La trombe à la poitrine et la famine au ventre
Aux yeux au nez au cœur
Fournaise à tant et tant irriguer

10
Elle se renverse en soi
Espérance de défaite victoire
Gisante pantelante
De tête aux pieds béante
Dissoute dans l’attente
De l’alchimie
Omniprésence de l’autre
Entrée de tout
Liturgie au cœur du lieu d’accueil
S’ouvrir s’ouvrir s’ouvrir pour recevoir
La pierre philosophale
Et s’ouvrir pour donner
Se grand ouvrir
Jusqu’à la greffe

11
Quelle inouïe cérémonie recommence
Initiation confirmation
Au comble de l’intimité
La solitude à l’écart des fracas
Dans l’ombre de la déesse
Le monde vide
Soudain habité vibrant présent
Soudain comblé dans l’office idolâtre
Avec chasubles de toisons
Candélabres de chairs
Encensoirs et calices rubiconds
Etre prêtre de son ascension
Et démon de mon assomption
Dans l’apocalypse
Annonciateur du répit
Rédempteur de toute souffrance
Et bailleur de la plus grande merci

12
A l’ouverture bénie du temps
Ecartement du compas des jambes
Stupeur d’entrée de la caverne
Charnière mirifique
Promesse de voyage au centre des origines
Revivre de son mystère
Irrigué de sa sève souterraine
Se sentir érigé d’élan vital
Bandé ardent ultra-sanguin
A l’entrée du pays des songes
Percevoir les grands fonds
Entendre les clameurs
Essuyer ses embruns ses acides ses miels
Et enfin enfin plonger
Plonger tout au fond des fonds
Dans la tanière noire traquer la bête
Aux enfers aveugles se battre dans le feu
Surnager dans la mer des lumières
Poursuivre excéder exténuer
Convoquer le terme des termes
Jusqu’à morsure consentie
Conversion en poisson volant
Rivages des tropiques
Terre promise


CHANT
Cœur gros qui s’abreuve à la diable
Par-delà les pleurs de la ville
Toutes les langues incomprises
Les chants tués à gorge ouverte
Entends le cri d’appel de l’autre
Sache la chair qui ressuscite
Trace les formes de la vie
Et nous préserve du néant

ENVOI
Frères humains
Vous qui n’osez plus croire
Voici midi
L’heure arrêtée de la réconciliation
L’étincelle qui découpe la nuit
L’alchimie d’homme et femme en passion
Arc-boutés à tenir la route de la vie
A se donner la main et le corps et l’âme
En perfusion



Thonon-Toulouse
été 2004-été 2005



jeudi 21 octobre 2021

Liquide

 

Robinet, grue du Port Lay, île de Groix - Pierre-Marie Schmidt "Applestrophe"


AUTEURS

Maurice Couquiaud* 4/11/21
Özdemir Ince* 4/11/21
Omar Khayyâm**  4/11/21
Edith Södergran* 4/11/21

Sabine Aussenac
Franc Bardou
Joan Bodon *
Karin Boye *
Didier Metenier
Catherine de Monpezat
Svante Svahnström

* - présenté par Svante Svahnström
** - présenté par Fabienne Larroque 



MAURICE COUQUIAUD

BAIN DE MINUIT

Je découvre que se baigner sous la lune
C’»st associer les mouvements de son corps dévoilé
à la dans des étincelles sur les reflets de l’eau.

Depuis, je me baigne toujours nu dans les mots
qui brasillent doucement sur le poème
lorsque je bouge le cœur.

……………….

Un souvenir de la mer d’Aral

LA MER VIDE

La nuit est plus large que d’habitude
Ce soir la mer s’est évaporée comme une légende.
Il ne reste qu’un fond tourmenté
où viendront puiser les poètes,
le pétroliers de la tourmente disparue,
géologue des sédimentations fructueuses.
Ils glaneront au pied des montagnes
la récolte des vaisseaux fantômes
et des épaves désenchantées.
Plus rien ne vogue où plus rien ne coule.
La mer est un vague souvenir pour le vent.
Il y a des plages à toutes les hauteurs,
Les embouchures ne font que des petits besoins.
Les poèmes ensablés sont échoués à l’ancrage.
Les idées prendront leur bain de minuit
Sous les draps noirs de la ville montante.
La mer ne reviendra pas.
La terre a les joues creuses.

…………………………….

ÖZDEMIR INCE  Turquie  1936-

ÉGÉE

Un pétale de rose devenu bleu : ta peau
tes joues humectées d’eau de rose
tes yeux deux violettes d’Inde
et une démarche semblable au vent du matin :

Méditerranée ! Nourris-moi de ton lait maternel
quand ma bouche s’empare de tes seins généreux
deviens pour une fois ma femme, mon amante !

……………….

OMAR KHAYYÂM

"Dans la coupe, le vin est du rubis fondu.
Le flacon est le corps et son liquide est l'âme.
Le rire du cristal, dans le vin répandu,
cache son coeur brisé : voyez couler ses larmes "

……………………………..

EDITH SÖDERGRAN  Finlande  1892-1923

ÉTRANGE MER

De curieux poissons glissent au fond de l’eau,
des fleurs inconnues brillent sur le rivage ;
j’ai vu du rouge, du jaune, toutes les couleurs,-
mais la superbe, superbe mer est la plus périlleuse à voir,
elle donne soif, vous plonge dans l’attente d’aventures ;
ce qui arrive dans les contes peut m’arriver aussi.

…………………………………

SABINE AUSSENAC

Tout enfant en ruisseau

Se souvenir des belles choses,
du vent qui
siffle sur les lauzes.
 
Jambes nues.
Joies des écorchures. Barbouillés
de mûres, les visages
violines semblent toile
de Pissarro.
 
Construire un moulin,
méduses aux pieds, grelotter
d’allégresse.
Tout enfant en ruisseau
devient bâtisseur de
cathédrales.
 
La Reine des Pyrénées
 
Tout là-haut dans l’alpage
le silence attend échos.
La Reine des Pyrénées, nonchalante,
hésite entre parapentes
et vaporarium.
 
Eaux vives des thermes,
fées bienfaisantes.
Source apaisante de l’histoire sans tain :
Bilboquets et cerceaux, dames blanches
et passantes.
 
Parc thermal où curistes d’un autre temps
se promènent en allées
chuchotantes. Marronniers
majestueux murmurent à
l’Autan.
 
Dans le kiosque à musique écrit Louisa Paulin.


…………………………………………………………….



FRANC BARDOU

Chroniques démiurgiques — §235

Ruissellement

Ondoyante misère, elle court le monde en fleuves,
de ruisseaux en marais, en mers inconsolées
elle s’étend, sourd et choit, serpente et se répand,
tandis qu’une poignée se dressent sur les cimes.

Sans cesse, ils prétendront que leur argent ruisselle :
celui qui voit tomber l’orage sur les monts
sait, sans plus en douter, que l’unique déluge
ici-bas qui s’égoutte est l’obscur fourvoiement.

L’ondoyante misère, au gré des ouragans,
emporte les maisons, les gens, des vies entières,
inondant plaines, monts, villages et cités.

Nous allons tout trempés ; elle nous colle à la peau.
Qui veut la fuir bien vite au désert va se perdre,
ou quitte la vallée de nos désolations.
    


Cronicas demiurgicas — § 235

Riulejament

Ondejanta misèria, en flumes cor lo mond,
de rius nauts en paluns, en mars desconsoladas
s’escampa, sorga e cai, serpeja a tot asuèlh
mentre qu’un ponherat se crincan subre un som.

Nos cantan de contunh que moneda riuleja :
lo qu’a vist tombar drut l’auratge per las sèrras
sap sense ne dobtar que la soleta causa
aicíbàs que gotege es l’escur desaviar.

L’ondejanta misèria, al grat de las tempèstas,
s’empòrta los ostals, las gents, las vidas totas,
enaigant planas, vals, vilatjons e ciutats.

Nos trempa farda e pel e nos pega a la pèl.
Qui la vòl lèu fugir se pèrd ròc al desèrt,
o quita lèu la val de las desolacions.



………………………………………


JOAN BODON

JOUR DE FOIRE

La pluie trombe fine
du foirail au chemin.
La pluie tombe fine
et nous on boit du vin.

Sur une vieille table
en trempant un quignon,
Sur une vieille table,
on boit notre canon.

La gouttière toujours crache,
on ne peut pas sortir.
La gouttière toujours crache,
et nous on reste ici.

Bouteille après bouteille,
on gaspille l’argent.
Bouteille après bouteille,
Mais on es tous contents.

Demain, fini la foire
il faudra travailler.
Demain, fini la foire,
là, on va se saouler.

La pluie tombe fine
du foirail au chemin
La pluie tombe fine
et nous on boit du vin.

(1939)

……………………………….

KARIN BOYE (Suède)  1900-1941

MÛR COMME UN FRUIT

Mûr comme un fruit le monde est entre mes bras,
il a mûri cette nuit,
et sa pelure est la membrane bleue qui se tend
ronde commune bulle,
et son suc est le doux flot de lumière solaire, parfumé,
              liquide et brûlant.
Et dans l’univers transparent je bondis comme un
              nageur,
noyée dans un ondoiement de maturation et née pour
              un pouvoir de maturité.
Consacrée à l’action,
légère comme un rire,
je fends un mer dorée de miel qui désirent mes mains
              affamées.


………………………...

DIDIER METENIER

Toutes ces chansons là...
ne sont que des galets
les galets noirs ou blancs
d'un fleuve ch
amarré !!!
Ces galets empilés
qui dans nos murs
se fondent
toulousain d'attirance
j'ai soif de m'y fonder...
J'ai faim de mes racines
(j'en cherche l'origine)
faim d'entrevoir la fin...
soucieux à toutes fins
d'ausculter le destin...
J'ajuste ces paroles
comme autant de galets
d'un fleuve qui m'inonde
de mots et de couplets.
Je m'adresse à l'oreille...
et je m'adresse à l'oeil !!!
Je fouille la mémoire
et dans cette Mer Noire
je trouve le berceau
dans nos murs et dans l'eau
de l'Etoile de Mère...

à Claude Nougaro

N.B.: retranscrits en italique quelques emprunts admiratifs à un texte manuscrit du chanteur toulousain.
(Maison Nougaro Toulouse)

………………………………………….


CATHERINE DE MONPEZAT

 

LES GALETS

R.
Les galets se font la guerre
ils se piétinent dans la mer
Elle les tourne et les malmène
les retourne et les entraîne.

1
Aux rochers, agrippés longtemps
rugueux, hostiles et résistants
ils ont mordu les flots furieux
crevant leurs ventres et leurs yeux

2
La vague qui roule et s’enroule
de gifles en caresses les saoule
Ivres de danser jour et nuit
ils n’ont que l’eau pour seul appui…
     Moulu leur corps ne se rebiffe
     ils ont perdu leurs dents, leurs griffes
     Épousés par l’onde amoureuse
     leur beauté s’affine, silencieuse…

3
L’océan dévorant les a pris
    les berçant doucement dans son lit
peu à peu ils se sont assagis
            ensemble câlinés par l’oubli…

           quand les flots capricieux se déchaînent
                 les galets sont vomis, ils se traînent
            rejetés de la mer à la terre
                  ils s’entassent entre eux de colère

4
Ils passent et repassent à toute heure
  chaque fois c’est un peu qu’ils meurent
Entre deux vagues, ils vous regardent
   dans l’espoir que vos mains les gardent

      Si vous les prenez avec vous
        ils se feront tendres et doux
      lourds et muets de leur chagrin
        d’avoir quitté les fonds marins

R.
Les galets ne font plus guerre
         ne piétinent dans la mer
Elles les berce dans son eau
         ils s’endorment calmes et chauds

……………………………………….


SVANTE SVAHNSTRÖM

Points mousse humides sur le bitume
Fouetteur, le vent novembreux extirpe des fils mouillés
des ruisselantes pelotes de laine d’automne
Balayage pensif de faisceaux de codes
entre les mollets flagelleurs de la précipitation
Étoile Italie et Bastille
Par-dessus les rondpoints de la République
la nuit lâche son eau à Paris


extrait de "J'adhère à la brique", 2021

 

 

vendredi 4 juin 2021

Festif 10 juin 2021

Fête de village - Pieter Brueghel l'ancien


AUTEURS

Aragon *
Anonyme - Beowulf *
Sabine Aussenac
Bible *
    Évangile selon Saint-Jean – Les noces de Cana
    Livre de Daniel - La fête de Balthazar
Joan Bodon *
Marie-Magdeleine Carbet *
Marie-Ange Gacherieu
Didier Metenier
Catherine de Monpezat
Jacques Prévert *
Svante Svahnström

                                      * présenté par Svante Svahnström


,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,


ARAGON

Fêtes galantes

On voit des marquis sur des bicyclettes
On voit des marlous en cheval-jupon
On voit des morveux avec des voilettes
On voit des pompiers frôler les pompons

On voit des mots jetés à la voierie
On voit des mots élevés au pavois
On voit les pieds des enfants de Marie
On voit le dos des diseuses à voix

On voit des voitures à gazomètre
On voit aussi des voitures à bras
On voit des lascars que les longs nez gênent
On voit des coïons de dix-huit carats

On voit ici ce que l'on voit ailleurs
On voit des demoiselles dévoyées
On voit des voyous On voit des voyeurs
On voit sous les ponts passer des noyés

On voit chômer les marchands de chaussures
On voit mourir d'ennui les mireurs d'œufs
On voit péricliter les valeurs sûres
Et fuir la vie à la six-quatre-deux

……………………………………………

ANONYME       entre VIIe et IXe siècle

BEOWULF
                                                             XVI
On ordonna que les mains orneraient l’intérieur de Heort ; grand nombre d’hommes et de femmes furent occupés à parer la salle. Les tissus d’or brillèrent sur les murailles et beaucoup de merveilles s’étalèrent aux yeux des spectateurs. Le bel édifice était beaucoup endommagé intérieurement. Les gonds des portes étaient arrachés ; le toit seul était resté intact quand Grendel, désespérant de son salut, avait pris la fuite. C’était le temps où le fils de Healfdene se rendait à la salle pour prendre part au banquet. Jamais à ma connaissance on n’avait vu une tribu composée de tant de guerriers se mieux comporter en présence de son monarque. Ils allèrent alors prendre place à leurs bancs et se réjouirent de la bonne chère. — Hrothgar et Hrothulf reçurent de nombreuses coupes d’hydromel dans Heort. L’union régnait dans l’intérieur de la salle ; les Theod-Scyldingas s’abstenaient en ce moment de commettre aucun acte répréhensible. Alors le fils1 de Healfdene donna à Beowulf en récompense de sa victoire une bannière d’or avec sa poignée, un casque, une cotte de mailles, et l’on vit porter devant le héros une épée couverte de pierreries. Beowulf prit la coupe d’hydromel ; il n’avait pas lieu de rougir devant les guerriers des trésors dont il lui était fait présent et je ne sache pas que don plus amical ait été fait à un guerrier pendant le festin. Des boucles retenaient le casque en dehors de manière que les épées ne pussent le pénétrer quand le héros irait affronter les ennemis2. Hrothgar fit ensuite amener huit chevaux, avec leurs rênes dorées, dans l’intérieur de la salle ; l’un d’eux richement caparaçonné, était la monture dont se servait le roi pendant les batailles, car jamais il ne manquait de se placer à la tête des combattants. Le prince des Ingwine donna ensuite les coursiers et les armes à Beowulf et lui dit d’en bien jouir. — Tels furent les dons splendides par lesquels il récompensa les exploits de Beowulf : aucune personne soucieuse de dire la vérité ne pourra donc jamais lui infliger de blâme à ce sujet. 


                                                         XVII
Hrothgar donna en outre, pendant le banquet, des trésors à tous ceux qui avaient traversé la mer avec Beowulf et il compensa par de l’or la mort de celui que Grendel avait assassiné.
Le poète de Hrothgar répéta le chant de Hnæf et l’attaque subite de ce général, en s’accompagnant de la harpe 


................................................

SABINE AUSSENAC


On entend des clameurs, des youyous, des silences

Quand l’Ardeur devient folle au renouveau de mars,
Elle rayonne en nos villes en une immense farce,
Fait des nuits des soleils, des étoiles des jours,
Et en cent poésies elle déclame l’Amour.

Quand l’Ardeur se réveille, primevère en rosée,
Après tous ces hivers qui nous laissent agacés,
Elle transcende joyeuse les fusils et les peines,
Nos envies hirondelles s’y élancent en vraies reines.

Quand l’Ardeur se réveille, au Printemps des Poètes,
On entend des clameurs, des youyous, des silences…
C’est la mer qui déferle en nos pavés offerts,

C’est la neige qui fond, de New-York à la Mecque,
Et tant de mots qui crient qui résonnent et qui dansent
Que les Hommes enfin se regardent en frères.

**

Au quatorze juillet, ton histoire est la mienne

Comme elle me semble douce, ma belle république,
Celle où voici longtemps bien des vents se calmèrent,
Quand de nos soleils fous aux cent plaines nordiques
Robespierre et Danton d’ennemis furent frères.

Comme elle me semble belle, ma France des flonflons,
Celle qui sait danser sur mille accordéons,
Lorsque de nos villages aux confins de Paname
Un seul peuple festoie de bon cœur et d’une âme.

Comme elle me semble forte, ma belle aux artifices,
Celle où l’on célèbre La Bastille tombée
Aux rythmes des canons et d’idées malmenées,
Quand chaque bourgade fait de Versailles office.

Comme j’aime observer les étoiles explosées
En ciel bas de Bourgogne, ou clément en Olonne,
Lorsque rient les enfants à la lune étonnée
Par tout ce déploiement de Lille en ma Gascogne.

Comme j’aime drapeau et me sens cocardière,
Quand des Champs Elysées à notre Cannebière
Métissages dansant font résonner campagnes,
Et que coulent pastis, Pinaud noir et champagne.

Nul ne m’enlèvera ma ferveur citoyenne :
Je me sens Marianne et te salue ma France !
Accorde-moi encore cette dernière danse…
Au quatorze juillet, ton histoire est la mienne.

.........................................................................................

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean

Chapitre II    -    LES NOCES DE CANA


01 Le troisième jour, il y eut un mariage à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là.
02 Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples.
03 Or, on manqua de vin. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. »
04 Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. »
05 Sa mère dit à ceux qui servaient : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. »
06 Or, il y avait là six jarres de pierre pour les purifications rituelles des Juifs ; chacune contenait deux à trois mesures, (c’est-à-dire environ cent litres).
07 Jésus dit à ceux qui servaient : « Remplissez d’eau les jarres. » Et ils les remplirent jusqu’au bord.
08 Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent.
09 Et celui-ci goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais ceux qui servaient le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau. Alors le maître du repas appelle le marié
10 et lui dit : « Tout le monde sert le bon vin en premier et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant. »
11 Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.
12 Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils demeurèrent là-bas quelques jours.
13 Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem.
14 Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs.
15 Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs,
16 et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. »
17 Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment.
18 Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? »
19 Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. »
20 Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! »
21 Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.
22 Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.
23 Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il accomplissait.
24 Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous
25 et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme.
………………………………………..

Livre de Daniel        LA FÊTE DE BALTHAZAR


01 Le roi Balthazar donna un somptueux festin pour les grands du royaume au nombre de mille, et il se mit à boire du vin en leur présence.
02 Excité par le vin, il fit apporter les vases d’or et d’argent que son père Nabucodonosor avait enlevés au temple de Jérusalem ; il voulait y boire, avec ses grands, ses épouses et ses concubines.
03 On apporta donc les vases d’or enlevés du temple, de la Maison de Dieu à Jérusalem, et le roi, ses grands, ses épouses et ses concubines s’en servirent pour boire.
04 Après avoir bu, ils entonnèrent la louange de leurs dieux d’or et d’argent, de bronze et de fer, de bois et de pierre.
05 Soudain on vit apparaître, en face du candélabre, les doigts d’une main d’homme qui se mirent à écrire sur la paroi de la salle du banquet royal. Lorsque le roi vit cette main qui écrivait,
06 il changea de couleur, son esprit se troubla, il fut pris de tremblement, et ses genoux s’entrechoquèrent.
07 Le roi cria de faire entrer les mages, les devins et les astrologues. Il prit la parole et dit aux sages de Babylone : « L’homme qui lira cette inscription et me l’interprétera, on le revêtira de pourpre, on lui mettra un collier d’or, et il sera le troisième personnage du royaume. »
08 Tous les sages du roi entrèrent donc, mais ils ne purent lire l’inscription ni en donner au roi l’interprétation.
09 Le roi Balthazar en était épouvanté : son visage changea de couleur, et les grands du royaume furent atterrés.
10 La reine, alertée par les paroles du roi et des grands, entra dans la salle du banquet. Elle prit la parole et dit : « Ô roi, puisses-tu vivre à jamais ! Que tes pensées ne t’épouvantent pas, que ton visage ne change pas de couleur !
11 Dans ton royaume, un homme possède en lui l’esprit des dieux saints. Du temps de ton père, on a trouvé en lui une lumière, une intelligence, et une sagesse pareille à la sagesse des dieux. Le roi Nabucodonosor, ton père, le nomma chef des magiciens, des mages, des devins et des astrologues. Il fit ainsi
12 parce qu’on avait trouvé en ce Daniel – à qui le roi avait donné le nom de Beltassar – un esprit supérieur, une intelligence, une clairvoyance pour interpréter les songes, déchiffrer les énigmes et dénouer les difficultés. Donc, que Daniel soit appelé, et il donnera l’interprétation. »
13 On fit venir Daniel devant le roi, et le roi lui dit : « Es-tu bien Daniel, l’un de ces déportés amenés de Juda par le roi mon père ?
14 J’ai entendu dire qu’un esprit des dieux réside en toi, et qu’on trouve chez toi une clairvoyance, une intelligence et une sagesse extraordinaires.
15 Et maintenant on a fait venir en ma présence les sages et les mages pour lire cette inscription et m’en faire connaître l’interprétation. Mais ils n’ont pas été capables de me la donner.
16 J’ai entendu dire aussi que tu es capable de donner des interprétations et de résoudre des questions difficiles. Si tu es capable de lire cette inscription et de me l’interpréter, tu seras revêtu de pourpre, tu porteras un collier d’or et tu seras le troisième personnage du royaume. »
17 Daniel répondit au roi : « Garde tes cadeaux, et offre à d’autres tes présents ! Moi, je lirai au roi l’inscription et je lui en donnerai l’interprétation.
18 Ô roi, le Dieu Très-Haut avait donné à ton père le roi Nabucodonosor la royauté, la grandeur, la gloire et la splendeur.
19 La grandeur qui lui était donnée faisait trembler de crainte devant lui tous les peuples, nations et gens de toutes langues. Il tuait qui il voulait, laissait vivre qui il voulait ; il élevait qui il voulait, abaissait qui il voulait.
20 Mais lorsque son cœur devint hautain, son esprit dur jusqu’à l’orgueil, il fut jeté à bas de son trône royal, et sa gloire lui fut retirée.
21 On le chassa d’entre les hommes, son cœur devint comme celui des bêtes ; il demeura avec les ânes sauvages, on le nourrissait d’herbe comme les bœufs ; son corps était trempé par la rosée du ciel, jusqu’au moment où il reconnut que le Dieu Très-Haut est maître du royaume des hommes et place à sa tête qui il veut.
22 Toi, son fils Balthazar, tu n’as pas abaissé ton cœur, et pourtant, tu savais tout cela.
23 Tu t’es élevé contre le Seigneur du ciel ; tu t’es fait apporter les vases de sa Maison, et vous y avez bu du vin, toi, les grands de ton royaume, tes épouses et tes concubines ; vous avez entonné la louange de vos dieux d’or et d’argent, de bronze et de fer, de bois et de pierre, ces dieux qui ne voient pas, qui n’entendent pas, qui ne savent rien. Mais tu n’as pas rendu gloire au Dieu qui tient dans sa main ton souffle et tous tes chemins.
24 C’est pourquoi il a envoyé cette main et fait tracer cette inscription.
25 En voici le texte : Mené, Mené, Teqèl, Ou-Pharsine.
26 Et voici l’interprétation de ces mots : Mené (c’est-à-dire “compté”) : Dieu a compté les jours de ton règne et y a mis fin ;
27 Teqèl (c’est-à-dire “pesé”) : tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé trop léger ;
28 Ou-Pharsine (c’est-à-dire “partagé”) : ton royaume a été partagé et donné aux Mèdes et aux Perses. »
29 Alors, Balthazar ordonna de revêtir Daniel de pourpre, de lui mettre au cou un collier d’or et de proclamer qu’il deviendrait le troisième personnage du royaume.
30 Cette nuit-là, Balthazar, le roi des Chaldéens, fut tué.


,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,

 JOAN BODON

LA VÒTA  Poemas 1940

Me sovendrai d’aquela vòta,
d’aquela vòta que farem pas pus…
Me sovendrai d’aquela vòta.

Lo sabte, copèrem de cades *
a Telhet, a Ròcargiron.
Ne bastiguerem lo téatre
e bégèrem mai d’un pinton.

Sul tard, après lo catechisme
arribèron de nos fintar
los dròlles pichons que fan rire
nos agachavan sens parlar.

Lo rosal luississiá suls cadres
e i aviá pas degús enlòc
quand arribèrem totes quatre
lo lendeman, al fons del lòc.

Dins d’abòrd venguèron las bancas,
Lo monde plangián pas l’argent
E las danças seguián la danças.
Erem joves, èrem contents.

Mas sul ser aguèrem la pluèja
una pluèja del mes d’abrial,
e lo monde per las fenèstras
fintèron rajar las canals.

Se despacet et la velhada
se dancet jusca mièjanuèch.
Sus la rota tota molhada
mai que mai tustèron los pès.

Tornegèrem en farandòla
quand siet l’ora de s’arrestar.
E lo drapèu cambiet de còla,
anèrem beure a nos bandar.

Demorèrem dins una aubèrja
beviam per nos desrevelhar
Se tornet mettre a far de pluèja
e beviam per poder cantar.

Sens avere cap de pensada
lo lendeman en m’en anent,
aviái lo cap que me pesava,
èri las sens èstre content.

Me sovendrai d’aquela vòta,
D’aquela váta que farem pas pus.
Me sovendrai d’aquela vòta.

 

* Après observation d'une lectrice attentive, j'ai corrigé le mot imprimé dans le livre, "cadres".

LA FÈTE (1940) 

Je m’en souviendrai, de la fête,
de cette fête où on n’ira plus..
Je m’en souviendrai, de la fête.

Le samedi, on a coupé des genièvres
à Teillet et à Roquegirgou,
On en a bâti la scène
et on a bu pas mal de verres.

Sur le tard, après le catéchisme
sont arrivés pour nous regarder
les petits gamins qui font rire,
ils nous regardaient sans parler.

La rosée brillait sur les branches,
il n’y avait personne en vue
quand on est arrivés tous les quatre,
le lendemain, dans ce trou perdu.

D’abord sont venus les forains,
Les gens ne plaignaient pas l’argent
Et les danses suivaient les danses,
On était jeunes, on était contents.

Mais le soir on a eu la pluie,
une pluie de mois d’avril,
et les gens par les fenêtres
regardaient cracher les chénaux.

Le soir ça s’est arrangé,
On a dansé jusqu’à minuit.
Sur la route toute mouillée
tant et plus on a tapé des pieds.

On a dansé la farandole
quand ça a été l’heure d’arrêter.
Et le drapeau a changé de mains,
On est allé boire pour se saoûler.

On est restés dans une auberge,
on buvait pour se réveiller.
Il s’est remis à pleuvoir,
on buvait pour pouvoir chanter.

Sans avoir la moindre pensée,
le lendemain, en m’en allant,
je sentais ma tête lourde,
j’étais las sans être content.

Je m’en souviendrai de la fête,
de cette fête où on n’ira plus.
Je me souviendrai de la fête.

 

Traduit en français par l'auteur

 

……………………………………………………………………..


MARIE-MAGDELEINE CARBET 1902-1996

Il est né le divin enfant
Parfums, bêtes-à-feu, cantiques
Montent dans le bleu triomphant
De la nuit claire en Martinique

Le cabri-bois sur son flutiau
Lance à la ronde la nouvelle
Le poisson ailé sur les eaux
L’annonce en volée d’étincelles

Pâté tout chaud, bien pimenté,
Noël !
Du vrai, du fort, café corsé,
Noël !

Le vent sur l’eau ouvre son aile
Noël !
La cloche en joie dit Gloria,
Noël !

Pâté tout chaud, piment-z-oiseau
Noël !
Mi café fô, pas tchô-lô-lô,
Noël !
En clocher-à c’est Gloria
Noël !

Dans la paille ou Jésus sourit
A Tensia, Maïoté et féfé,
Profils bronzés penchés sur lui,
Quelques étoiles sont tombées.

Il est né le divin enfant
Parfums, bêtes-à-feu, cantiques
Montent dans le bleu triomphant
De la nuit claire en Martinique

Longs filaos, vols d’angelots,
Noël !,
Le punch est prêt, le citron frais,
Noël !
L’an sera bon, la nuit est belle,
Noël !
La crêche en fête rit au ciel.
Noël !

Dans filaos, z’anges ka joué zouel,
Noël !
Rhum ka moussé dans carafe-là,
Noël !
L’an-née ké bon, lan-nuitt-là bel,
Noël !
Compé Michaud ka ri dans ciel,
Noël !


Écoute soleil-dieu, 1974

,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,

MARIE-ANGE GACHERIEU


JE DANSERAI    (2021 Biarritz)

Notes égrenées, rythmées
Emportée, soulevée,
En vagues déchaînées,
Enroulez moi, grisée…
De nacre et de moire
Irisée, en volutes,
Je danserai, sirène noire,
L’œil vert, au son du luth
Dans un éclair, j’apparaîtrai
En nudité, sauvage,
Au son du tam-tam je frapperai
Martèlerai le rivage
Morte je ressusciterai
Dans les vagues de tes rêves,
Dans les remous de tes pensées
Ecume folle de tes fièvres ;
Feu follet éclairé par la lune
Dansant dans un éclair de brume
Dans une écharpe de rosée
Que les fées auront tissé.
Amour vibrant de mille feux
Allumés au sein de la nuit
Et les étoiles seront mes yeux
A jamais ouverts sur l’infini.

.........................................................


DIDIER METENIER

SA MAJESTE

Confettis
Arlequins
Ripoux et Colombines
Nous
Avons follement
Valsé
Avec
Le roi

 ...

Au bal masqué
J'ai salué une princesse,
J'ai dit bonjour au matelot,
J'ai contourné une sorcière,
J'ai bousculé Pierrot...
Oh, Pardon!

Et puis, emporté par la danse,
J'ai oublié mes beaux habits...
J'ai tournoyé à contre-sens
Et j'ai gobé des confettis...
Sapristi!!!


,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,


CATHERINE DE MONPEZAT

A l'Ami qui me "sauva la vie"
Tu es ... Ma Fête

Tu es...
un sourire effleuré
sur le regard du temps
retenu et donné
pour retrouver l'enfant...

Un désert de prière
une soif, un silence
Une main qui desserre
et m'ouvre à l'Espérance

Tu es...
Une pluie de lumière
pour la fête du coeur
Sur l'émotion amère
la rosée tel un pleur

Une flamme cachée
Une tendresse folle
et ma nuit avancée
recule et dégringole.

Tu es...
L' oiseau dans mon orage
la rose dans mes sables
L' appel sur le rivage
et mon corps danse aimable

Un regard comme une aile
L' envol d'une pensée
qui rejoint ma nacelle
et la fait naviguer

Tu es...
Un geste sans parole
quand il n'y a rien à dire
Une arabesque drôle
et mon âme chavire

Le vrai frai d'un matin
sur mon corps en furie
Un murmure câlin
qui berce... et je sourie

Tu es...
Une larme le soir
que retient ta prière
Chargée de tant d'espoir...
elle me sort de l'ornière

Un rire sans raison
Une raison d'aimer
qui fête mes saisons
de joie...de liberté

Tu es...
Une lueur d'aurore
qui annonce le jour
et me conduit au port...
aux portes de l'Amour

Quelques mots qui respirent
et déploient l'horizon
Vogue alors mon navire...
C'est fête à la maison!


           Tu es mon Île et mon château
           Mon  océan, ma terre
           Pays tranquille, Espace, Echo
           de mon plein chant, de ma prière...
           Et sur mes cils un souffle chaud...
           Baiser du vent sur mes paupières.

 ..............................

 

Poème :
Tant de mots "tempête"...
Tant de mots en fête...  (Chant)

1)  Si tous ces mots vous charment
     C'est pour vous faire la fête
     Et votre coeur en larme
     Changera bien de tête...
                        S'ils sont trop insolents
                        Aussi justes que libres
                        C'est qu'ils cachent au dedans
                        Un monde en équilibre...
      S'ils vous parlent en secret
      C'est toujours en Ami
      Aubade improvisée
      Qui sourit à la vie...
                        S'ils vous prennent le coeur
                        Et même s'ils vous toisent
                        Surtout n'ayez pas peur
                        C'est vous qu'ils apprivoisent.
   
2)  S'ils sont fous et de feu
     S'ils sont doux, généreux
     C'est à vous voir heureux
     Qu'ils se prennent au jeu...
                         Mais parfois ils se taisent
                         Ils sont mal dans leur peau
                         Ils disent le malaise
                         D'un monde qui est faux...
     Si certains trop vous blessent
     Laissez les en chemin
     S'ils vous touchent en caresses
     Prenez les comme un pain...
                         S'ils sont tumultueux
                         Discours un peu bruyant
                         Vides ou ennuyeux
                        Jetez les dans le vent .

3)  S'ils deviennent un peu durs
      Et qu'ils grincent des dents
      Cassez leur la figure
      Vous les verrez contents...
                        S'ils se sont bien choisis
                        Violents et volontaires   
                        C'est une moquerie
                        Qui singe vos manières...
     S'ils se choquent entre eux
     Et dansent vos défaites
     C'est pour vous dire au mieux
     Qu'ils s'en vont à la fête...
                           S'ils ne vous disent rien
                           Alors laissez les faire
                           Mais s'ils vous font du bien
                           C'est à vous de vous taire! .

      Tant et tant de mots
       Qu'il faut garder au chaud....
 

............................................................


JACQUES PRÉVERT

Fête foraine

Heureux comme la truite remontant le torrent
Heureux le cœur du monde
Sur son jet d'eau de sang
Heureux le limonaire
Hurlant dans la poussière
De sa voix de citron
Un refrain populaire
Sans rime ni raison
Heureux les amoureux
Sur les montagnes russes
Heureuse la fille rousse
Sur son cheval blanc
Heureux le garçon brun
Qui l'attend en souriant
Heureux cet homme en deuil
Debout dans sa nacelle
Heureuse la grosse dame
Avec son cerf-volant
Heureux le vieil idiot
Qui fracasse la vaisselle
Heureux dans son carrosse
Un tout petit enfant
Malheureux les conscrits
Devant le stand de tir
Visant le cœur du monde Visant leur propre cœur Visant le cœur du monde En éclatant de rire.

………………………………………………

SVANTE SVAHNSTRÖM


FÊT. NAT.


L’aorte est dégagée
En sens inverse grouillent les carnavaliers
un flux de costumes vers le coeur
Des grumeaux noirs blancs beiges bleus déferlent
Des nuages colorés couvrent la ville
blanc rouge bleu
Un trait est tiré par-dessus l’axe cordial
Multiplication de capes blanches au vent
contre la noire contre Darth
contre l’Empire de Vader
Épaules sciées
Étincelants accessoires d’acier sous le soleil
Barbes et tabliers de cuir
Oscillations de bras rythmes cuivres
En compagnie de la valeur défile le dévouement
Des hommes des femmes fiers austères
Une fête purgée de sourires
Les colonnes coulant des écoles de colonels
sont des sentinelles
ongles sur des mains tenant
un parapluie de paix
Vers le départ de l’artère parade la sécurité
Aujourd’hui c’est Fêt. Nat.
Sous le plomb du soleil
digne ému et rassuré
le Coeur de la Nation attend accueille
le flux en armes


in J'adhère à la brique