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La montée des bienheureux vers l’empyrée - Jérôme Bosch (détail) |
AUTEURS
Saïd Benjelloun
Julien Bucci**
François Cheng ***
Edward Eastlin Cummings *
Khalil Gibran*****
Sandro Key-Åberg*****
Frédéric Mistral******
Pablo Neruda**
Arthur Rimbaud****
Svante Svahnström
En prose :
Nicole Sibille
Docteur Jacques Donard ***
Pierre Desproges **
Présenté par
*Didier Metenier
**Agnès Laplaze
***Catherine de Monpezat
****Nanou Auriol
***** Svante Svahnström
******Nicole Sibille
SAÏD BENJELLOUN
1. De la double paroi ne parvenaient la nuit que râles et fumée de poumons brûlés silence de morts . . . . . . . . . . . . au réveil me parvient le chant gai d'un homme qui prend son bain
2 . Dans les hauts du village à ciel ouvert au soleil un sourire en fleur s'est endormi
Un peu plus loin sur la place un autre sourire s'éveille antique douceur tendresse éternelle
les cloches du matin les caressent de l'éphémère de leurs ailes
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1 من وراء حائطين لا يسمع ليلا سوى حشرجات ودخان حريق رئتين صمت أموات . . . . . . . . . . . عند الاستيقاظ يصلني ابتهاج غناء رجل يغتسل
2 في أعالي القرية في الهواء الطلق تحت الشمس غفت ابتسامة متفتحة
غير بعيد في الساحة ابتسامة أخرى استيقظت حلاوة عتيقة حنان خالد أجراس الصبح تداعبها بعابر أجنحتها
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JULIEN BUCCI
« à chaque appel
nous répétons de concert
nos absences
pas à pas
nos silences
s’amplifient
chaque mot résonne
dans le vide à venir
et le vide avant lui
plus de récit
plus de phrases
nos mot se raréfient
nous revenons à la parole première
nous bredouillons des sons
borborygmes
syllabes
babilles
b b
il n’y a plus de mots
nous fermons notre bouche
et les mots vibrent encore
à la place du silence
in Prends ces mots pour tenir
Edition la Boucherie Littéraire
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FRANÇOIS CHENG
En attente
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EDWARD EASTLIN CUMMINGS
Les poèmes d'Edward Estlin Cummings présentent un formidable défi pour qui veut les traduire. Didier Metenier a osé relever ce défi. Voici sa première approche. (SS)
one's not half two. It's two are halves of one : |
Un n'est pas moitié de deux. Mais ce sont bien |
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KHALIL GIBRAN
Le prophète (extrait) traduction par Jean-Pierre Dahdah
Alors Al-Mitra reprit la parole, en disant : « A présent nous aimerions t’interroger sur la Mort ».
Et il répondit :
» Vous voudriez percer le secret de la mort,
Mais comment y parvenir sans aller le chercher au cœur de la vie ?
Le hibou qui vit à l’orée de la nuit est aveugle au jour; ses yeux ne peuvent dévoiler le mystère de la lumière.
Si vous brûlez de voir l’esprit de la mort, ouvrez grand votre cœur dans le corps de la vie.
Car la vie et la mort ne font qu’un, comme ne font qu’un la rivière et la mer.
Dans les profondeurs de vos espoirs et de vos désirs sommeille votre silencieuse connaissance de l’au-delà ;
De même que la semence rêve sous la neige, votre cœur rêve des épousailles du printemps.
Ayez confiance en vos rêves, car en eux sont cachées les clés de l’éternité.
Votre effroi face à la mort n’est que ce tremblement du berger lorsque le roi lui fait l’honneur de le recevoir et s’apprête à poser sa main sur sa tête.
Or, en allant recevoir l’insigne du roi, le berger ne sait-il pas qu’un frison de joie s’éveille déjà sous sa frayeur ?
Et pourtant n’est-il pas encore plus conscient de sa peur ?
Qu’est-ce donc que mourir, si ce n’est s’offrir nu au vent et s’évaporer au soleil ?
Et cesser de respirer, n’est-ce pas libérer le souffle de ses perpétuelles marées, afin de s’élever sans le poids de la chair et de s’exhaler à la recherche de Dieu ?
Quand vous aurez bu à la rivière du silence, alors seulement vous pourrez véritablement chanter.
Et lorsque vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez à monter.
Et dès lors que la terre aura réclamé votre corps, vous saurez enfin danser ».
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SANDRO KEY-ÅBERG suédois 1922-1991 traduction Svante Svahnström
Combien dense et replet
de vies occupées à manger
combien plein à craquer
de corpuscules florissants ne suis-je
dans chaque recoin de
ce paysage merveilleux
et nourrissant
rampent d’intrépides
vies friandes
Faim furieuse
d’un été heureux
et gourmand
qui se réchauffe en mangeant
Ah quelle joie
j’apporte
un vaste moment
de repas ininterrompu
de béatitude diffusée
à travers moi
Tout vise bonheur
et bien-être
détritus et déjections
et les nombreux
cadavres luisants
Des morts
n’émane que joie
tant nombreux et
joyeux lits de mort
Être rongé me nourrit
Je vis d’instants de trépas
Quel délice d’être dévoré
d’être un
vivant buffet scandinave
de s’écouler comme des petits pains
Ah comme je verdoie fécond
exalté et fiévreux
sous le radieux
appétit doré
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FRÉDÉRIC MISTRAL
Mirèio (Cant XII, extrachs) Frédéric Mistral Ageinouia, soun tèndre amaire, |
Mireille (Chant XII, extraits) |
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PABLO NERUDA
En attente
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ARTHUR RIMBAUD
C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
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SVANTE SVAHNSTRÖM
Dans un terminus voisin
où s’arrêtent les soldats du plus Grand
attendent pour chacun des dizaines de vierges
Mais d’où viennent les vierges
et où vont les femmes portées en tombe ?
« Les femmes quittent leur sépulture
se font immaculer et s’offrent pures à la détente des combattants »
affirme l’ami se disant informé sur les jardins ultimes.
La même source précise l’avenir des innocentes fraîchement consommées :
« Tu les niques et demain elles sont vierges à nouveau »
Ainsi parmi les paradis s’en trouvent de dynamiques
et d’autres bien plus calmes
où l’ennui serein évangélique se veut félicité.
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NICOLE SIBILLE
Á Léo
Depuis un peu plus de 3 ans, tu es parmi nous, chère petite Léo ; nous t’avons tous accueillie avec une très grande joie et, assez vite, nous avons compris que ton destin était de te battre contre une vraie difficulté et tu t’es bien battue parce que tu avais une folle envie de vivre.
Nous, nous avons essayé de t’aider, ce « nous », c’est bien sûr et d’abord tes parents, Corinne et Freddy, tes mamies et papis, Sylvette, Jean-Claude, Michelle, Marie aussi.
Ces 3 années de combat acharné, ponctuées de départs précipités pour l’hôpital, d’attentes anxieuses de résultats d’examens, de nombreux dispositifs médicaux sans doute bien difficiles à supporter, ont été suivies d’une dernière et douloureuse épreuve, attendue pourtant, mais cette fois, loin de chez nous, dans cet hôpital de la dernière chance, au Kremlin-Bicêtre, ta force de vivre n’a pas eu le dessus.
Aujourd’hui, tu n’es plus la petite fille qui mobilisait toutes les forces de son corps pour affronter les épreuves mais un petit ange voletant autour de nous pour nous dire que tu es maintenant en paix, délestée pour toujours des souffrances et des tourments passés, qu’il ne faut plus s’inquiéter pour toi et qu’il faut prendre soin de nous.
Alors, comme toi, nous allons essayer de dépasser toutes ces difficultés vécues pour continuer notre chemin sur cette terre en nous souvenant pour toujours de tes beaux cheveux bouclés, de ton regard et de ton sourire un peu narquois, de tes éclats de rire, de tes bisous si affectueux, de tes roulades dans l’herbe et de tant de moments heureux partagés avec toi.
Nous te disons :
Merci Léo pour ces 3 années d’amour.
Petit ange, aide-nous à comprendre tout ce qu’elles nous ont apporté et qui ne sera jamais perdu.
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JACQUES DONARD
En attente
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PIERRE DESPROGES
Un bon voisin est un voisin mort.
Diogène
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Quand les Pachas dorment,
Les pachis derment
Annie Balle
….
Le temps tue le temps comme il peut
Georges Brassens
….
« La vie est dure, les temps sont mous, et l’extrême indigence de la cinémathèque, mes biens chers frères, m’a contraint, pour tuer le temps, à aller aujourd’hui à la messe pour y cherche la paix de l’âme et la sérénité.
Hélas, dans la fraîcheur ouatée de la cathédrale, Dieu ne m’est pas apparu parmi la cohorte bigoteuse des batraciennes et des batraciens de bénitier qui éructaient sans croire les psaumes arides de leur foi moribonde avant de retourner se vautrer devant l’école des fans pour oublier les enfants du tiers-monde.
Alors j’ai pensé que Dieu était encore mort, ou qu’il avait baissé les bras, et je me suis dit que si j’étais lui, ça ne se passerait pas comme ça.
….
Une chose est certaine. Si j’étais Dieu et si je devais créer la terre, je m’y prendrais tout autrement. J’abolirais la mort et Tino Rossi.
…
En ce qui concerne l’abolition de la mort, elle m’apparaît à l’évidence comme une réforme de première urgence, dans la mesure où la plupart des humains renâclent farouchement à la seule idée de quitter ce bas monde, même quand leur femme les trompe à l’extérieur et les métastases les bouffent de l’intérieur. J’irai même jusqu’à dire que c’est sa mortalité qui constitue la grande faiblesse du genre humain. Un beau jour on entame une partie de pétanque avec les copains, sous les platanes bruissants d’étourneaux, l’air sent l’herbe chaude et l’anis, et les enfants jouent nus, et la nuit sera gaie, avec de l’amour et des guitares, et voici que tu te baisses pour ajuster ton tir, et clac, cette artère à la con te pète sous la tempe et tu meurs en bermuda. Et c’est là mon frère que je te pose la question ? à qui est le point ?
…
Si j’étais Dieu, je ferais croire que j’existe par le biais de maintes manifestations époustouflantes de ma grandiose omniprésence. Par exemple, je m’immiscerais épisodiquement au cœur des conflits armés où j’adoucirais la même sauvagerie des corps à corps en transformant soudain les baïonnettes en pieds de rhubarbe, dont la teneur en vitamines C et B1 n’est plus à vanter.
… »
in Vivons heureux en attendant la mort
Editions du Seuil