mardi 29 avril 2025

Hasard et destin

      
L'accomplissement de la destinée - Edward Burn-Jones 1885    

 

AUTEURS

Nanou Auriol                                                                              Franc Bardòu
Andrée Chédid *
François Cheng *
Lise Durand
Grégoire *
Didier Metenier
René Nelli **
Théo Plantefol
Johan Ludvig Runeberg ***
Philippe Sahuc
Svante Svahnström
Doris Day ***
Bob Dylan ***

Présenté par :
Didier Metenier *
Franc Bardòu **
Svante Svahnström ***


 

 

NANOU AURIOL

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FRANC BARDÒU   traduction française par l’auteur

« Ara, garratz aicí, los mots son a  totòm, sètz donc tenguts de far dels mots çò que degun non n’a fait. » 

Pierre Reverdy

in Le Rêveur parmi les murailles,        1924

Laurenzia - XIII

Dins lo miralh movent d’un mal que      lèu se mèscla

a tota lutz jaurèla, entre tas doás mans juntas,
se propaga un image amendrit de tot    èsse exiliat d’el-meteis al caire de tota caire.

E l’afan cap a res que te coita d’anar
sempre ma lèu e luènh, sempre mai cranament, esfaça d’un sol rai la portanèla estreita qu’a totes permetriá de se fondre al grand si.

De tal biais que, cresent de fugir la maganha,i cabussas mai fons cada còp   que cabussas,mentre que Laurenzia t’espia, pro perplèxa,assajant per tos crits de t’estraire del tomple,mentre qu’es tu lo tomple e ton crit, la casuda,a l’òrle dels semblars que prenes pel grand cèl.

 

« Maintenant, prenez garde, les mots sont à tout le monde, vous êtes donc tenus de faire des mots ce que personne n’en a fait »

Pierre Reverdy

in Le Rêveur parmi les murailles, 1924

Laurenzia - XIII

Dans le miroir mouvant d’un mal qui, vif, se mêle


à toute vraie lumière entre tes deux mains jointes,
se propage une image amoindrie de tout être
exilé de lui-même au bord de toute chute.

La hâte vers le rien qui t’empresse d’aller
toujours plus vite et loin, toujours plus fièrement, efface d’un seul trait ce portillon étroit qui à tout permettrait de se fondre au grand Tout.

C’est ainsi que, croyant fuir l’élan fatidique,tu plonges plus profond chaque fois que tu plonges, tandis que Laurenzia t’observe, assez perplexe, essayant par tes cris de t’extraire du gouffre, alors qu’il n’est que toi, que ton cri, c’est la chute, à l’orée des reflets que tu prends pour le ciel.





…………

ANDRÉE CHÉDID

Pas de clé à la poésie
Pas de ciel
Pas de fond
Pas de nid
Pas de nom (…)

Mais ce souffle
Qui s'infiltre
Dans l'étoffe des âmes(...)

Peuple d'hirondelles
Au regard pénétrant
A la vue déployée.

Pas de clé à la poésie (extrait), Andrée Chédid

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FRANÇOIS CHENG  

Dans les sillons de cent soleils perclus d'amour,
La source du regard fixera nos visages.

Enfin le royaume, p.194, François Cheng, éd. Gallimard, 2018

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LISE DURAND   

J'ai jamais su qui vous étiez,
Vous à qui je dois tant de choses.
Et mon enfance retrouvée
Et le parfum de l'orchidée.
J'ai jamais su qui vous étiez,
Tout juste un peu votre pensée.
Avez-vous aussi souffert
Autant que moi et plus encore
Pour que je puisse m'appuyer
Sur les soleils de nos aurores ?
Qui vous a placé sur ma route ?
Y-a-t-il un Dieu ou un destin ?
Vous ai-je aidé dans vos déroutes ?
Peut-être bien, peut-être bien.
Cette perle de sang qui goutte
A-t-elle scellé nos chemins

                                    Toulouse 6 août 2009

"Penser après Freud, Einstein et quelques autres...
Créativité et savoirs " paru en 2018 - Editions Cépaduès

……………….

A la place où je suis
Le soleil brille
A la place où je suis
Le bonheur règne
A la place où je suis
Le ciel est bleu.
Mais la place où je suis
Je l'ai pas choisie.
A la place où je suis
Destin ou destinée
A la place où je suis
Personne j'envie.
A la place où je suis...

                                    Toulouse 28 mars 2025
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GRÉGOIRE  (Grégoire Boissenot)

Allez dire que chacun porte en lui  (extrait)

Allez dire
Que chacun porte en lui
Enfoui et caché
Ce pourquoi il est là

Allez dire
Qu'il faut se rassembler
Pour enfin voir en soi
Ce qu'on ne voyait pas 

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DIDIER METENIER

je te
de(s)
cerne(s)
lise !!!
à titre
honor
-if-
i
que
notre prix
gué
semoir
"poésie
volcan
i
que"

Nota bene:
- Des Cernes Lise: titre de noblesse décerné, de façon taquine
   et amicale, à une héritière providentielle de Rose Sélavy.
   (cf Robert Desnos)
- guésemoir : cercle (officiel) des "troubadours disparus"
- Gai Savoir (Lo Gay Saber) est une académie poétique fondée
   à Toulouse en 1323.

…………….

Voici là d'où je viens.
Draille après draille,
bonne ou mauvaise...
Jour après jour
Tout comme vous
J'ai choisi mon chemin.

Être soi ne saurait
que découler de soi.
Notre vécu présent
N'est pas que mise en scène
Il prolonge et pérenne
Année après année
Les vécus précédents.

Tout ce qui fait notre passé
(Qui n'est qu'intime vérité)
Nos souvenirs notre à
venir
Forment un tout...
Un grand défi ?
Un garde-fou ?
Notre idéal...
notre advenir...
Un cap, pour sûr,
à main
tenir.

En occitan :
une draille – un chemin

En anglais :
i ( « I » ainsi que le veut l'usage) – je
if - si

Inspiré de The Ideal,, Short and Sweet  101 very short poems,
James Fenton, éd. Armitage, 2002 (1999), p.16

……………………

RENÉ NELLI   1906-1982                      Traduction vers le français - Franc Bardòu

Tanh de la mòrt

Quand riuleja lo cant del mèrle
me sentissi abitat per un òste sorne
que sa libertat me transpòrta
coma se dins mon astre m’aguèsse precedit.

A passadas se tot es dejà avengut
la jòia anteriora m’accepta.

Las estelas son pas estelas
que dempuèi lo temps del degèl.
La corrupcion s’escapa pas d’alcun cortègi                                                             aquò’s la puretat que deven corruptritz !

Resplendisses Necessitat
tu qu’ès mai vertadièra que non pas la vida   me consumisses fins a l’ombra de l’òssa      m’exterminas fins al gisclar de l’Èstre !

in Temps folzejat (1970-1980)

 

Tain de la mort

Quand ruisselle le chant du merle
je me sens habité par un hôte noir
dont la liberté me transporte
comme s’il devançait mon destin.

Et par instant si tout est déjà là
la joie antérieure m’accepte.

Les étoiles ne sont étoiles
que depuis le temps du dégel.
La corruption ne s’évade d’aucun cortège
et c’est la pureté qui devient corruptrice.

Tu resplendis Nécessité
toi qui es plus vraie que la vie
tu me consumes jusqu’à l’ombre des os
tu m’extermines jusqu’au jaillissement de l’Être.

 


Post Scriptum ou petit éclaircissement, si nécessaire : pour l’auteur, le devenir est destin, donc prison et théâtre de marionnette. Tandis que l’être, parce qu’hors du temps, à la fois toujours présent et pourtant jamais accessible, nous apparaît comme un futur toujours à venir : le temps du Tout-Possible (le Dieu de Jésus), qui s’oppose radicalement au temps du Tout-Puissant (le mauvais démiurge — ou tout simplement, le diable —, celui qui a fait ce monde et le dirige tel qu’il advient puis devient).

………………………

THÉO PLANTEFOL

Entrer dans le jardin
où toutes les fleurs poussent

Aller
venir

S'arrêter
s'incliner

Tendre la main
en cueillir une

Choisir son destin
choisir son hasard
                                                 inédit      
…………………………

JOHAN LUDVIG RUNEBERG  1804-1877                Traduction Svante Svahnström

L’INSTANT UNIQUE

J’étais seul
Seul il est venu
Par mon chemin
Passait son chemin
Il ne s’attarda point
Mais pensait s’attarder
Il ne parla point
Mais l’œil parla
Toi l’étranger
Toi le bien connu
Une journée s’évanouit
Un an s’écoule
Un souvenir par un autre
Toujours est chassé
Le bref instant
A jamais restait en moi
L’instant amer
L’instant sublime

 

DEN ENDA STUNDEN

Allena var jag,
Han kom allena,
Förbi min bana
Hans bana ledde.
Han dröjde icke,
Men tänkte dröja,
Han talte icke,
Men ögat talte. --
Du obekante,
Du välbekante!
En dag försvinner,
Ett år förflyter,
Det ena minnet
Det andra jagar;
Den korta stunden
Blev hos mig evigt,
Den bittra stunden,
Den ljuva stunden.

……………………….

PHILIPPE SAHUC

Mort et poétiques apprêts

Death*,                                    
l'imprononçable au tout final,
la fourche fatale
entre le son qui essuie ce que fut une vie
et l'ultime possibilité d'échappement d'un souffle.

Tod*,                                        
il est court couperet,
et toujours l'incertitude finale :
sourde réminiscence d'un accueil paternel
ou palindrome qui replie le sera sur l'été.

Dee*,                                        
qui se prolonge donc
par l'autre qui hésite
face à l'absence assourdissante
ou l'écho insaisissable

Sàayáa*,                                
qui se fraie le chemin
à la souplesse du serpent
prolonge ce qui fut par la voix du griotprolonge ce qui sera par l'espoir de trobada*

 

 

 

 

 

 

*la mort en anglais




 *la mort en allemand





*la mort en wolof





*la mort en mandinka

 

 

 *invention poétique en òc




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SVANTE SVAHNSTRÖM   

Le Juif aurait pu être là.
Devant ma porte.
J’aurais su que je devais le sauver
au mépris de ma vie
Mais je suis un homme sans courage
Peut-être lui aurais-je refusé le refuge
avec en récompense la honte
Alors j’aurais su que je devais me tuer

Extrait d’une correspondance poétique inédite avec André Prodhomme

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Je te donne des atomes des atomes
et le don de nos corps est la vie
Une offrande unique suffit
pour que pulse un sang nouveau
sur ce cimetière de gélatine
Un filament si près si près du rien
de l’incorruptible Temps

Le climat mue sous mon pied
et les siècles sont des sables mouvants
des glaciers
des fournaises
des abattoirs
Archéenne déjà la Nature se mutilait sans retenue
mille et mille plaies pansées
au cours d’ères successives du zodiaque
Et les plésiosaures disparurent
et toujours les espèces disparaissent
et les soleils seront cernés de givre

Dans le grand vacuum
après la fusion du premier mouvement
des cendres en dispersion sont devenues Homme
et depuis quelques instants souillés
je déposons dans la cage d’oxygène de mon rocher
comme des fientes d’acarien
et voudrions que je sois en danger

Car c’est ainsi
quand l’heure sera Nôtre
vêtus de la peau des dernières descendances
effrayés mais avec le sourire du curieux
je nous consumerons
dans l’étroit ricanement
d’une Voie Lactée ennuyée
et nos cerveaux seront des fossiles
dans les crânes des sauriens oubliés

………………………..

DORIS DAY   
Chanson écrite par Jay Livingston et Ray Evans,
interprétée par Doris Day et diffusée pour la première fois en 1956.

Que Sera, Sera

When I was just a little girl
I asked my mother, what will I be
Will I be pretty, will I be rich
Here's what she said to me.

Que Sera, Sera,
Whatever will be, will be
The future's not ours, to see
Que Sera, Sera
What will be, will be.

When I was young, I fell in loveI
 asked my sweetheart what lies ahead
Will we have rainbows, day after day
Here's what my sweetheart said.

Que Sera, Sera,
Whatever will be, will be
The future's not ours, to see
Que Sera, Sera
What will be, will be.

Now I have children of my own
They ask their mother, what will I be
Will I be handsome, will I be rich
I tell them tenderly.

Que Sera, Sera,
Whatever will be, will beT
he future's not ours, to see
Que Sera, Sera
What will be, will be.

……………………

BOB DYLAN

Blowin’ in the wind  1962

How many roads must a man walk down
Before you call him a man?
How many seas must a white dove sail
Before she sleeps in the sand?
Yes, and how many times must the cannonballs fly
Before they're forever banned?
The answer, my friend, is blowin' in the wind
The answer is blowin' in the wind
Yes, and how many years must a mountain exist
Before it is washed to the sea?
Yes, and how many years can some people exist
Before they're allowed to be free?
Yes, and how many times can a man turn his head
And pretend that he just doesn't see?
The answer, my friend, is blowin' in the wind
The answer is blowin' in the wind
Yes, and how many times must a man look up
Before he can see the sky?
Yes, and how many ears must one man have
Before he can hear people cry?
Yes, and how many deaths will it take 'til he knows
That too many people have died?
The answer, my friend, is blowin' in the wind
The answer is blowin' in the wind