dimanche 22 décembre 2024

Corporel

 

Sculptures obèses - Mu Boyan



AUTEURS

Elisabeth Aragon*
Thibaut Bois
e.e.cummings **
Lise Durand
Jean de la Fontaine***
John Keats****
Didier Metenier
Marina Mariotti
Benjamin Péret*****
Théo Plantefol
Caterina Ramonda******
Arthur Rimbaud******
Svante Svahnström

Présenté par :
Catherine de Monpezat*
Didier Metenier**
Thibaut Bois***
Nanou Auriol****
Théo Plantefol*****
Nicole Sibille******




ELISABETH ARAGON

……………….

THIBAUT BOIS

Le Paon et le Chêne
 
Grandir, pousser, tendre vers la croissance
C'est éprouver sous le soleil, l'existence.
Parfaite donc pour la vie d'un arbre,
Perdant à l'hiver pour retrouver au printemps,
La splendeur de son être n'était pas de marbre,
Et faisait ombrage à la roue du Paon.
Ce que le Chêne délaisse, l'oiseau le conserve,
Sans que son plumage,
N'atteigne l'éclat du feuillage
Du roi des forêts. Faites que l'on préserve
Le corps des tourments de l'envie,
De ce péché, de ces maux de l'esprit.
Le séduisant volatile guida ses serres
À ciseler ses parures qu'à la saison nouvelle,
Jusqu'à la dernière toutes se renouvellent.
Il ne vit plus de saison, mais un dernier hiver
Exposé à la faveurs des froids assassins,
Laissant le Chêne seul, quand le printemps revint.
 
Tout esprit qui, à la folie, se livre
Entraîne son corps à le suivre.

……………..
e.e.cummings

Traduction Didier Metenier/Svante Svahnström

 spring ! may-
everywhere's here
(with a low high low
and the bird on the bough)
how ? why
- we never know
(so kiss me) my sweet eagerly my
most dear

# 98 (extrait), Selected Poems, e.e.c.

  .......

as lovers a
chieve oneness) each
othering
              Selves i

#      , 73 Poems, e.e.c.

 ..............

the  great advantage of being alive
(instead of undying) is not so much
that mind no more can disprove than disprove
the great (my darling) happens to be
that love are in we, that love are in we

and here is a secret they never will share
for whom create is less than have
or one times one (is less) than when times where-
that we are in love, that we are in love ;
with us they've nothing times nothing to do
(for love are in we am i are in you)

# 77 (extract), Selected Poems, e.e.c.

printemps! mai-
partout c'est ici
(avec un bas haut bas
et l'oiseau sur la branche)
comment ? pourquoi
- nous ne savons jamais
(alors embrasse-moi) ma tendre passionnément ma
très chère

.................. 

 

  ainsi qu'à l'un
icité parviennent les amoureux) l'un-l'autrejant
                    Eux-mêmes  je

 

........... 

le grand avantage d'être vivant
(au lieu d'inmourir) ce n'est pas tant
que l'esprit ne sait plus infirmer qu’infirmer
le subime (ma chérie) est le fait
qu'amoureux sommes nous, qu'amoureux sommes nous 

et voici un secret qu'ils ne partageront jamais
pour qui créer est moins que posséder
ou une fois une (est moins) que quand fois où-
que nous sommes amoureux, que nous sommes amoureux ;
de nous ils n'en ont rien fois rien à faire
(car amoureux sommes-nous
suis-je sommes es-tu)


……………………………….

LISE DURAND

Je vais mourir bientôt
Je le sais, je le sens
Car je n'ai plus vingt ans
Et pourtant je voudrais
Vivre éternellement.
Le bonheur qui me porte
La mort l'emportera
Et je le voudrais pas
Mais personne n’échappe
A cette dure loi.
Je vais mourir bientôt
Demain ou dans dix ans
Je sais qu'elle m'attend...
                                           
                           Toulouse le 9 novembre 2024
…………..

Je suis un tout
Corps et esprit
Corps et âme
Ils ne font qu'un
Et quand je te dis
Mon bras ma tête
L'esprit sait
Que je suis bête
Et qu'ils ne sont
Pas à moi.
Le corps, la chair
La viande, la parole,
Les émotions
Les sentiments
Mais pas ces "nos"
Qui nient le tout
Car ce tout  
Nous le sommes
Malgré tout...
                                             
                        Toulouse le 17 novembre 2024
…………………………..

Y a-t-il quelque chose
Que j'aurais dû faire
Et que j’ai pas fait.
Y a-t-il quelque chose
Que j'aurais dû dire
Et que j’ai pas dit.
Y a-t-il quelque chose
Que j'aurais dû écrire
Et que j'ai pas écrit.
Y a-t-il quelque chose
Qui encore crie.
Non il n'y a rien
Plus rien, plus rien
Plus rien à faire
Plus rien à dire
Plus rien à écrire
Plus rien qui crie.
La paix est
Ce quelque chose
Qui mélange
Corps et esprit.

                         Toulouse le 6 décembre 2024

…………………….

JEAN DE LA FONTAINE

Je devais par la Royauté
Avoir commencé mon Ouvrage.
À la voir d'un certain côté,
Messer Gaster en est l'image.
S'il a quelque besoin, tout le corps s'en ressent.
De travailler pour lui les membres se lassant,
Chacun d'eux résolut de vivre en Gentilhomme,
Sans rien faire, alléguant l'exemple de Gaster.
Il faudrait, disaient-ils, sans nous qu'il vécût d'air.
Nous suons, nous peinons, comme bêtes de somme.
Et pour qui ? Pour lui seul ; nous n'en profitons pas :
Notre soin n'aboutit qu'à fournir ses repas.
Chommons, c'est un métier qu'il veut nous faire apprendre.
Ainsi dit, ainsi fait. Les mains cessent de prendre,
Les bras d'agir, les jambes de marcher.
Tous dirent à Gaster qu'il en allât chercher.
Ce leur fut une erreur dont ils se repentirent.
Bientôt les pauvres gens tombèrent en langueur ;
Il ne se forma plus de nouveau sang au cœur :
Chaque membre en souffrit, les forces se perdirent.
Par ce moyen, les mutins virent
Que celui qu'ils croyaient oisif et paresseux,
À l'intérêt commun contribuait plus qu'eux.
Ceci peut s'appliquer à la grandeur Royale.
Elle reçoit et donne, et la chose est égale.
Tout travaille pour elle, et réciproquement
Tout tire d'elle l'aliment.
Elle fait subsister l'artisan de ses peines,
Enrichit le Marchand, gage le Magistrat,
Maintient le Laboureur, donne paie au soldat,
Distribue en cent lieux ses grâces souveraines,
Entretient seule tout l'État.
Ménénius le sut bien dire.
La Commune s'allait séparer du Sénat.
Les mécontents disaient qu'il avait tout l'Empire,
Le pouvoir, les trésors, l'honneur, la dignité ;
Au lieu que tout le mal était de leur côté,
Les tributs, les impôts, les fatigues de guerre.
Le peuple hors des murs était déjà posté,
La plupart s'en allaient chercher une autre terre,
Quand Ménénius leur fit voir
Qu'ils étaient aux membres semblables,
Et par cet apologue, insigne entre les Fables,
Les ramena dans leur devoir.

Les Membres et l'Estomac (Livre III, 2) (1668)

…………………….

JOHN KEATS

………………………

MARINA MARIOTTI

Qui es-tu ?
Qui es-tu ?
Puisque tu n’es pas celui que tu sembles être ?
Comment puis-je tour à tour t’aimer et te hair
Comme si tu étais un autre que moi même ?

Tu es l’éclat du jour au firmament
Celui qui m’a montré le chemin des délices
Par toi est venue  la volupté.
J’ai appris de toi la fragilité de la beauté
 Et la délicatesse de la grâce.
Les  caresses frémissantes
Et le doux feu de la tendresse.

Tu m’as fait sentir la puissance incommensurable du vivant
Sauvage, intense et mystérieux.
Tu m’as chuchoté à l’oreille de chercher au delà du temps
Pour te découvrir Porteur de toutes les mémoires humaines .

J’ai connu par toi
Le bruit assourdissant de la douleur
Qui annonce le jaillissement de la vie,
Le cri de l’amour déchiré
Avant l’ étonnement du recommencement.

Tu es l’ombre annonçant les ténèbres
La trahison du temps
L’ami qui m’accompagne jusqu’aux derniers instants
Celui ,sans lequel je ne suis.....      qu’absence.
    
2024

…….

 Les mains
  
Longues ,courtes ,fines,épaisses ... Qu’importe ;

Elles sont cette partie de nous qui oeuvre à nous dire.

Courageuses,  dans l’eau glacée des rivières
Elles rincent le linge épais des lavandières.
Patientes, elles heurtent ,cisèlent et façonnent
La  dentelle de roche dure ,
Celle qui naît des gestes ancestraux du tailleur de pierre.
Aimantes,elles donnent la caresse qui ranime le sourire  
De l’enfant blessé .
Virtuoses,  elles sonnent et tourbillonnent sur le clavier
 transportant l’âme errante des êtres perdus
Pour enfin les apaiser .

Les mains  disent sans parole ce qui ne peut être entendu.

Elles portent la violence, la tendresse et l’amour.
Rouges elles sont, tachées par le sang de l’innocence et de l absurde
Blanches elles deviennent, par le poing serré hurlant à l’injustice
Roses elles dansent et virevoltent clamant la joie
 En  se parant de délicates pierres de lune.

Les mains nous racontent plus que notre visage
.
Les premières, Elles  accouchent le corps de l’enfant qui parait.
Les dernières, Elles accouchent les âmes fermant les yeux de celui qui part
pour le mystérieux voyage.

Toujours par deux pour répondre à la complexité de la vie.    2
Multiples,elles se serrent  en une ronde rapide
dire la joie de n’être pas seul au monde.
Les mains  s’ouvrent accueillant la douce chaleur de l’être aimé
Elles se tendent pour demander l’aide d’un autre... incertain
 Sentir une dernière fois le vent glisser entre les doigts
 avant le vide de celui qui disparaît.
Les mains..
Mes mains...
Merci

2024

…………………….

DIDIER METENIER


car telle est la règle
              véritable
              de l'attirance et du
              hors-je
                            
              plus près de Toi...

              plus près du moi!!!



……………………

THEO PLANTEFOL


…………………………….

BENJAMIN PÉRET

……………………

CATERINA RAMONDA

Sentir que l’autre

Sentir que l’autre es l’araire
que esclapa la pèl,
que duèrb la carn e
que l’emplìs de lutz.
Que la duèrb a l’esluci del gaubi.



PARAULAS DE HEMNAS
Coordinacion : Paulina KAMAKINE

Sentir que l’autre

Sentir que l’autre est l’araire
qui fend la peau
qui ouvre la chair et
l’inonde de lumière.
Qui l’ouvre à l’éclair de la joie.

……………………

ARTHUR RIMBAUD

OPHELIE

Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles…
On entend dans les bois lointains des hallalis.
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir ;
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.
Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s’inclinent les roseaux.
Les nénuphars froissés soupirent autour d’elle ;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d’où s’échappe un petit frisson d’aile :
Un chant mystérieux tombe des astres d’or.

…………………..

SVANTE SVAHNSTRÖM

Haïkus en français et suédois

 Kroppen är världen
Omslagspapper åt själen
kedjad vid dess fot
........

Är mina ögon
strålkastare...reflexer
på själens päls?    

 Le corps est le monde
Papier d’emballage de l’âme
scellé à son pied
........

Mes yeux sont-ils donc
des projecteurs… des reflets
sur la fourrure de l’âme ?

 

...........

Comme si le français et le suédois étaient des langues proches :

Sous un crâne poli
     Under ett polerat kranium
dans les corridors du nez
     i näsans korridorer
conspirent les nécrophiles du nirvana et les rebelles du miracle
     konspirerar nirvanas nekrofiler och miraklets rebeller
Un squelette fébrile imite un palmier
     Ett febrilt skelett imiterar en palm
Eruption de plantes de muscles orgasmiques
     Eruption av plantor ur orgasmiska muskler

Certes la dent est stable mais
     Visst är tanden stabil men
quand les inquisiteurs de l’immanence torturent des nerfs mutinés
     när immanensens inkvisitorer torterar nerver i myteri
observez l’exégèse exploser dans l’émail
     obsevera hur exegesen exploderar i emaljen
et notez l’émulsion du dogme dans la salive
     och notera dogmens emulsion i saliven
Sur des lèvres de parchemin paradent hymne et psaume
     På  läppar av pergament paraderar hymn och psalm
D’oreille à oreille la bataille mobilise
     Från öra till öra mobiliserar bataljen  
réincarnation et apocalypse
     reinkarnation och apokalyps

Vers la nuque converge l’extase en subtiles nuances
     Mot nacken konvergerar extasen i subtila nyanser
Magie et fatalisme
     Magi och fatalism
Stigmate et flegme sont l’évangile du corps
     Stigma och flegma är kroppens evangelium
Un corps est un gymnaste en confrontation avec de cosmiques intrigues
     En kropp är en gymnast i konfrontation med kosmiska intriger
La prestation du poète est une intime acrobatie
     Poetens prestation är intim akrobatik

jeudi 28 novembre 2024

L'AMOUR COURTOIS


L'amour dans les romans arthuriens | BnF Essentiels
Lancelot quittant Guenièvre pour la Quête du Graal


AUTEURS

Nanou Auriol
Franc Bardòu
Chandidâs ***
e.e.cummings *
Lise Durand
Elias d’Ussel *
Gui d’Ussel **
Didier Metenier
Francis Pornon
Jaufre Rudel **
Sergueï Wolkonsky
Svante Svahnström

Présenté par :
Didier Metenier *
Jean Sibille **
Svante Svahnström ***





NANOU AURIOL

………………………………..

FRANC BARDÒU

OCTINA

« Mon cor e mi e mas bonas chanssos
e tot qant sai d’avinen dir e far,
conosc q’ieu teing, bona dòmna de vos… »

Gaucelm Faidit
in Mon cor e mi e mas bonas chanssos

I

Octina de la calamida

La mar, qu’a tu ja me pòrta,
suls flòts m’aviá sailat de la sia lenga.
Ne m’a balhat l’escruma fèra e fòrta
que mòu mai luènh, fins a tu, ma votz canda.
De còr afric, tot un asuèlh te conta
per que son vam que me ten lèu te tenga.
Fada a la font, tot çò que soi te canta
çò de qu’Amor, en t’amant, tu, me monda.

Car lo cèl tot ja se monda
davant ton pas, quand s’alanda la pòrta
de çò real. Cada mot de ma lenga
dins lo trelús de ta gràcia te canta
cada fremir de ta pèl doça e canda.
Sus la mar granda, orvari d’èrsa fòrta,
e mai a pena encara ma nau tenga,
la calamida a tu ma via conta.

Qu’aquesta via siá’l conte
del long periple entre’l fólzer que monda
e lo grand Cèrç qu’englanda tota pòrta,
per acostar Amor, ont que se tenga.
Entre escrumèra ont la balena canta,
ont la serena enfaitilha sa lenga,
dirai ma fe en tu, cossí ven fòrta
e per quina art fa ma cançon mai canda.

Remontant la pluèja canda,
a cada gras qu’i escultarà lo conte,
vèrs pausarai, dins l’aurassa que monda
tota illusion, la mai crana o mai fòrta,
per acercar lo maratge, ont que’s tenga,
d’ont partirà lo camin que me pòrta
davant ta font. Al solelh de ma lenga
dirai l’Amor de tu, cossí se canta.

Medrai d’Amor tota canta,
tre que mon còr beurà ta cara canda.
L’isla esconduda ont lo riu que se conta,
tot a ta man, cossí grelha la lenga
d’Amor coral, farà venir mai fòrta
tota cançon, ja que lo mond se monda
de tot çò que non es tu. A la pòrta
de tot çò tieu, que mon còr ja se tenga.

Mèra cançon ja se tenga
lo vèrs umil que nud pel non-res canti
davant ta gràcia, ò, ma Dòmna tan canda.
Vau suplicant l’azard d’obrir la pòrta
que lo non-res partís de tu. Ma lenga
dins sos joièls se muda Amor e’t conta
tot çò perdut que ton doç acuèlh monda,
e ton ardor la melhora e fa fòrta.

Qu’aital la mar, fonsa e fòrta
me mòga a tu ! Qu’a bèl artabal tenga
ma via dreita ! E que mon cant t’encante
malgrat lo mond que’m pasta, que ne’m mond !
Que fòl subèrna al sulhet de ta pòrta
me daisse amant, davant ta gràcia canda !
Entre tas mans depausi ieu lo conte
del mieu vaissèl sus la mar e sa lenga.

Faitilhièra va la lenga
que saila l’èime en abraçada fòrta.
E te dirà, que la pèrda o la tenga,
tot çò qu’Amor e còr a còr se conta.
De fals semblar e meçorgas se monda
mas del tieu prètz s’embriaga puèi ne canta.
Car res non val, subre mar sorna o canda,
lenga d’Amor qu’a ton pòrt plan me pòrta

T’amar m’es lenga ont ta mercé me monda
de la sal fòrta, e mon vèrs clar te canta
per que’ m retenga, una lausenja canda
qu’a totes conta esmais que n’ès tu pòrta.


extrait de Dins tos braces,
Collection Votz de Trobar n°35,
Ed. trobaVox, Coursan, 2021

« Mon cœur et moi-même, et mes bonnes chansons, et tout ce que je sais dire ou faire d’avenant, je reconnais que c’est de vous, noble dame, que je l’ai reçu en tenure… »

Gaucelm Faidit
in Mon cor e mi e mas bonas chanssos

I

Octine à l’aiguille orientée

La mer qui me porte à toi
m’avait drapé, sur les flots, de sa langue.
J’en ai reçu l’écume vive et forte
qui pousse loin, jusqu’à toi, ma voix claire.
De cœur ardent, elle te dit les lointains
pour que leur fougue après moi bien te tienne.
Fée de la source, ce que je suis te chante
ce dontAmour, en t’aimant toi, m’émonde.

Car le ciel déjà s’émonde
à ton passage où s’ouvre en grand la porte
du Tout réel. Tous les mots de ma langue
dans la splendeur de ta grâce te chantent
chaque frisson de ta peau douce et claire.
Sur l’océan, au tumulte des vagues,
et même si mon esquif tient à peine,
notre boussole indique voie vers toi.

Que cette voie soit le conte
du long périple entre foudre qui épure
et ce grand Cers qui enfonce toute porte
pour accoster là où Amour se tient.
Dans les embruns où chante la baleine,
où la sirène enchante son langage,
je dirai, moi, combien ma foi en toi
devient plus forte et ma chanson plus claire.

Remontant la pluie très pure
à chaque marche évidée par le conte,
je te louerai, dans l’ouragan qui émonde
toute illusion, la plus fière ou plus forte,
pour aborder au rivage espéré
d’où partira le chemin qui me porte
devant ta source. Au soleil de ma langue
je montrerai comment t’aimer se chante.

Tous mes chants seront d’Amour
dès que mon cœur boira ton clair visage.
L’île cachée où le ruisseau raconte,
en ton pouvoir, comment jaillit la langue
d’Amour cordial, rendra toujours plus forte
chaque chanson, puisque s’émonde un monde
de tout ce qui n’est toi. Devant la porte
de ce qui est tien, que demeure mon cœur.

Que pure chanson se tienne
l’humble poème que, nu, au néant, j’œuvre
devant ta grâce, ô, ma si claire Dame.
Je prie hasard d’ouvrir pour moi la porte
te séparant de ce néant. Ma langue
dans ses joyaux se change Amour et conte
ce qui est perdu, que ton accueil émonde,
et ton ardeur l’améliore et renforce.

Qu’ainsi la mer si puissante
me pousse à toi ! Qu’elle tienne par hasard
ma voie bien droite ! Et que mon chant t’enchante
malgré ce monde qui me fait, que j’émonde !
Qu’un courant fou sur le seuil de ta porte
me laisse, amant, devant ta pure grâce !
Entre tes mains je dépose le conte
de mon vaisseau sur la mer, sur sa langue.

La langue est presque magique
qui l’esprit drape en de fortes embrassades.
Elle te dira, qu’elle soit tienne ou pas,
tout ce qu’Amour, de cœur à cœur se conte.
Des illusions et mensonges elle s’épure.
De ta valeur elle s’enivre puis chante.
Car rien ne vaut, sur la mer démontée,
langue d’Amour qui me porte à ton port.

T’aimer m’est langue où ta bonté m’épure
du sel puissant, et tous mes vers te chantent,
pour te charmer, cette pure louange
contant à tous l’émoi dont tu es la porte.

……………………………………….

CHANDIDÂS  1408- ?   Inde  écrit en bengali

LA CONSÉCRATION

Ô ma vie, mon amour !
Je te donne ce corps et cette âme !
Qu’ils gisent à tes pieds !
Je suis tombée. On dit que je ne suis point chaste.
Qu’importe ?
Je me réjouis de ne pas avoir perdu ton amour.
À ton amour, j’ai donné mon corps et mon âme.
Qu’ils disent à tes pieds !
Tu es ma vie ; tu es ma fin ;
Tu connais si je suis chaste ou non,
Moi, je ne connais que ton amour et tes deux pieds.
Tu es ma vertu, et tu es mon péché,
tu es mon honneur, tu es mon nom.
À toi je donne mon corps et mon âme.
Qu’ils gisent à tes pieds !

…………………………….

e.e.cummings    traduction Didier Metenier/Svante Svahnström


now that, more nearest even than your fate

and mine (or any truth beyond perceive)
quivers this miracle of summer night

her trillion secrets touchably alive

while and all mysteries which i or you
(blinded by merely things believable)
could only fancy we should never know

are unimaginably ours to feel

how should some world (we marvel) doubt, for just
sweet terrifying the particular
moment it takes one very falling most
(there : did you see it ? ) star to disappear,

that huge whole creation may be less
incalculable than a single kiss

#37, 73 poems, e.e.c.

maintenant que, encore plus près de ton destin 

et du mien
(ou de n'importe quelle vérité hors d'atteinte),
tremble ce miracle de nuit d'été

et ses trillions de secrets palpablement vivants,

quoique et tous les mystères que toi et moi
(aveuglés par seules les choses crédibles)
pouvions juste imaginer que nous ne devrons jamais savoir

sont incroyablement livrés à nos sens.

comment un monde pourrait-il (nous nous émerveillons)
douter, pour simple                                                 douceur terrifiante l’instant précis que nécessite une très filante (là, la vois-tu, là-bas ?) étoile pour disparaître.

que cette incommensurable création totale puisse être moins illimitée n'est peut-être pas plus difficile à évaluer
qu'un simple baiser.

………….....................

LISE DURAND

L'amour, l'amour
C'est comme les nuages
Parfois ils meurent
Un jour de pluie.
L'amour, l'amour
C'est comme le soleil
Parfois il brûle
On n'y peut rien.
L'amour, l'amour
Tous on en rêve
Comme de la lune
Qui tendrement luit.
L'amour, l'amour...

                Toulouse le 12 octobre 2024

………….

L'amour courtois
Cela n'existe pas
C'était
Une invention
D'autrefois.
Aujourd'hui
La tendresse
A disparu
On tue, on viole
Je n'y peux rien.
Oh que le monde
Soit bon enfin.
L'amour courtois...

                     Toulouse le 13 octobre 2024
……….

Vous
Qui lisez mes poèmes
Vous savez
Qu'il y a trois thèmes
L'amour, la mort
Le vin blanc doux.
Le vin doux est
Cette douce crème
L'amour
Ce royal bijou.
Mais la mort
Viendra quand même
Et comme vous
Me mettra à genoux.
En attendant
L'amour m'amène
Au monde si bleu
De tes beaux yeux
Il est aussi
Un de mes thèmes.
Mais je vieillis
Et j'oublie un peu
Il y a probablement
D'autres rhèmes
Que vous verrez
Avec vos yeux...

           Toulouse le 24 octobre 2024

…………………..

ELIAS D’USSEL    1200- ?

ELIAS D’USSEL  (1200- ?) ET AIMERIC DE PÉGULHAN (1195-1250)

ÉPREUVE D’AMOUR  
(ici la seule version française)

(Tenson)

Sire Elias, je vous demande conseil
Au sujet de celle que j’aime plus qu’autrui et que moi-même.
Elle m’a dit qu’elle me ferait coucher avec elle, une nuit,
Pourvu que je lui jure et lui promette
De ne pas lui faire violence contre son gré,
Et de me contenter de l’étreindre et de lui donner des baisers ;
Donnez-moi votre opinion à propos du « Fait »,
Et dites-moi s’uil vaut mieux patienter et jeûner
Ou me parjurer  en enfreignant sa volonté ?

Aimeric, je vous conseille,
Si elle vous fait coucher avec elle, de bien le lui faire ;
Car celui qui tient sa dame entre ses bras
Est fou, s’il la cherche ailleurs. –
…………………………..
Si j’étais au lit, étendu près de ma dame,
Même si j’avais fait serment de la respecter,
Je le lui ferais, je vous le garantis,
Dût qui que soit me tenir, de ce fait, pour parjure.


Elias, vous me donnez maintenant et toujours
Des conseils de fripon.
Mal en prend à celui qui suit votre conseil.
Oh ! je sais bien que les faux amants vous croiront.

Les gens qui n’ « aiment » pas du tout,
En vérité, celui qui trahis serments envers celle qu’il aime
Perd à la fois Dieu et sa dame.
Aussi persisté-je dans ma résolution : je m’en tiendrai  
À l’enlacement  et aux baisers. J’aurai à cœur d’éviter le « Fait » et à cause de lui je ne me  parjurerai point.

Aimeric, vous dites et défendez
Une monstrueuse indignité.
Moi, si je suis au lit avec celle que j’aime mieux que moi-même,
Je me gardera bien de lui demander quoi que ce soit de plus.
Mais doucement, en riant et en jouant,
Je le lui ferai, puis j’en pleurerai
Jusqu’à ce qu’elle me pardonne d’avoir manqué à ma parole.
Après quoi j’irai en pèlerinage jusqu’au-delà de Tyr
Et demanderai à Dieu pardon de mon parjure.


………………………..

GUI D’USSEL       env. 1170- avant 1225

(ici la seule version française)

 Tenson

I. — Gui d’Ussel, j’ai bien de la peine à votre sujet, parce que vous avez cessé de chanter ; et, comme je voudrais vous y ramener, puisque vous êtes très savant en de tels sujets, je veux que vous me disiez si la dame doit agir envers l’amant, quand il le demande avec douceur, de la même façon que lui envers elle, en tout ce qui touche à l’amour, selon les lois qu’observent les amoureux.
II. — Dame Marie, je croyais abandonner tensons et tout le reste ; mais je ne peux maintenant manquer de répondre à votre invitation ; et je vous réponds brièvement, en ce qui concerne la dame, que, pour son amant, elle doit faire autant que lui pour elle, sans tenir compte du rang : car, entre deux amis, il ne doit pas y avoir de supérieur.
III. — Gui, l’amant doit demander avec des prières tout ce qu’il désire, et la dame peut l’accorder, et doit aussi prier parfois ; et l’amant doit faire ses prières et donner ses ordres comme s’il s’adressait à une amie et à une dame également ; et la dame doit faire honneur à son amant comme à un ami et non pas comme à un maître.
IV. — Dame, on dit ici, parmi nous, que, du moment que dame veut aimer, elle doit faire à son amant autant d’honneur [qu’il lui en fait], puisqu’ils sont également amoureux ; et s’il arrive qu’elle l’aime davantage, elle doit le montrer en ses actes et en ses paroles, et si son cœur est faux et trompeur, elle doit, sous une belle mine, dissimuler sa folie.
V. — Gui d’Ussel, les amants ne sont pas du tout ainsi au commencement; mais au contraire chacun dit, quand il veut courtiser, mains jointes et à genoux : « Dame, accordez-moi de vous servir sans réserve comme votre homme-lige. » Et elle le prend à ce titre ; pour moi je le considère à bon droit comme un traître s’il se fait l’égal de sa dame après s’être donné à elle comme serviteur.
VI. — Dame, c’est une opinion qu’il est honteux pour une dame de défendre, que de ne point considérer comme son égal celui avec lequel, de deux cœurs, elle en a fait un seul ; ou bien vous direz, et cela ne vous fera point honneur, que l’amant doit l’aimer plus sincèrement, ou bien vous direz qu’ils sont égaux ; car l’amant ne doit rien à la dame, si ce n’est par amour.

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DIDIER METENIER

par
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sur
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En anglais:
i - je

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depuis toujours
sens
i
ble
aux parfums de ta voix

à fleur(s)
et
mouchetée

qui
dès la fin  de l’en
voix
touche

j’aime tes yeux
j’aime tes doigts
j’aime ta voix


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FRANCIS PORNON

EXTRAIT DE "LA FILLE D’OCCITANIE" :

Pour la circonstance on invita le curé au castel. Ma mère voulut l’accompagner avec ses enfants. C’est ainsi que j’assistai au récital d’une chanson d’Azalaïs. La joglaresa voulut bien chanter en s’accompagnant d’un instrument en forme de poire, appelée citole. Il s’agissait d’un arc tendu de cordes qu’elle pinçait pour jouer la mélodie à l’unisson de sa voix.
« Domna met molt mal s’amor… »
(Dame son amour met mal)
    Qui s’accorde avec un riche
    Au-dessus d’un grand vassal
    Si ell’ le fait c’est folie…
Allusion, sans doute à quelque domna qui se donnait à certain puissant en omettant d’observer les lois et surtout le sens de la fin’amor. Or, si j’étais bercée par la musique, le sens de tout ceci passait au-dessus de ma tête. J’apprendrais par la suite que rien ne peut être au-dessus de l’amour et qu’il y a de quoi déplorer ou blâmer tout dépassement. J’étais encore très jeune et surtout pas dans le projet de convoiter un seigneur. Il m’apparut cependant évident que cette poétesse avait bien raison de brocarder une femme plaçant la quête de richesse avant celle de l’amour. Peut-être est-ce à cette occasion que commença à s’insinuer en moi le culte de l’amour plus haut que tout ?
Ce qui est sûr, c’est que par la suite je n’aurais désir que de liberté et de bien-être, d’amour surtout, et non ambition de puissance. J’étais fascinée à la fois par la poésie, l’art de la femme qui l’exprimait avec sa musique, ses mots, sa voix. En furent assises en moi ces convictions : sans poésie pour chanter la joie et la tristesse, la vie ne vaut rien. Et pas de poésie sans amour !

Je lui demandai alors de m’en dire plus sur l’amour. D’une voix douce afin de me ménager, elle me dit alors la fin’amor. L’amour, le véritable amour, n’est ni un acte animal ni rien que d’esprit. C’est quelque chose de magique où âme et corps se fondent en une ascension extraordinaire. Cela commence par le regard et s’ensuit le baiser. Cela se poursuit par le jazer…
•    Le jazer ?
•    Oui, l’assai ! Gésir nus en la même couche sans se pénétrer !
•    Ah ? Et… c’est tout ?
•    Mais non, cabourdette ! cela s’achèvera par l’acte.


Je ne réclamai d’explication. Là, je devinai.

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JAUFRÉ RUDEL vers 1148 – vers 1170

L’amor de lonh
Lanquan li jorn son lonc e may
M'es belhs dous chans d'auzelhs de lonh,
E quan mi suy partitz de lay,
Remembra·m d'un' amor de lonh.
Vau de talan embroncx e clis
Si que chans ni flors d'albespis
No·m valon plus que l'yverns gelatz

Be tenc lo Senhor per veray
Per que formet sest' amor de lonh,
Mas per un ben que m'en eschay
N'ai dos mals, quar tant suy de lonh.
A! quar no fuy lai pelegris,
Si que mos fustz e mos tapis
Fos pels sieus belhs huelhs remiratz!

Be·m parra joys quan li querray,
Per amor Dieu, l'ostal de lonh,
E, s'a lieys platz, alberguarai
Pres de lieys, si be·m suy de lonh,
Qu'aissi es lo parlamens fis
Quan drutz lonhdas et tan vezis
Qu'ab cortes ginh jauzis solatz.

Iratz e dolens me·n partray,
S'ieu no vey sest' amor de lonh.
No·m sai quora mais la veyrai,
que tan son nostras terras lonh.
Assatz hi a pas e camis,
e per aisso no·n suy devis.
Mas tot sia cum a lieys platz.

Jamai d'amor no·m jauziray
Si no·m jau d'est' amor de lonh,
que mielher ni gensor no·n sai
ves nulha part, ni pres ni lonh.
Tant es sos pretz ricx e sobris
Que lai el reng dels Sarrasis
fos hieu per lieys chaitius clamatz.

Dieus que fetz tot quant ve ni vay
E formet sest'amor de lonh
Mi don poder, que cor be n'ai,
Qu'ieu veya sest'amor de lonh,
Verayamen en luec aizis,
Si que las cambras e·ls jardis
Mi recemblo novels palatz.

Ver ditz qui m'apella lechay
e deziros d'amor de lonh,
que nulhs autres joys tan no·m play
Cum jauzimen d'amor de lonh.
Mas so qu'ieu vuelh m'es tant ahis,
Qu'enaissi·m fadet mos pairis
Qu'ieu ames e nos fos amatz.



Lorsque les jours sont longs en mai,
J'aime un doux chant d'oiseau lointain
Et quand je m'en suis éloigné,
Me rappelle un amour lointain.
Je vais courbé par le désir
Tant que chants ni fleurs d'aubépine
Ne me valent l'hiver gelé.

Bien crois-je le Seigneur pour vrai
Par qui verrai l'amour lointain,
Mais pour un bien qui m'en échoit,
J'ai deux maux, tant il m'est lointain.
Ah ! que ne suis-je pélerin
Et que ma cape et mon bâton
Par ses beaux yeux soient contemplés !

La joie quand lui demanderais
Au nom de Dieu l'abri lointain !
Car, s'il lui plait, je logerais
Près d'elle, moi qui suis lointain.
Quels doux propos on entendra
Quand l'ami lointain sera proche
Et quels beaux dits s'échangeront !

Triste et joyeux je reviendrais
Si je la vois, l'amour lointain.
Mais ne sais quand je la verrai
Nos deux pays sont si lointains !
Combien de passages et chemins
Et pour cela ne suis devin
Mais que tout soit comme à Dieu plaît !

Jamais d'amour ne jouirais
Sinon de cet amour lointain
Plus noble ou meilleure ne sais
En nul pays proche ou lointain
Tant est précieuse et vraie et sure
Que là-bas chez les Sarrazins
Pour elle irais m'emprisonner.

Dieu fit tout ce qui va et vient
Et forma cet amour lointain
Qu'il me donne pouvoir au coeur
De bientôt voir l'amour lointain
Vraiment et en un lieu propice
Tant que la chambre et le jardin
Me semblent toujours un palais.

Il dit vrai qui me dit avide
Et désireux d'amour lointain
Nulle autre joie autant me plait
Qu'à jouir de l'amour lointain
Mais ce que je veux m'est dénié
Ce sort me jeta mon parrain
D'aimer mais n'être point aimé.

Mais ce que je veux m'est dénié
Maudit parrain qui m'a jeté
Ce sort de n'être point aimé


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SERGUEÎ WOLKONSKY


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SVANTE SVAHNSTRÖM

Tu m’es précieuse
comme ma cravate préférée
Quand tu es loin
sa soie est toi sur ma poitrine
La boucle volontaire de toi
qui ceint mon cou
est une étreinte moelleuse
qui se prolonge
Traversant le pied la triplure et le plat
de mon col en toute direction
ton nœud réverbère soleils et oasis
jusqu’à la toundra solitaire
de ma nuque en attente



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