jeudi 28 novembre 2024

L'AMOUR COURTOIS


L'amour dans les romans arthuriens | BnF Essentiels
Lancelot quittant Guenièvre pour la Quête du Graal


AUTEURS

Nanou Auriol
Franc Bardòu
Chandidâs ***
e.e.cummings *
Lise Durand
Elias d’Ussel *
Gui d’Ussel **
Didier Metenier
Francis Pornon
Jaufre Rudel **
Sergueï Wolkonsky
Svante Svahnström

Présenté par :
Didier Metenier *
Jean Sibille **
Svante Svahnström ***





NANOU AURIOL

………………………………..

FRANC BARDÒU

OCTINA

« Mon cor e mi e mas bonas chanssos
e tot qant sai d’avinen dir e far,
conosc q’ieu teing, bona dòmna de vos… »

Gaucelm Faidit
in Mon cor e mi e mas bonas chanssos

I

Octina de la calamida

La mar, qu’a tu ja me pòrta,
suls flòts m’aviá sailat de la sia lenga.
Ne m’a balhat l’escruma fèra e fòrta
que mòu mai luènh, fins a tu, ma votz canda.
De còr afric, tot un asuèlh te conta
per que son vam que me ten lèu te tenga.
Fada a la font, tot çò que soi te canta
çò de qu’Amor, en t’amant, tu, me monda.

Car lo cèl tot ja se monda
davant ton pas, quand s’alanda la pòrta
de çò real. Cada mot de ma lenga
dins lo trelús de ta gràcia te canta
cada fremir de ta pèl doça e canda.
Sus la mar granda, orvari d’èrsa fòrta,
e mai a pena encara ma nau tenga,
la calamida a tu ma via conta.

Qu’aquesta via siá’l conte
del long periple entre’l fólzer que monda
e lo grand Cèrç qu’englanda tota pòrta,
per acostar Amor, ont que se tenga.
Entre escrumèra ont la balena canta,
ont la serena enfaitilha sa lenga,
dirai ma fe en tu, cossí ven fòrta
e per quina art fa ma cançon mai canda.

Remontant la pluèja canda,
a cada gras qu’i escultarà lo conte,
vèrs pausarai, dins l’aurassa que monda
tota illusion, la mai crana o mai fòrta,
per acercar lo maratge, ont que’s tenga,
d’ont partirà lo camin que me pòrta
davant ta font. Al solelh de ma lenga
dirai l’Amor de tu, cossí se canta.

Medrai d’Amor tota canta,
tre que mon còr beurà ta cara canda.
L’isla esconduda ont lo riu que se conta,
tot a ta man, cossí grelha la lenga
d’Amor coral, farà venir mai fòrta
tota cançon, ja que lo mond se monda
de tot çò que non es tu. A la pòrta
de tot çò tieu, que mon còr ja se tenga.

Mèra cançon ja se tenga
lo vèrs umil que nud pel non-res canti
davant ta gràcia, ò, ma Dòmna tan canda.
Vau suplicant l’azard d’obrir la pòrta
que lo non-res partís de tu. Ma lenga
dins sos joièls se muda Amor e’t conta
tot çò perdut que ton doç acuèlh monda,
e ton ardor la melhora e fa fòrta.

Qu’aital la mar, fonsa e fòrta
me mòga a tu ! Qu’a bèl artabal tenga
ma via dreita ! E que mon cant t’encante
malgrat lo mond que’m pasta, que ne’m mond !
Que fòl subèrna al sulhet de ta pòrta
me daisse amant, davant ta gràcia canda !
Entre tas mans depausi ieu lo conte
del mieu vaissèl sus la mar e sa lenga.

Faitilhièra va la lenga
que saila l’èime en abraçada fòrta.
E te dirà, que la pèrda o la tenga,
tot çò qu’Amor e còr a còr se conta.
De fals semblar e meçorgas se monda
mas del tieu prètz s’embriaga puèi ne canta.
Car res non val, subre mar sorna o canda,
lenga d’Amor qu’a ton pòrt plan me pòrta

T’amar m’es lenga ont ta mercé me monda
de la sal fòrta, e mon vèrs clar te canta
per que’ m retenga, una lausenja canda
qu’a totes conta esmais que n’ès tu pòrta.


extrait de Dins tos braces,
Collection Votz de Trobar n°35,
Ed. trobaVox, Coursan, 2021

« Mon cœur et moi-même, et mes bonnes chansons, et tout ce que je sais dire ou faire d’avenant, je reconnais que c’est de vous, noble dame, que je l’ai reçu en tenure… »

Gaucelm Faidit
in Mon cor e mi e mas bonas chanssos

I

Octine à l’aiguille orientée

La mer qui me porte à toi
m’avait drapé, sur les flots, de sa langue.
J’en ai reçu l’écume vive et forte
qui pousse loin, jusqu’à toi, ma voix claire.
De cœur ardent, elle te dit les lointains
pour que leur fougue après moi bien te tienne.
Fée de la source, ce que je suis te chante
ce dontAmour, en t’aimant toi, m’émonde.

Car le ciel déjà s’émonde
à ton passage où s’ouvre en grand la porte
du Tout réel. Tous les mots de ma langue
dans la splendeur de ta grâce te chantent
chaque frisson de ta peau douce et claire.
Sur l’océan, au tumulte des vagues,
et même si mon esquif tient à peine,
notre boussole indique voie vers toi.

Que cette voie soit le conte
du long périple entre foudre qui épure
et ce grand Cers qui enfonce toute porte
pour accoster là où Amour se tient.
Dans les embruns où chante la baleine,
où la sirène enchante son langage,
je dirai, moi, combien ma foi en toi
devient plus forte et ma chanson plus claire.

Remontant la pluie très pure
à chaque marche évidée par le conte,
je te louerai, dans l’ouragan qui émonde
toute illusion, la plus fière ou plus forte,
pour aborder au rivage espéré
d’où partira le chemin qui me porte
devant ta source. Au soleil de ma langue
je montrerai comment t’aimer se chante.

Tous mes chants seront d’Amour
dès que mon cœur boira ton clair visage.
L’île cachée où le ruisseau raconte,
en ton pouvoir, comment jaillit la langue
d’Amour cordial, rendra toujours plus forte
chaque chanson, puisque s’émonde un monde
de tout ce qui n’est toi. Devant la porte
de ce qui est tien, que demeure mon cœur.

Que pure chanson se tienne
l’humble poème que, nu, au néant, j’œuvre
devant ta grâce, ô, ma si claire Dame.
Je prie hasard d’ouvrir pour moi la porte
te séparant de ce néant. Ma langue
dans ses joyaux se change Amour et conte
ce qui est perdu, que ton accueil émonde,
et ton ardeur l’améliore et renforce.

Qu’ainsi la mer si puissante
me pousse à toi ! Qu’elle tienne par hasard
ma voie bien droite ! Et que mon chant t’enchante
malgré ce monde qui me fait, que j’émonde !
Qu’un courant fou sur le seuil de ta porte
me laisse, amant, devant ta pure grâce !
Entre tes mains je dépose le conte
de mon vaisseau sur la mer, sur sa langue.

La langue est presque magique
qui l’esprit drape en de fortes embrassades.
Elle te dira, qu’elle soit tienne ou pas,
tout ce qu’Amour, de cœur à cœur se conte.
Des illusions et mensonges elle s’épure.
De ta valeur elle s’enivre puis chante.
Car rien ne vaut, sur la mer démontée,
langue d’Amour qui me porte à ton port.

T’aimer m’est langue où ta bonté m’épure
du sel puissant, et tous mes vers te chantent,
pour te charmer, cette pure louange
contant à tous l’émoi dont tu es la porte.

……………………………………….

CHANDIDÂS  1408- ?   Inde  écrit en bengali

LA CONSÉCRATION

Ô ma vie, mon amour !
Je te donne ce corps et cette âme !
Qu’ils gisent à tes pieds !
Je suis tombée. On dit que je ne suis point chaste.
Qu’importe ?
Je me réjouis de ne pas avoir perdu ton amour.
À ton amour, j’ai donné mon corps et mon âme.
Qu’ils disent à tes pieds !
Tu es ma vie ; tu es ma fin ;
Tu connais si je suis chaste ou non,
Moi, je ne connais que ton amour et tes deux pieds.
Tu es ma vertu, et tu es mon péché,
tu es mon honneur, tu es mon nom.
À toi je donne mon corps et mon âme.
Qu’ils gisent à tes pieds !

…………………………….

e.e.cummings    traduction Didier Metenier/Svante Svahnström


now that, more nearest even than your fate

and mine (or any truth beyond perceive)
quivers this miracle of summer night

her trillion secrets touchably alive

while and all mysteries which i or you
(blinded by merely things believable)
could only fancy we should never know

are unimaginably ours to feel

how should some world (we marvel) doubt, for just
sweet terrifying the particular
moment it takes one very falling most
(there : did you see it ? ) star to disappear,

that huge whole creation may be less
incalculable than a single kiss

#37, 73 poems, e.e.c.

maintenant que, encore plus près de ton destin 

et du mien
(ou de n'importe quelle vérité hors d'atteinte),
tremble ce miracle de nuit d'été

et ses trillions de secrets palpablement vivants,

quoique et tous les mystères que toi et moi
(aveuglés par seules les choses crédibles)
pouvions juste imaginer que nous ne devrons jamais savoir

sont incroyablement livrés à nos sens.

comment un monde pourrait-il (nous nous émerveillons)
douter, pour simple                                                 douceur terrifiante l’instant précis que nécessite une très filante (là, la vois-tu, là-bas ?) étoile pour disparaître.

que cette incommensurable création totale puisse être moins illimitée n'est peut-être pas plus difficile à évaluer
qu'un simple baiser.

………….....................

LISE DURAND

L'amour, l'amour
C'est comme les nuages
Parfois ils meurent
Un jour de pluie.
L'amour, l'amour
C'est comme le soleil
Parfois il brûle
On n'y peut rien.
L'amour, l'amour
Tous on en rêve
Comme de la lune
Qui tendrement luit.
L'amour, l'amour...

                Toulouse le 12 octobre 2024

………….

L'amour courtois
Cela n'existe pas
C'était
Une invention
D'autrefois.
Aujourd'hui
La tendresse
A disparu
On tue, on viole
Je n'y peux rien.
Oh que le monde
Soit bon enfin.
L'amour courtois...

                     Toulouse le 13 octobre 2024
……….

Vous
Qui lisez mes poèmes
Vous savez
Qu'il y a trois thèmes
L'amour, la mort
Le vin blanc doux.
Le vin doux est
Cette douce crème
L'amour
Ce royal bijou.
Mais la mort
Viendra quand même
Et comme vous
Me mettra à genoux.
En attendant
L'amour m'amène
Au monde si bleu
De tes beaux yeux
Il est aussi
Un de mes thèmes.
Mais je vieillis
Et j'oublie un peu
Il y a probablement
D'autres rhèmes
Que vous verrez
Avec vos yeux...

           Toulouse le 24 octobre 2024

…………………..

ELIAS D’USSEL    1200- ?

ELIAS D’USSEL  (1200- ?) ET AIMERIC DE PÉGULHAN (1195-1250)

ÉPREUVE D’AMOUR  
(ici la seule version française)

(Tenson)

Sire Elias, je vous demande conseil
Au sujet de celle que j’aime plus qu’autrui et que moi-même.
Elle m’a dit qu’elle me ferait coucher avec elle, une nuit,
Pourvu que je lui jure et lui promette
De ne pas lui faire violence contre son gré,
Et de me contenter de l’étreindre et de lui donner des baisers ;
Donnez-moi votre opinion à propos du « Fait »,
Et dites-moi s’uil vaut mieux patienter et jeûner
Ou me parjurer  en enfreignant sa volonté ?

Aimeric, je vous conseille,
Si elle vous fait coucher avec elle, de bien le lui faire ;
Car celui qui tient sa dame entre ses bras
Est fou, s’il la cherche ailleurs. –
…………………………..
Si j’étais au lit, étendu près de ma dame,
Même si j’avais fait serment de la respecter,
Je le lui ferais, je vous le garantis,
Dût qui que soit me tenir, de ce fait, pour parjure.


Elias, vous me donnez maintenant et toujours
Des conseils de fripon.
Mal en prend à celui qui suit votre conseil.
Oh ! je sais bien que les faux amants vous croiront.

Les gens qui n’ « aiment » pas du tout,
En vérité, celui qui trahis serments envers celle qu’il aime
Perd à la fois Dieu et sa dame.
Aussi persisté-je dans ma résolution : je m’en tiendrai  
À l’enlacement  et aux baisers. J’aurai à cœur d’éviter le « Fait » et à cause de lui je ne me  parjurerai point.

Aimeric, vous dites et défendez
Une monstrueuse indignité.
Moi, si je suis au lit avec celle que j’aime mieux que moi-même,
Je me gardera bien de lui demander quoi que ce soit de plus.
Mais doucement, en riant et en jouant,
Je le lui ferai, puis j’en pleurerai
Jusqu’à ce qu’elle me pardonne d’avoir manqué à ma parole.
Après quoi j’irai en pèlerinage jusqu’au-delà de Tyr
Et demanderai à Dieu pardon de mon parjure.


………………………..

GUI D’USSEL       env. 1170- avant 1225

(ici la seule version française)

 Tenson

I. — Gui d’Ussel, j’ai bien de la peine à votre sujet, parce que vous avez cessé de chanter ; et, comme je voudrais vous y ramener, puisque vous êtes très savant en de tels sujets, je veux que vous me disiez si la dame doit agir envers l’amant, quand il le demande avec douceur, de la même façon que lui envers elle, en tout ce qui touche à l’amour, selon les lois qu’observent les amoureux.
II. — Dame Marie, je croyais abandonner tensons et tout le reste ; mais je ne peux maintenant manquer de répondre à votre invitation ; et je vous réponds brièvement, en ce qui concerne la dame, que, pour son amant, elle doit faire autant que lui pour elle, sans tenir compte du rang : car, entre deux amis, il ne doit pas y avoir de supérieur.
III. — Gui, l’amant doit demander avec des prières tout ce qu’il désire, et la dame peut l’accorder, et doit aussi prier parfois ; et l’amant doit faire ses prières et donner ses ordres comme s’il s’adressait à une amie et à une dame également ; et la dame doit faire honneur à son amant comme à un ami et non pas comme à un maître.
IV. — Dame, on dit ici, parmi nous, que, du moment que dame veut aimer, elle doit faire à son amant autant d’honneur [qu’il lui en fait], puisqu’ils sont également amoureux ; et s’il arrive qu’elle l’aime davantage, elle doit le montrer en ses actes et en ses paroles, et si son cœur est faux et trompeur, elle doit, sous une belle mine, dissimuler sa folie.
V. — Gui d’Ussel, les amants ne sont pas du tout ainsi au commencement; mais au contraire chacun dit, quand il veut courtiser, mains jointes et à genoux : « Dame, accordez-moi de vous servir sans réserve comme votre homme-lige. » Et elle le prend à ce titre ; pour moi je le considère à bon droit comme un traître s’il se fait l’égal de sa dame après s’être donné à elle comme serviteur.
VI. — Dame, c’est une opinion qu’il est honteux pour une dame de défendre, que de ne point considérer comme son égal celui avec lequel, de deux cœurs, elle en a fait un seul ; ou bien vous direz, et cela ne vous fera point honneur, que l’amant doit l’aimer plus sincèrement, ou bien vous direz qu’ils sont égaux ; car l’amant ne doit rien à la dame, si ce n’est par amour.

…………………….

DIDIER METENIER

par
i
sur
l'A
mour
cour
TOI
s

En anglais:
i - je

………………………….

depuis toujours
sens
i
ble
aux parfums de ta voix

à fleur(s)
et
mouchetée

qui
dès la fin  de l’en
voix
touche

j’aime tes yeux
j’aime tes doigts
j’aime ta voix


……………………

FRANCIS PORNON

EXTRAIT DE "LA FILLE D’OCCITANIE" :

Pour la circonstance on invita le curé au castel. Ma mère voulut l’accompagner avec ses enfants. C’est ainsi que j’assistai au récital d’une chanson d’Azalaïs. La joglaresa voulut bien chanter en s’accompagnant d’un instrument en forme de poire, appelée citole. Il s’agissait d’un arc tendu de cordes qu’elle pinçait pour jouer la mélodie à l’unisson de sa voix.
« Domna met molt mal s’amor… »
(Dame son amour met mal)
    Qui s’accorde avec un riche
    Au-dessus d’un grand vassal
    Si ell’ le fait c’est folie…
Allusion, sans doute à quelque domna qui se donnait à certain puissant en omettant d’observer les lois et surtout le sens de la fin’amor. Or, si j’étais bercée par la musique, le sens de tout ceci passait au-dessus de ma tête. J’apprendrais par la suite que rien ne peut être au-dessus de l’amour et qu’il y a de quoi déplorer ou blâmer tout dépassement. J’étais encore très jeune et surtout pas dans le projet de convoiter un seigneur. Il m’apparut cependant évident que cette poétesse avait bien raison de brocarder une femme plaçant la quête de richesse avant celle de l’amour. Peut-être est-ce à cette occasion que commença à s’insinuer en moi le culte de l’amour plus haut que tout ?
Ce qui est sûr, c’est que par la suite je n’aurais désir que de liberté et de bien-être, d’amour surtout, et non ambition de puissance. J’étais fascinée à la fois par la poésie, l’art de la femme qui l’exprimait avec sa musique, ses mots, sa voix. En furent assises en moi ces convictions : sans poésie pour chanter la joie et la tristesse, la vie ne vaut rien. Et pas de poésie sans amour !

Je lui demandai alors de m’en dire plus sur l’amour. D’une voix douce afin de me ménager, elle me dit alors la fin’amor. L’amour, le véritable amour, n’est ni un acte animal ni rien que d’esprit. C’est quelque chose de magique où âme et corps se fondent en une ascension extraordinaire. Cela commence par le regard et s’ensuit le baiser. Cela se poursuit par le jazer…
•    Le jazer ?
•    Oui, l’assai ! Gésir nus en la même couche sans se pénétrer !
•    Ah ? Et… c’est tout ?
•    Mais non, cabourdette ! cela s’achèvera par l’acte.


Je ne réclamai d’explication. Là, je devinai.

……………………………..


JAUFRÉ RUDEL vers 1148 – vers 1170

L’amor de lonh
Lanquan li jorn son lonc e may
M'es belhs dous chans d'auzelhs de lonh,
E quan mi suy partitz de lay,
Remembra·m d'un' amor de lonh.
Vau de talan embroncx e clis
Si que chans ni flors d'albespis
No·m valon plus que l'yverns gelatz

Be tenc lo Senhor per veray
Per que formet sest' amor de lonh,
Mas per un ben que m'en eschay
N'ai dos mals, quar tant suy de lonh.
A! quar no fuy lai pelegris,
Si que mos fustz e mos tapis
Fos pels sieus belhs huelhs remiratz!

Be·m parra joys quan li querray,
Per amor Dieu, l'ostal de lonh,
E, s'a lieys platz, alberguarai
Pres de lieys, si be·m suy de lonh,
Qu'aissi es lo parlamens fis
Quan drutz lonhdas et tan vezis
Qu'ab cortes ginh jauzis solatz.

Iratz e dolens me·n partray,
S'ieu no vey sest' amor de lonh.
No·m sai quora mais la veyrai,
que tan son nostras terras lonh.
Assatz hi a pas e camis,
e per aisso no·n suy devis.
Mas tot sia cum a lieys platz.

Jamai d'amor no·m jauziray
Si no·m jau d'est' amor de lonh,
que mielher ni gensor no·n sai
ves nulha part, ni pres ni lonh.
Tant es sos pretz ricx e sobris
Que lai el reng dels Sarrasis
fos hieu per lieys chaitius clamatz.

Dieus que fetz tot quant ve ni vay
E formet sest'amor de lonh
Mi don poder, que cor be n'ai,
Qu'ieu veya sest'amor de lonh,
Verayamen en luec aizis,
Si que las cambras e·ls jardis
Mi recemblo novels palatz.

Ver ditz qui m'apella lechay
e deziros d'amor de lonh,
que nulhs autres joys tan no·m play
Cum jauzimen d'amor de lonh.
Mas so qu'ieu vuelh m'es tant ahis,
Qu'enaissi·m fadet mos pairis
Qu'ieu ames e nos fos amatz.



Lorsque les jours sont longs en mai,
J'aime un doux chant d'oiseau lointain
Et quand je m'en suis éloigné,
Me rappelle un amour lointain.
Je vais courbé par le désir
Tant que chants ni fleurs d'aubépine
Ne me valent l'hiver gelé.

Bien crois-je le Seigneur pour vrai
Par qui verrai l'amour lointain,
Mais pour un bien qui m'en échoit,
J'ai deux maux, tant il m'est lointain.
Ah ! que ne suis-je pélerin
Et que ma cape et mon bâton
Par ses beaux yeux soient contemplés !

La joie quand lui demanderais
Au nom de Dieu l'abri lointain !
Car, s'il lui plait, je logerais
Près d'elle, moi qui suis lointain.
Quels doux propos on entendra
Quand l'ami lointain sera proche
Et quels beaux dits s'échangeront !

Triste et joyeux je reviendrais
Si je la vois, l'amour lointain.
Mais ne sais quand je la verrai
Nos deux pays sont si lointains !
Combien de passages et chemins
Et pour cela ne suis devin
Mais que tout soit comme à Dieu plaît !

Jamais d'amour ne jouirais
Sinon de cet amour lointain
Plus noble ou meilleure ne sais
En nul pays proche ou lointain
Tant est précieuse et vraie et sure
Que là-bas chez les Sarrazins
Pour elle irais m'emprisonner.

Dieu fit tout ce qui va et vient
Et forma cet amour lointain
Qu'il me donne pouvoir au coeur
De bientôt voir l'amour lointain
Vraiment et en un lieu propice
Tant que la chambre et le jardin
Me semblent toujours un palais.

Il dit vrai qui me dit avide
Et désireux d'amour lointain
Nulle autre joie autant me plait
Qu'à jouir de l'amour lointain
Mais ce que je veux m'est dénié
Ce sort me jeta mon parrain
D'aimer mais n'être point aimé.

Mais ce que je veux m'est dénié
Maudit parrain qui m'a jeté
Ce sort de n'être point aimé


………………………………..

SERGUEÎ WOLKONSKY


……………………………..

SVANTE SVAHNSTRÖM

Tu m’es précieuse
comme ma cravate préférée
Quand tu es loin
sa soie est toi sur ma poitrine
La boucle volontaire de toi
qui ceint mon cou
est une étreinte moelleuse
qui se prolonge
Traversant le pied la triplure et le plat
de mon col en toute direction
ton nœud réverbère soleils et oasis
jusqu’à la toundra solitaire
de ma nuque en attente



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