Robinet, grue du Port Lay, île de Groix - Pierre-Marie Schmidt "Applestrophe" |
AUTEURS
Maurice Couquiaud* 4/11/21
Özdemir Ince* 4/11/21
Omar Khayyâm** 4/11/21
Edith Södergran* 4/11/21
Sabine Aussenac
Franc Bardou
Joan Bodon *
Karin Boye *
Didier Metenier
Catherine de Monpezat
Svante Svahnström
* - présenté par Svante Svahnström
** - présenté par Fabienne Larroque
MAURICE COUQUIAUD
BAIN DE MINUIT
Je découvre que se baigner sous la lune
C’»st associer les mouvements de son corps dévoilé
à la dans des étincelles sur les reflets de l’eau.
Depuis, je me baigne toujours nu dans les mots
qui brasillent doucement sur le poème
lorsque je bouge le cœur.
……………….
Un souvenir de la mer d’Aral
LA MER VIDE
La nuit est plus large que d’habitude
Ce soir la mer s’est évaporée comme une légende.
Il ne reste qu’un fond tourmenté
où viendront puiser les poètes,
le pétroliers de la tourmente disparue,
géologue des sédimentations fructueuses.
Ils glaneront au pied des montagnes
la récolte des vaisseaux fantômes
et des épaves désenchantées.
Plus rien ne vogue où plus rien ne coule.
La mer est un vague souvenir pour le vent.
Il y a des plages à toutes les hauteurs,
Les embouchures ne font que des petits besoins.
Les poèmes ensablés sont échoués à l’ancrage.
Les idées prendront leur bain de minuit
Sous les draps noirs de la ville montante.
La mer ne reviendra pas.
La terre a les joues creuses.
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ÖZDEMIR INCE Turquie 1936-
ÉGÉE
Un pétale de rose devenu bleu : ta peau
tes joues humectées d’eau de rose
tes yeux deux violettes d’Inde
et une démarche semblable au vent du matin :
Méditerranée ! Nourris-moi de ton lait maternel
quand ma bouche s’empare de tes seins généreux
deviens pour une fois ma femme, mon amante !
……………….
OMAR KHAYYÂM
"Dans la coupe, le vin est du rubis fondu.
Le flacon est le corps et son liquide est l'âme.
Le rire du cristal, dans le vin répandu,
cache son coeur brisé : voyez couler ses larmes "
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EDITH SÖDERGRAN Finlande 1892-1923
ÉTRANGE MER
De curieux poissons glissent au fond de l’eau,
des fleurs inconnues brillent sur le rivage ;
j’ai vu du rouge, du jaune, toutes les couleurs,-
mais la superbe, superbe mer est la plus périlleuse à voir,
elle donne soif, vous plonge dans l’attente d’aventures ;
ce qui arrive dans les contes peut m’arriver aussi.
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SABINE AUSSENAC
Tout enfant en ruisseau
Se souvenir des belles choses,
du vent qui
siffle sur les lauzes.
Jambes nues.
Joies des écorchures. Barbouillés
de mûres, les visages
violines semblent toile
de Pissarro.
Construire un moulin,
méduses aux pieds, grelotter
d’allégresse.
Tout enfant en ruisseau
devient bâtisseur de
cathédrales.
La Reine des Pyrénées
Tout là-haut dans l’alpage
le silence attend échos.
La Reine des Pyrénées, nonchalante,
hésite entre parapentes
et vaporarium.
Eaux vives des thermes,
fées bienfaisantes.
Source apaisante de l’histoire sans tain :
Bilboquets et cerceaux, dames blanches
et passantes.
Parc thermal où curistes d’un autre temps
se promènent en allées
chuchotantes. Marronniers
majestueux murmurent à
l’Autan.
Dans le kiosque à musique écrit Louisa Paulin.
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FRANC BARDOU
Chroniques démiurgiques — §235
Ruissellement
Ondoyante misère, elle court le monde en fleuves,
de ruisseaux en marais, en mers inconsolées
elle s’étend, sourd et choit, serpente et se répand,
tandis qu’une poignée se dressent sur les cimes.
Sans cesse, ils prétendront que leur argent ruisselle :
celui qui voit tomber l’orage sur les monts
sait, sans plus en douter, que l’unique déluge
ici-bas qui s’égoutte est l’obscur fourvoiement.
L’ondoyante misère, au gré des ouragans,
emporte les maisons, les gens, des vies entières,
inondant plaines, monts, villages et cités.
Nous allons tout trempés ; elle nous colle à la peau.
Qui veut la fuir bien vite au désert va se perdre,
ou quitte la vallée de nos désolations.
Cronicas demiurgicas — § 235
Riulejament
Ondejanta misèria, en flumes cor lo mond,
de rius nauts en paluns, en mars desconsoladas
s’escampa, sorga e cai, serpeja a tot asuèlh
mentre qu’un ponherat se crincan subre un som.
Nos cantan de contunh que moneda riuleja :
lo qu’a vist tombar drut l’auratge per las sèrras
sap sense ne dobtar que la soleta causa
aicíbàs que gotege es l’escur desaviar.
L’ondejanta misèria, al grat de las tempèstas,
s’empòrta los ostals, las gents, las vidas totas,
enaigant planas, vals, vilatjons e ciutats.
Nos trempa farda e pel e nos pega a la pèl.
Qui la vòl lèu fugir se pèrd ròc al desèrt,
o quita lèu la val de las desolacions.
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JOAN BODON
JOUR DE FOIRE
La pluie trombe fine
du foirail au chemin.
La pluie tombe fine
et nous on boit du vin.
Sur une vieille table
en trempant un quignon,
Sur une vieille table,
on boit notre canon.
La gouttière toujours crache,
on ne peut pas sortir.
La gouttière toujours crache,
et nous on reste ici.
Bouteille après bouteille,
on gaspille l’argent.
Bouteille après bouteille,
Mais on es tous contents.
Demain, fini la foire
il faudra travailler.
Demain, fini la foire,
là, on va se saouler.
La pluie tombe fine
du foirail au chemin
La pluie tombe fine
et nous on boit du vin.
(1939)
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KARIN BOYE (Suède) 1900-1941
MÛR COMME UN FRUIT
Mûr comme un fruit le monde est entre mes bras,
il a mûri cette nuit,
et sa pelure est la membrane bleue qui se tend
ronde commune bulle,
et son suc est le doux flot de lumière solaire, parfumé,
liquide et brûlant.
Et dans l’univers transparent je bondis comme un
nageur,
noyée dans un ondoiement de maturation et née pour
un pouvoir de maturité.
Consacrée à l’action,
légère comme un rire,
je fends un mer dorée de miel qui désirent mes mains
affamées.
………………………...
DIDIER METENIER
Toutes ces chansons là...
ne sont que des galets
les galets noirs ou blancs
d'un fleuve ch
amarré !!!
Ces galets empilés
qui dans nos murs
se fondent
toulousain d'attirance
j'ai soif de m'y fonder...
J'ai faim de mes racines
(j'en cherche l'origine)
faim d'entrevoir la fin...
soucieux à toutes fins
d'ausculter le destin...
J'ajuste ces paroles
comme autant de galets
d'un fleuve qui m'inonde
de mots et de couplets.
Je m'adresse à l'oreille...
et je m'adresse à l'oeil !!!
Je fouille la mémoire
et dans cette Mer Noire
je trouve le berceau
dans nos murs et dans l'eau
de l'Etoile de Mère...
à Claude Nougaro
N.B.: retranscrits en italique quelques emprunts admiratifs à un texte manuscrit du chanteur toulousain.
(Maison Nougaro Toulouse)
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CATHERINE DE MONPEZAT
LES GALETS
R.
Les galets se font la guerre
ils se piétinent dans la mer
Elle les tourne et les malmène
les retourne et les entraîne.
1
Aux rochers, agrippés longtemps
rugueux, hostiles et résistants
ils ont mordu les flots furieux
crevant leurs ventres et leurs yeux
2
La vague qui roule et s’enroule
de gifles en caresses les saoule
Ivres de danser jour et nuit
ils n’ont que l’eau pour seul appui…
Moulu leur corps ne se rebiffe
ils ont perdu leurs dents, leurs griffes
Épousés par l’onde amoureuse
leur beauté s’affine, silencieuse…
3
L’océan dévorant les a pris
les berçant doucement dans son lit
peu à peu ils se sont assagis
ensemble câlinés par l’oubli…
quand les flots capricieux se déchaînent
les galets sont vomis, ils se traînent
rejetés de la mer à la terre
ils s’entassent entre eux de colère
4
Ils passent et repassent à toute heure
chaque fois c’est un peu qu’ils meurent
Entre deux vagues, ils vous regardent
dans l’espoir que vos mains les gardent
Si vous les prenez avec vous
ils se feront tendres et doux
lourds et muets de leur chagrin
d’avoir quitté les fonds marins
R.
Les galets ne font plus guerre
ne piétinent dans la mer
Elles les berce dans son eau
ils s’endorment calmes et chauds
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SVANTE SVAHNSTRÖM
Points mousse humides sur le bitume
Fouetteur, le vent novembreux extirpe des fils mouillés
des ruisselantes pelotes de laine d’automne
Balayage pensif de faisceaux de codes
entre les mollets flagelleurs de la précipitation
Étoile Italie et Bastille
Par-dessus les rondpoints de la République
la nuit lâche son eau à Paris
extrait de "J'adhère à la brique", 2021