vendredi 7 janvier 2022

Causes

Affiche contre le vote ses femmes

 

AUTEURS

Alfred Tennyson *
Walt Whitman *
Margaret Walker
Philippe Sahuc
Harry Martinson *
Gelle Ismaacil Macallin *
Victor Hugo *
Geli Grande ***
Pierre Esperbé *
Miloud Chabane **
Axodom
Sabine Aussenac
Svante Svahnström

 * Présenté par Svante Svahnström
** Présenté par Didier Metenier
*** Présenté par Nicole Sibille
 

          

 ALFRED TENNYSON  1809-1892

Traduction de Ring out, wild bells

Sonnez, cloches sauvages, vers le ciel sauvage,
Le nuage volant, la lumière glaciale:
L'année se meurt dans la nuit;
Sonnez, cloches sauvages, et laissez-le mourir.

Sonne l'ancien, sonne le nouveau,
Sonnez, joyeuses cloches, à travers la neige:
L'année passe, laissez-le partir;
Sonnez le faux, sonnez le vrai.

Sonne le chagrin qui sape l'esprit
Pour ceux qu'ici nous ne voyons plus;
Sonnez la querelle des riches et des pauvres,
Sonnez en réparation à toute l'humanité.

Sonnez une cause en train de mourir lentement,
Et les anciennes formes de conflits de parti;
Sonnez dans les modes de vie les plus nobles,
Avec des manières plus douces, des lois plus pures.

Sonne le besoin, le souci, le péché,
La froideur infidèle des temps;
Sonner, sonner mes rimes tristes
Mais appelez le ménestrel plus plein.

Sonnez la fausse fierté en place et le sang,
La calomnie civique et le dépit;
Sonnez dans l'amour de la vérité et du droit,
Sonnez dans l'amour commun du bien.

Sonnez d'anciennes formes de maladie fétide;
Sonnez la convoitise de l'or qui se rétrécit;
Sonnez les mille guerres d'autrefois,
Sonnez les mille ans de paix.

Anneau dans l'homme vaillant et libre,
Le cœur le plus grand, la main la plus aimable;
Sonnez les ténèbres de la terre,
Sonnez dans le Christ qui doit être.   

Traduction suédoise - Poème déclamé à la radio et la télévision, à minuit le 31 décembre, depuis les années 1930.  


Ring, klocka, ring i bistra nyårsnatten
mot rymdens norrskenssky och markens snö;
det gamla året lägger sig att dö …
Ring själaringning öfver land och vatten!

Ring in det nya och ring ut det gamla
i årets första, skälfvande minut.
Ring lögnens makt från världens gränser ut,
och ring in sanningens till oss som famla.
........





ALFRED TENNYSON  1809-1892

Traduction de Ring out, wild bells

Sonnez, cloches sauvages, vers le ciel sauvage,
Le nuage volant, la lumière glaciale:
L'année se meurt dans la nuit;
Sonnez, cloches sauvages, et laissez-le mourir.

Sonne l'ancien, sonne le nouveau,
Sonnez, joyeuses cloches, à travers la neige:
L'année passe, laissez-le partir;
Sonnez le faux, sonnez le vrai.

Sonne le chagrin qui sape l'esprit
Pour ceux qu'ici nous ne voyons plus;
Sonnez la querelle des riches et des pauvres,
Sonnez en réparation à toute l'humanité.

Sonnez une cause en train de mourir lentement,
Et les anciennes formes de conflits de parti;
Sonnez dans les modes de vie les plus nobles,
Avec des manières plus douces, des lois plus pures.

Sonne le besoin, le souci, le péché,
La froideur infidèle des temps;
Sonner, sonner mes rimes tristes
Mais appelez le ménestrel plus plein.

Sonnez la fausse fierté en place et le sang,
La calomnie civique et le dépit;
Sonnez dans l'amour de la vérité et du droit,
Sonnez dans l'amour commun du bien.

Sonnez d'anciennes formes de maladie fétide;
Sonnez la convoitise de l'or qui se rétrécit;
Sonnez les mille guerres d'autrefois,
Sonnez les mille ans de paix.

Anneau dans l'homme vaillant et libre,
Le cœur le plus grand, la main la plus aimable;
Sonnez les ténèbres de la terre,
Sonnez dans le Christ qui doit être.   
 

Traduction suédoise - Poème déclamé à la radio et la télévision depuis les années 1930
à minuit le 31 décembre
Ring, klocka, ring i bistra nyårsnatten
mot rymdens norrskenssky och markens snö;
det gamla året lägger sig att dö …
Ring själaringning öfver land och vatten!
Ring in det nya och ring ut det gamla
i årets första, skälfvande minut.
Ring lögnens makt från världens gränser ut,
och ring in sanningens till oss som famla.
........


WALT WHITMAN  1819-1892

PENSIF ET LANGUISSANT EN CETTE MINUTE MÊME
 
Pensif et languissant en cette minute même, assis, dans mon coin,
Me vient à l’esprit l’image d’autres êtres humains en des terres lointaines aussi
     pensifs et languissants que moi,
D’ici je me les imagine, je les vois en Allemagne, en Italie, en France, en
     Espagne,
Ou tout au bout de la terre, en Chine, en Russie, au Japon, parlant des
     dialectes différents,
Et si j’avais le moyen de les connaître, ces hommes, me dis-je, ne leur
     deviendrais-je pas aussi attaché qu’aux hommes de mon pays,
Mais si ! je sais que nous serions fières et amants,
Et qu’ensemble nous serions heureux.
….

AMOUR, ANCRE IMMUABLE D’ETERNITE !
 
Amour, ancre immuable d’éternité ! Ô femme mon amour !
Mon épouse ! Ma conjointe ! irrésistible en moi plus que je ne saurais dire, ton
     image !
Et puis je me sépare, change de corps, vis une seconde naissance,
Suis éther, ultime réalité athlétique qui me console,
Et je monte, et je flotte aux zones de ton amour, toi l’Homme,
Qui partages ma vie de nomade !
in Leaves of grass, 1860-1861
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MARGARET WALKER – traduction Google, avec ajustements Svante Svahnström


For Malcolm X

All you violated ones with gentle hearts;
You violent dreamers whose cries shout heartbreak;
Whose voices echo clamors of our cool capers,
And whose black faces have hollowed pits for eyes.
All you gambling sons and hooked children and bowery bums
Hating white devils and black bourgeoisie,
Thumbing your noses at your burning red suns,
Gather round this coffin and mourn your dying swan.

Snow-white moslem head-dress around a dead black face!
Beautiful were your sand-papering words against our skins!
Our blood and water pour from your flowing wounds.
You have cut open our breasts and dug scalpels in our brains.
When and Where will another come to take your holy place?
Old man mumbling in his dotage, crying child, unborn?   


Vous tous violés aux cœurs doux ;
Vous les rêveurs violents dont les cris hurlent le chagrin ;
Dont les voix font écho aux clameurs de nos chouettes braquages
Et dont les visages noirs ont des puits pour les yeux.
Vous tous, fils joueurs, enfants accros et clochards
Détestant les diables blancs et la bourgeoisie noire,
Faisant des pieds de nez à vos soleils rouges brûlants,
Rassemblez-vous autour de ce cercueil et pleurez votre cygne mourant.

Coiffe musulmane blanche comme neige autour d'un visage noir mort !

Beaux étaient tes mots poncés contre nos peaux !
Notre sang et notre eau jaillissent de tes blessures ruisselantes.
Vous avez ouvert nos seins et plongé des scalpels dans nos cerveaux.
Quand et Où un autre viendra-t-il prendre votre place sacrée ?
Vieil homme marmonnant radotant, enfant en larmes, à naître ?


https://www.poetryfoundation.org/poems/52730/for-malcolm-x
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PHILIPPE SAÜC

S’EN FOUT LA MORT EN VERS ET CONTRE TOUT

Il ne peut saisir que des mots.
Pas de phrase entière.
Cela parle de vêtements chauds.
Duvets.
Repas.
Intérim.
Subside.
Un autre monde que le sien.
Enveloppé de rires et de bourrades.
Rires plus ou moins sonores.
Bourrades convergeant plus ou moins sur un moins grand que les autres, sur un plus chauve, sur un
moins éveillé.
Il finit par se demander s’il a bien fait de venir.
S’il ne va pas repartir très vite.
Quitter la vapeur pour la simple brume.

Un gobelet a eu un destin différent des autres.
Ramassé sur le ciment du bord d’écluse.
Sans subir le sort souhaitable :
le jet dans le grand sac noir scotché au pare-chocs arrière de la fourgonnette transporte-café.
A la place, d’autres sont jetés directement dans le canal.
Pas celui-là.
Amené jusqu’à l’une des corbeilles de fer à flanc de platane.
Bonne habitude d’un minimum d’enfants.
Les trop bien d’école.
Qui ne jouent pas aux lanières avec eux.
Mais les mordent jusqu’à la dentelle.
Fine comme brume.

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HARRY MARTINSON  1904-1978


APRÈS


Après la bataille de Heligoland
et après la bataille de Tsushima
la mer dissolvait les cadavres-épaves.
Les préparait avec ses acides secrets.
Laissait les albatros leur manger les yeux.
Et les reconduisait avec des sels dissolvants
lentement vers la mer
vers les eaux mères cambriennes
vers une tentative nouvelle


Heligoland – île allemande dans la mer du Nord, lieu d’une bataille navale en 1914 entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne
Tsushima – détroit japonais, lieu d’une bataille navale en 1905 entre le Japon et la Russie

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GELLE ISMAACIL MACALLIN – traduction du somalien : Mohamed Mohamed-Abdi


Vous Darood, sans vous laisser un instant de répit,
Si nous ne mettons pas le feu au sol jusque sous vos semelles
Si les milices aux longs cheveux tressés
Et les Mooryaan pilleurs ne vous capturent pas
Si le général Aïdid ne vous rattrape pas
Pour vous écraser sous son talon
Et si jusqu’à Gedo, nous ne broyons pas tout,
Et comme des grenouilles hors de leur étang,
Vous ne devez pas des squelettes faméliques,
Et si nous laissons une poignée d’entre vous survivre
Pour qu’une nouvelle génération germe,
Si vous ne devenez pas des sujets soumis
Rasant les murs des ruelles étroites de Mogadiscio
Alors nous ne sommes pas des Irir forts
Qui ont conquis l’espace qui leur est dû.

(1992)

Darood – le clan du président
Mooryaan – milices mercenaires pilleurs alliées au général Aïdid
Général Aïdid – chef de Somalia National Alliance, qui à renversé le régime de Siyad Barre
Gedo – région enclavée de Somalie
Irir – un des trois grands clans de Somalie (Darood, Saab, Irir)

In Apocalypse – Poèmes somalis, La vie  immédiate 4/5, Voix d’Encre

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          VICTOR HUGO (1802-1885)

CE QUE VOUS APPELEZ CIVILISATION

Ce que vous appelez civilisation dans votre obscur jargon :
Civilisation - du Gange à l'Orégon,
Des Andes au Thibet, du Nil aux Cordillères,
Comment l'entendez-vous, ô noires fourmilières ?
De toute terre interrogez l'écho.
Voyez Lima, Cuba, Sydney, San Francisco,
Melbourne. Vous croyez civiliser un monde
lorsque vous l'enfiévrez de quelque fièvre immonde,
Quand vous troublez ses lacs, miroirs d'un dieu secret,
Lorsque vous violez sa vierge, la forêt ;
Quand vous chassez du bois, de l'antre, du rivage
Votre frère naïf et sombre, le sauvage,
Cet enfant du soleil peint aux milles couleurs,
Espèce d'insensé des branches et des fleurs,
Et quand, jetant dehors cet Adam inutile,
Vous peuplez le désert d'un homme plus reptile,
Vautré dans la matière et la cupidité,
Dur, cynique, étalant une autre nudité,
Idolâtre du dieu dollar, fou qui palpite,
Non plus pour un soleil, mais pour une pépite,
Qui se dit libre, et montre au monde épouvanté
L'esclavage étonné servant la liberté !
Oui, vous dites : - Voyez, nous remplaçons ces brutes ;
Nos monceaux de palais chassent leurs tas de huttes ;
Dans la pleine lumière humaine nous voguons ;
Voyez nos docks, nos ports, nos steamers, nos wagons,
Nos théâtres, nos parcs, nos hôtels, nos carrosses !
Et vous vous contentez d'être autrement féroces.
Vous criez : Contemplez le progrès ! admirez !
Lorrsque vous remplissez ces champs, ces monts sacrés,
Cette vieille nature âpre, hautaine, intègre,
D'âmes cherchant de l'or, de chiens chassant au nègre,
Quand à l'homme lion succède l'homme ver,
Et quand le tomahawk fait place au revolver !

                                                               (Toute la Lyre, III, XX, 1854-1875)

https://anthologie-poesie-ecologie.fr.gd/Po%E8me-n%B06.htm

……………………….

GELI GRANDE 1954 -2022        Traduit par Nicole Sibille

FARANDÒLA
T’Aimarem …
T’Alenarem … t’Amistejarem … t’Amorejarem ..
T’Auvernhejarem …
 
Te Balarem … te Bastirem … te Bailinarem …
Te Cantarem …
Te Daufinejarem …
 
Te Direm …
T’Escalprarem … t’Escriurem … t’Estiflarem …
Te Farandolejarem … te Florirem …
Te Gasconejarem …
Te Guianejarem …
 
T’Imagenarem …
Te Jogarem …
Te Legirem …
Te Lemosinejarem …
Te Lengadocianejarem …
 
Te Manjarem … te Musicarem …
Te Nistonarem …
T’Ortolejarem …
Te Pararem … te Parlarem … te Pelirem …
Te Pintrarem …
Te Potonarem …
Te Provencejarem …
 
Te Rirem …
Te Sentirem … te Solelharem …
Te Somiarem …
Te Tastarem …
T’Ucarem …
Te Viurem …
Te Zonzonarem …
 
Occitània te volèm,
Te volèm bèla!
Occitània te farem,
Te farem bèla!
 
 
 
 
Gèli Grande
Ais de Provènça
3 de decembre de 1983
https://opinion.jornalet.com/geli-grande/blog/3820/farandola    

 

FARANDOLE

Nous t’aimerons…
Nous te humerons…nous t’embrasserons…. Te câlinerons…
Avec toi nous Auvergnerons

Nous te danserons…te bâtirons...te caresserons …
Te chanterons…
Avec toi nous Dauphinerons…

Nous te dirons…
Nous te sculpterons…nous t’écrirons…
Te siffloterons…
Nous te farandolerons…te fleurirons…
Nous te Gasconnerons…
Nous te Guyennerons…

Nous t’imaginerons…
Avec toi nous jouerons…
Nous te lirons…
Avec toi nous Limousinerons…
Avec toi nous Languedoquerons…

Nous te mangerons…en musique te mettrons …
Nous te cajolerons…te cultiverons …
Te décorerons…te parlerons…
Renaître te ferons…
Nous te peindrons…
Nous te poutounerons…
Nous te Provencerons…

Avec toi nous rirons…
Nous te sentirons…avec toi le soleil nous prendrons…
Nous te rêverons…te dégusterons…
Nous te hèlerons …
Te vivrons …
Te fredonnerons…

Occitanie nous te voulons
Belle nous te voulons
Occitanie nous te ferons
Belle nous te ferons !   

……………………………………

PIERRE ESPERBÉ (1938)

INTERDICTION
Par les cours d'eau, par les canaux, par les ruisseaux, par les tuyaux, par les égouts ; par tous les déversoirs... les infiltrations...
les pénétrations,
par toutes les vidanges
sur tout un littoral : plage, roches, sable, galets...
sur les espaces maritimes...
résidus, détersifs, anhydrides, chlore, soufre, naphte, carburants, miasmes, lèpres chimiques assassinent un soleil sur des rêves d'océan...
Tout meurt au coeur de chaque vague !

Qui est responsable ?
Le Directeur du combinat... le Conseil Supérieur de l'Institut Technique, le holding, le trust, le groupement d'intérêts ?
Qui ?... mais qui ?
Le Préfet Supérieur a pris des mesures !
Interdiction au Directeur du combinat de pourrir la mer ?
Non !
Interdiction au Conseil Supérieur de l'Institut Technique de salir la vague ?
Non ! Pas du tout !
Interdiction au holding, au trust, au groupement d'intérêts d'empoisonner les eaux ?
Mais non, vous n'y êtes pas !
INTERDICTION DE SE BAIGNER SOUS PEINE D'AMENDE !
               
                                                                                      (paru dans Elan, 1972)

https://anthologie-poesie-ecologie.fr.gd/Po%E8me-n%B06.htm

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MILOUD CHABANE  

On n'est pas que cousin
On est des êtres humains
On ne choisit pas son obédience
ça s'attrape dès l'enfance
Ce n'est pas une maladie
C'est quelque chose de transmis
la transmission en milieu clos
est un bateau qui manque d'eau
Laisse s'échouer les paquebots
et viens ramer sur mon radeau
juif musulman chrétien ou pas
nous sommes tout cela
On ne manque pas de torts
Il nous manque la raison
pas celle du plus fort
Celle qui montre le nord.

« Cousin » (extrait),
31 poèmes, Miloud Chabanne, p.31

…………………………….

AXODOM

TEMPS MORT EN SYRIE

Les proto-humains de l’enfer d’ici, on les dirait barbelés,
même la fenêtre au cadre clouté sent la salle de torture.

Personne n'est innocent... Personne n'est sourd... Tout le monde sait.
Tout le monde entend... Tout le monde attend... Sauf les morts. Délivrés.

Dieu ! DIEU ! N'importe où cachez-moi ! Je ne bouge plus... Filez !
Ne prenez pas de risques. Je suis bien dans ce jardin de fleurs noires.

Parfois sentiment d'être... deux. Des moitiés de moi-même, veule.
Plus une personne complète... Pas pourquoi. Avant j'étais une seule.

"Je" ne sais plus quelle est la vraie moitié de moi, celle qui a peur
ou celle qui se bat sans jamais demander l'heure ?

Ma moitié floue se cache dans des replis et des taches de poires blettes,
elle vibre sous les yeux fermés de ma moitié nue sous son squelette.

Tais-toi ! Ecoute et tends l’esprit admirable dans cette cave
on entend les chars comme si on voyait leurs mâchoires.

Ca vrille et chenille la peau de la ville, ça boit le chaud goudron rouge
des rues et tout l’esprit se brouille à cette musique d’obus.

La mine de plomb largue des mines et du plomb. J'en perds mes seins, mes poils hersent
l’envers de ma peau et des arrêtes complètes naviguent dans mes veines.

Pourtant on a eu une vie avec chat, une vie normalement douce
avec amour, enfants, gâteaux, chants et arbres et fraiche mousse.

C'était avant que nous vivions la main sur la bouche pour étouffer chaque seconde de peur,
et nous sommes devenus noir et blanc de malheur, rouges éphémères mouches.

Le soleil pour nous n'est plus jaune et brillant, les feuilles ne bruissent plus vertes
les arbres n'existent plus que comme vivent peu les ombres.

A quoi peut servir un corps qui ne peut plus sourire ? Dans quoi planter nos crocs si l'ombre
même est gluante ? Nos yeux sales jaunissent nos joues de chassie.

Nous n'osons même plus mettre des bébés dans nos ventres gonflés à cause des clous qui
les tapissent. C'est pourquoi nous respirons si peu.

On échappe peu à ses fantômes. Celui qu’on fut l’instant passé surveille
ceux que nous serons peut-être. Alors quoi ? Quoi ?? Une devinette.

« Je me fais violer tous les jours. Je serais plus beau avec moins de sang dans les cheveux.
J'avais une belle voix mais hurler enroue, ça m'a fait le chant douloureux.

Plus je continue de vivre et moins j'ai de mémoire. Qui suis-je ? »
Je suis le souffle coupé du temps mort, je suis le cessez-le-feu.

AxoDom

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SABINE AUSSENAC


Le Français est cocu, voilà son moindre mal

Le Français est cocu, voilà son moindre mal.
Car longtemps les puissants se gavèrent en son sein…
Le patron qui empoche, tel sinistre chacal,
Parachute doré quand l’usine demain

Fermera pour toujours son passé de richesses.
Le ministre qui dort, le sénateur gâteux,
Et tous ces politiques qui quémandent largesses
Devant peuple à genou, qui survit tel un gueux.

Le Français est cocu, il endosse en silence
Les insultes et les coups, tel un serf sous le joug.
Mais bientôt reviendront nos sourires et nos danses,

Quand les pavés fleuris feront tourner la roue.
Ce jour-là vos mensonges feront de vous lépreux:
Vous, les Puissants, périrez par le feu.


Je rêve d’une France qui leur rende parole

Les immeubles, grands oiseaux mazoutés, immobiles
Et terribles, leurs coursives éventrées dégueulant
Des bagarres. Murs verdâtres, couleur de bile.
Pourtant dans l’herbe rare on entend des enfants.

Dans la cité orpheline de vie, caïds
Et racaille font régner la terreur ; leur argent
Sale, seul rêve accessible. Même à l’Aïd
L’arrogance mafieuse peut pervertir les chants…

Trop souvent les foulards ont remplacé paillettes ;
Insultées, maltraitées, menacées et brimées,
Les jeunes filles en fleur se transforment, emmurées

Dans la prison de toile qui leur couvre la tête.
Silencieuses et soumises, elles iront à l’école.
Je rêve d’une France qui leur rende parole.

***
La grâce des frangipaniers

Bougainvillées noircies
en lagon irradié.
Un sous-marin ricane, les cocotiers
hués ont des airs de soubrettes.
Vacuité des vahinés
envahies. Dans l’île prostituée de la
République, le monoï ranci
suinte sur les peaux grasses de la
misère.
Gauguin tressaille et Brel
se meurt. Seule demeure la grâce des
frangipaniers.

***
Bouquet final

Le muguet au bois fou ce matin carillonne,
Ses clochettes enivrées qui bourdonnent et fredonnent,
Comme autant de rappels de nos luttes passées,
Fratricides et victoire contre l’ordre emmuré.

Les voilà qui défilent, ceux qui croient au lilas,
Klaxons gais et paroles en immense fracas,
Et l’on entend Jaurès marteler que les Grands
Ne devront plus jamais exploiter les perdants.

La sais-tu la beauté de ce Temps des cerises,
Lorsque de ville en ville barricades effrontées
Se levaient pour crier libertés insoumises ?

Garde au cœur la beauté de la rose au sang noir,
Qui au soir fraternel de la paix retrouvée
Fleurira sur les tombes de tous nos fols espoirs.

…………………………………

SVANTE SVAHNSTRÖM

Petite fée de la lame
dans un instant les grandes personnes
qui te protègent
qui savent et veulent ton bien
feront le nécessaire
Tu seras libérée des appétits jamais éprouvés
protégée des ravages de la peau désireuse  
C’est pour ton bien, tu t’en doutes
pour que tu sois une fée respectueuse responsable
Les mères sans joie te bénissent
les tantes sentinelles du rite t’entourent
Au loin veillent les sages
qui mesurent la menace que serait ta faim mûre
qui savent que peuple et famille sont sereins
quand ton maître peut s’épanouir librement
dans tes muqueuses sans écho
Et voilà tes cuisses de soie prises en main
par des phalanges de cuir
Les mères et les tantes fées flétries
toutes sectionnées par le fil
t’enserrent entre girons insensibles
C’est l’instant où l’éclat d’acier
mêlera sa pureté avec celle de ton sang
Et tu ne sais pas encore que la douleur de ce jour
sera le seul transport
qu’auront à connaître tes plis de femme
Tu ne sais pas mais tu as peur
Et j’ai peur avec toi petite fée


in Hocus Corpus 2009