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Nature morte au verre de vin - Émile Othon Friesz
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AUTEURS
Abou Noues *
Apollinaire **
Nanou Auriol
Charles Baudelaire ***
Saïd Benjelloun
Joan Bodon *********
Lise Durand *****
Khalil Gibran *********
Peire Godolin *****
Ossip Mandelstam ******
Didier Metenier
Mohand ********
Catherine de Monpezat
Hentri de Monpezat *****
Émille Nelligan ****
Pablo Neruda ***
Casimir Prat
Svante Svahnström
Présenté par:
Saïd Benjelloun *
Didier Metenier **
Casimir Prat ***
Catherine de Monpezat ***
Agnès Laplaze ****
Nanou Auriol *****
Nicole/Jean Sibille ******
Vincent Calvet *******
Francis Pornon ********
Svante Svahnström *********
ABU NOUES
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APOLLINAIRE
Nuit rhénane
Mon verre est plein d'un vin tremblant comme une flamme
Ecoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lule sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds.
Debout, chantez plus fort en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile. aux nattes repliées.
Le Rhin, le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux longs qui enchantent l'été.
Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire.
Alcools, 1913
Notons bien qu'il manque le dernier vers qui a dû voler en éclats... un
peu comme le verre qu'il tenait à la main de façon assez tremblotante :
ce "vin tremblant comme une flamme" ... un vin dès lors perçu comme la flamme vacillante d'une bougie!! / DM
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NANOU AURIOL
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CHARLES BAUDELAIRE
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SAîD BENJELLOUN
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JOAN BODON
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VINCENT CALVET
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LISE DURAND
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KHALIL GIBRAN
LE PROPHÈTE
Alors un vieil homme, tenancier d’une auberge,
dit : “Parle-nous du Manger et du Boire”.
Et il répondit :
“Si seulement vous pouviez vivre
des senteurs de la terre,
et telle une plante vous
sustenter de lumière.
Mais comme vous devez tuer pour manger,
et ravir au nouveau-né le lait de sa mère
pour étancher votre soif,
faites-en donc un acte de dévotion,
Et que votre table soit un autel sur lequel le pur
et l’innocent de la forêt et de la plaine
sont sacrifiés pour ce qui est encore plus pur
et plus innocent en l’homme.
Lorsque vous tuez une bête,
dites-lui en votre coeur :
“Par la même puissance qui t’immole,
je serai immolé ;
et moi aussi je serai avalé.
Car la loi qui t’a livrée à moi me remettra
entre des mains plus puissantes.
Ton sang et mon sang
ne sont rien d’autre que la sève
qui nourrit l’arbre céleste”.
Et lorsque vous croquez une pomme,
apaisez ses morsures par ces murmures de votre coeur :
“Ta chair vivra dans mon corps,
et les bourgeons de tes lendemains
fleuriront dans mon coeur,
ton effluve sera mon souffle,
et ensemble nous nous réjouiront
dans la ronde des saisons”.
A l’automne, quand vous cueillez
le raisin de vos vignes pour le pressoir,
dites dans votre coeur :
“Moi aussi, je suis une vigne
et mon fruit sera cueilli pour le pressoir,
et pareil au vin nouveau je serai gardé
dans d’éternelles jarres.”
Et en hiver, lorsque vous tirez le vin,
que s’élève en votre coeur un chant pour chaque verre ;
Et que résonne dans chaque note
une pensée pour les jours des vendanges,
pour la vigne, et pour le pressoir.”
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PEIRE GODOLIN
Autra cançon de taula
Aquò’s de tot se rabir De forrupar fòrça vin ; Les flacs e marfondits No’n prenen que dos dits
Qui sap s’aqueste vin doman s’acabarà O se s’escaudurarà ? Begam doncas tot uèi en rostolant le veire (1) Qu’anuèit avèm troneire.
En despitant de la uèit Jamai non pèqui lo lièit ; Als confinhs les plus trums Èi les uèlhs totis lums.
Le quart e les tres uchaus (2) Me convidan al repaus ; Tanben la sòm me pren Dinquia que le jorn ven
De penche non me cal pas Ni de tenir le pel ras ; Le monard qu’es aquí M’espiuga le bequin (3)
Damb un parrabast pel sòl Non me chauti de lençòl, E puèi tot alongat N’ausi ni rat ni gat.
Pèire Godolin (1580-1649)
Cansoneta
Tu m’as tractat uèi, Camarada ; Grandmercés, que plaser m’as fait ; Mès non me dones plus de lait Sonque d’aquela que m’agrada, (4) Damb que fan chauchòlas al grilh E que se mols per un dosilh.
Qui me fa servir la troëta, Le lop, la sòla, le salmon, Satisfa pauc a mon umor Se n’èi doas sardas de groleta (5) Que, sense còrda ni polin, (6) Me fan enchaiar fòrça vin. (7)
A part, lampresas e lauquetas ! Le gai sauret fa per nosaus ; Non li tiram pas les denauts, Si fasèm ben las agulhetas ; (8) A peçugs ne fasèm gentet Dinquia que vudam le quartet. (9)
Pèire Godolin (1580-1649)
7 Par métonymie, le vins en
chai correspond à celui que boit le maître de maison.
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Autre chanson de table
Voilà mon ravissement Siroter beaucoup de vin ; Faibles et morfondus N’en prennent que deux doigts.
Qui sait si notre vin demain s’achèvera Ou bien s’il tournera ? Buvons tout aujourd’hui, tenons le verre plein Ce soir l’orage éclate.
En dépit de la nuit noire Je retrouve bien mon lit ; Dans les coins les plus sombres Mes yeux sont des lampions.
La chopine et le cruchon M’ont invité au repos ; Aussi le sommeil me prend Jusqu’au lever du soleil.
Le peigne, je n’en veux pas, Ni couper mes cheveux ras ; L’ivresse qui m’acompagne Épucera mon bonnet.
Patatras ! tombé du lit, Peu m’importe avoir des draps, Étendu de tout mon long Je n’entends ni rat ni chat
Pierre Goudouli (1580-1649) 3 Image d’Épinal du singe
épuçant un autre singe. Ici, le monard est le singe, symbole de la monina,
l’ivresse dure. ............................ Chansonette
Tu m’as régalé, Camarade ; Grand merci, tu m’as fait plaisir ; Mais ne me donne plus de lait Si ce n’est celui qui me plait, Dont on fait la soupe aux grillons Et que l’on trait au robinet.
Qui me sert à table la truite, Le loup, la sole, le saumon Satisfait très peu ma passion ; Je veux deux sardines salées Qui, sans la corde et le traineau Me font encaver bien du vin
Je ne veux ni lamproies ni loches ! Le hareng saur nous va très bien ; Nous n’ôtons pas ses hauts-de-chausses, Mais prélevons les aiguillettes ; Par pincées nous les dégustons Jusqu’à épuiser le cruchon.
Pierre Goudouli (1580-1649)
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OSSIP MANDELSTAM
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DIDIER METENIER
ainsi disait grand-mère :
(in vino veritas)
« Le vin est une nourriture...
donnez-moi-z-en un doigt... »
voilà paroles sages
car qui sait vivre boit
et qui boira
verra !!!
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MOHAND
Maintenant, car c'était écrit dans mon destin
Je subis la misère, la boisson
Mais à qui me blame Dieu enverra les mêmes maux
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CATHERINE DE MONPEZAT
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HENRI DE MONPEZAT
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ÉMILE NELLIGAN
La romance du vin
Tout se mêle en un vif éclat de gaîté verte.
Ô le beau soir de mai ! Tous les oiseaux en chœur,
Ainsi que les espoirs naguères à mon cœur,
Modulent leur prélude à ma croisée ouverte.
Ô le beau soir de mai ! le joyeux soir de mai !
Un orgue au loin éclate en froides mélopées ;
Et les rayons, ainsi que de pourpres épées,
Percent le cœur du jour qui se meurt parfumé.
Je suis gai ! je suis gai ! Dans le cristal qui chante,
Verse, verse le vin ! verse encore et toujours,
Que je puisse oublier la tristesse des jours,
Dans le dédain que j’ai de la foule méchante !
Je suis gai ! je suis gai ! Vive le vin et l’Art !...
J’ai le rêve de faire aussi des vers célèbres,
Des vers qui gémiront les musiques funèbres
Des vents d’automne au loin passant dans le brouillard.
C’est le règne du rire amer et de la rage
De se savoir poète et l’objet du mépris,
De se savoir un cœur et de n’être compris
Que par le clair de lune et les grands soirs d’orage !
Femmes ! je bois à vous qui riez du chemin
Où l’Idéal m’appelle en ouvrant ses bras roses ;
Je bois à vous surtout, hommes aux fronts moroses
Qui dédaignez ma vie et repoussez ma main !
Pendant que tout l’azur s’étoile dans la gloire,
Et qu’un hymne s’entonne au renouveau doré,
Sur le jour expirant je n’ai donc pas pleuré,
Moi qui marche à tâtons dans ma jeunesse noire !
Je suis gai ! je suis gai ! Vive le soir de mai !
Je suis follement gai, sans être pourtant ivre !...
Serait-ce que je suis enfin heureux de vivre ;
Enfin mon cœur est-il guéri d’avoir aimé ?
Les cloches ont chanté ; le vent du soir odore...
Et pendant que le vin ruisselle à joyeux flots,
Je suis si gai, si gai, dans mon rire sonore,
Oh ! si gai, que j’ai peur d’éclater en sanglots !
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CASIMIR PRAT
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PAUL VERLAINE
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SVANTE SVAHNSTRÖM
Même quand il pleut
les mains sont partout
escaladent les collines
suivent les sillons des vallées
parcourent des pelouses privées
palpent avec doigté les pellicules
Le bec mordillant du sécateur les seconde
La terre est chair en alerte
Les pieds s’exercent au surplace
paradent au soleil par myriades impavides
vers l’eau qui coule entre côtes
où les terrasses se bombent en thorax
Les ampoules sont charnues et sucrées sous l’uniforme vert
Revient la saison du rite
On attend la scarification d’automne
la lame qui libère du poids des pulpes opulentes
Rien ne se perd
et les gouttes onctueuses se recueillent sous pression
La chair est terre en attente
La bouche est un lac fermenté
où se mirent les cirrus en voyage
Sous l’empire des tannins
les mains et l’homme sont sans retenue
et l’ivresse inonde le désir
Les coteaux palpitent
Dans les vallées s’annonce la crue
et les rivières sont blanches
les rivières sont rouges
Près de l’homme la femme est vigne
La terre est pulsion
Le vin entend la chair