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Nuit étoilée sur le Rhône - Vincent van Gogh |
AUTEURS
Guillaume
Apollinaire *
Pierre Auger****
Nanou Auriol
Charles Baudelaire *
Karin Boye *
André
Chénier ****
Jean CIZO et B.B Alain ***
Edward Eastling Cummings **
Hjalmar Gullberg ****
Stephen Moysan ****
Nicole Sibille
Paul Verlaine *
Svante Svahnström
* - présenté par Nicole Sibille
** - présenté par Didier Metenier
*** - présenté par Bernard Auriol
**** - présenté par Svante Svahnström
GUILLAUME APOLLINAIRE
Clair de Lune
Lune mellifluente aux lèvres des déments
Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands
Les astres assez bien figurent les abeilles
De ce miel lumineux qui dégoutte des treilles
Car voici que tout doux et leur tombant du ciel
Chaque rayon de lune est un rayon de miel
Or caché je conçois la très douce aventure
J’ai peur du dard de feu de cette abeille Arcture
Qui posa dans mes mains des rayons décevants
Et prit son miel lunaire à la rose des vents
Alcools, 1913
……………………….
PIERRE AUGER
Astrophysique
Au fond de l'âme du savant
Vit un poète
Qui va parfois lui inspirant
Un air de fête
Et peut alors sans ridicule
Trouver du charme aux particules
Et lever sur l'antimatière
L'étrange arc-en-ciel du mystère !
Sur le globe les continents
Dansent un ballet languissant.
Les étoiles du firmament
À des milliers d'années-lumière
Sont comme des grains de poussière
Sur la peau d'un ballon d'enfant
Que gonfle un souffle transcendant
Après l'explosion initiale
Créant tout, d'un coup de cymbales !
Mais le Néant n'est pas vaincu :
Les trous noirs sont sa descendance
Et qui en approche est tenu
D'abandonner toute espérance.
…………………..
NANOU AURIOL
Une étoile
Si à chaque naissance pousse un arbre, une rose, un cyprès,
J'aimerais qu'une étoile s'accroche à l'univers
Comme à ces beaux sapins de mon enfance
Majestueux, agrippés au pied de l'escalier ciré
Où tu allumais ces bougies pincées sur une branche
La "grande filante" au sommet du pic vert.
Si à chaque dessin, je posais trois soleils
au-dessus d'une cheminée fumante et bien bâtie
Tu entrais comme un astre dans le ciel de ma vie.
Fillette admirative à l'âge des boutons d'or
Tout brillait dans mes yeux, tu étais mon idole
Lorsque tu me portais dans tes bras de Major
Où me tenais la main jusqu'au seuil de l'école.
Tout comme un arbre, une fleur, un humain
Les astres meurent un jour désespérément usés.
De la voûte céleste, vacille un destin
C'est la mort d'une étoile en paillettes d'amour
Décrochée lentement d'un fil d'or en guirlande;
Présence d'un voile noir au déclin des vieux jours .
Rien n'est plus beau qu'une pluie fine d'argent
Éclairant le ciel pâle dans une nuit d'été.
Rien n'est plus douloureux qu'une vie étiolée
Passé d'un grand soleil qui éteint son présent
Laissant un trou noir, une absence, dans un coeur attristé.
Mai juin 93. A mon père.
………………….
CHARLES BAUDELAIRE 1821 - 1867
Le soleil
Le long du vieux faubourg, où pendent aux masures
Les persiennes, abri des secrètes luxures,
Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés
Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés,
Je vais m'exercer seul à ma fantasque escrime,
Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,
Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,
Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.
Ce père nourricier, ennemi des chloroses,
Eveille dans les champs les vers comme les roses ;
Il fait s'évaporer les soucis vers le ciel,
Et remplit les cerveaux et les ruches de miel.
C'est lui qui rajeunit les porteurs de béquilles
Et les rend gais et doux comme des jeunes filles,
Et commande aux moissons de croître et de mûrir
Dans le coeur immortel qui toujours veut fleurir !
Quand, ainsi qu'un poète, il descend dans les villes,
Il ennoblit le sort des choses les plus viles,
Et s'introduit en roi, sans bruit et sans valets,
Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais
……
Tristesses de la Lune
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ;
Ainsi qu’une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d’une main distraite et légère caresse
Avant de s’endormir le contour de ses seins,
Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l’azur comme des floraisons.
Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poëte pieux, ennemi du sommeil,
Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d’opale,
Et la met dans son cœur loin des yeux du soleil.
in Les Fleurs du Mal
………………………….
KARIN BOYE Suède 1900-1941
KUNDE JAG FÖLJA DIG |
Si je pouvais te suivre |
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ANDRÉ CHENIER
L'AMERIQUE (extrait)
Muse, muse nocturne, apporte-moi ma lyre
Comme un fier météore, en ton brûlant délire
Lance-toi dans l'espace, et pour franchir les airs
Prends les ailes des vents, les ailes des éclairs,
Les bonds de la comète aux longs cheveux de flamme...
(…)
Accours reine du monde, éternelle Uranie
Soit que tes pas divins sur l'astre du Lion
Ou sur les triples feux du superbe Orion
Marchent, ou soit qu'au loin, fugitive emportée,
Tu suives les détours de la voie argentée,
Soleils amoncelés dans le céleste azur
Où le peuple a cru voir des traces de lait pur ;
Descends, non, porte-moi sur la route brûlante,
Que je m'élève au ciel comme une flamme ardente
Déjà ce corps pesant se détache de moi.
Adieu tombeau de chair, je ne suis plus à toi.
Terre, fuis mes pas. L'éther où le ciel nage
M'aspire. Je parcours l'océan sans rivage
Plus de nuit.
(…)
Plus de nuit, et mon œil se perd et se mêle
Dans les torrent profonds de lumière éternelle.
Me voici sur les feux que le langage humain
Nomme Cassiopée et l'Ourse et le Dauphin.
Maintenant la Couronne autour de moi s'embrase.
Ici l'Aigle et le Cygne et la Lyre et Pégase
Abîmes de clarté, où libre de ses fers
L'homme siège au conseil qui créa l'univers ;
Où l'âme remontant à sa grande origine
Sent qu'elle est une part de l'essence divine.
……………………………….
Jean CIZO et B.B Alain
Matin
Le temple d'émeraude à colonnes gothiques
Laisse filtrer le jour pour nous dire d'aimer
Et de plier à terre un genou sarcastique
Pour adorer le grand Nirva qui a tout créé.
L'éventail du matin ouvre de larges palmes,
L'herbe jette à mes pieds ses diamants et ses larmes,
Les liserons bleutés défroissent leurs tuniques
Et boivent la douceur d'une nuit platonique ;
L'énorme point d'un I naissait à l'horizon
Des montagnes de fleurs croulaient au ciel vermeil,
Et le matin naissait, splendide et sans pareil.
in Bulles bleues
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EDWARD EASTLING CUMMINGS (traduction Didier Metenier)
now that, more nearest even than your fate
and mine (or any truth beyond perceive)
quivers this miracle of summer night
her trillion secrets touchoubly alive
- while and all the mysteries which i or you
(blinded by merely things believable)
could only fancy we should never know
are unimaginably ours to feel -
how should some world (we marvel) doubt, for just
sweet terrifying the particular
moment it takes one very falling most
(there : did you see it?) star to desappear,
that hugest whole creation may be less
incalculable than a single kiss
# 37, 73 poems, Edouard Estling Cummings, Faber and Faber Limited, 1974 (1963)
…...
maintenant que, encore plus près de ton propre destin ou du mien
(ou de n'importe quelle vérité hors d'atteinte)
alors que tremblent ce miracle de la nuit d'été
et ses trillions de secrets palpablement vivants
- alors que tous ces mystères que toi et moi
(déjà aveuglés par les seules réalités intelligibles)
nous sommes présumés ne jamais découvrir
voilà que tout est livré à nos sens -
comment un monde pourrait-il (nous sommes tout émerveillés)
douter, alors qu'il est tellement grisant de se laisser terrifier
pendant le court instant qu'il faut à une étoile toute filante
(là, la vois-tu, là-bas) pour disparaître,
cette création dans son incommensurable totalité
n'est peut-être pas plus difficile à évaluer q'un simple baiser
…………………….
HJALMAR GULLBERG Suède 1898-1961
EXTASE
Bientôt nos terrestres carcasses
Ne pourront plus nous torturer
Dans l’antichambre, entre deux glaces,
Se tient un valet bien stylé
Qui sans un mot nous débarrasse,
Messieurs et Dames épuisés,
de ces pesantes carapaces.
Et tandis qu’il dépose en cinq casiers divers
Oreilles, nez, langue, peau, yeux,
Nos âmes à genoux s’exhalent en prières ;
Et par milliers des étoiles éclairent
L’immensité de la rotonde bleue
Où nous allons enfin nous trouver devant Dieu.
……………………………….
CATHERINE DE MONPEZAT
En attente
………………………
STEPHEN MOYSAN
D’un sperme étoilé
La voûte s’est constellée
Adultères autant que de soeurs
Dans la voie lactée La lune a la rondeur
D’une mamelle sèche
Son père soleil est une mère chaleur
Il l’a allaitée au lait de sa crèche !
https://www.eternels-eclairs.fr/poesie-poemes-nuit-lune-etoiles.php
……………….
NICOLE SIBILLE
Mes étoiles (décembre 2022) |
Mas estèlas m’ensenhèron lo lugarn, l’estèla del ser, l’estèla del matin, e lo riban de posca d’estèlas qu’apelavan lo Camin de Sant Jaume, emai l’estèla que guidèt los Reis, d’al Levant dusc’a la grèpia d’un nenon, lo Messia d’amor e de patz. Pus tard, aimèri las dotze estèlas encrocadas al blau d’un drapèu que, malgrat los vents contraris esclairan las avançadas de nòstra Euròpa sovent desunida. Aquelas estèlas vengudas d’al cèl m’an guidada, nos an guidats e encara nos esclairan saique per totjorn. D’autras estèlas foguèron inventadas, las estèlas dels albres de Nadal, de las garlandas e de las veirinas. Beluguejan per nos far plaser, benlèu per nos embalausir, sens nos dire res. Encara maitas estèlas inventadas, las de las ostalariás, las de las tòcas dels cosinièrs, o encara las dels kèpis dels generals emai sens lusir, en van, nos vòlon informar. E aquí que cada jorn, sus la Tela, nos propausan d’estèlas per oscar. Sèm venguts mèstres de las estèlas, paures internautas, mèstres d’estèlas per melhor consomar ! |
.........................
PAUL VERLAINE
Le ciel est, par-dessus…
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.
La cloche, dans le ciel qu’on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte.
Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.
– Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?
in Sagesse (1881)
…………………………
SVANTE SVAHNSTRÖM
Le temps tapote avec une cuillère à café
sur la table de l’infinitude
L’existence est monotone au firmament
Tous ces soleils qui gémissent puis s’éteignent
sans répit
Mille par clin d’oeil
Vies insignifiantes et victoires en microscope
dans les couronnes rafraîchies des corps fondants
Il s’agit d’errements sans intérêt
Dans les organes internes du vide
le temps est un serviteur de temple
las du grand écart permanent
in Languier, 2003