lundi 27 janvier 2025

Pouvoir

Johann Bernhard Fischer von Erlach - The Statue of Olympian Zeus by Phidias plate 5 from Entwurf einer historischen Architektur engraved by Johann Adam Delsenbach (1687-1765) 1721 (later colouration) - (MeisterDrucke-169951)     


 

 

AUTEURS

Franc Bardòu
Thibaut Bois
Lise Durand
e.e.cummings
Agnès Laplaze,
Didier Metenier,
Muriel Modély *
Théo Plantefol,
Rig Veda **
Svante Svahnström

Présenté par :
Catherine de Monpezat *
Svante Svahnström **







FRANC BARDÒU

« Nadie me salvará de este naufragio
si no es tu amor, la tabla que procuro,
se no es tu voz, el norte que pretendo. »  (1)

Miguel Hernández
in El rayo que no cesa


Casuda al fons del temps

Tròp tard - 3

A pena se’n reven
la prima, a punta d’aura,
los uèlhs enlagremats
de las vilassas vanas
daissan rajar lor fel,
lor poison verinosa
de solitud, de páur,
d’amarum desaviat,
pels rius asfixiats,
cropissenta dolor
algassuda e pudenta.

A pena pervengut
a la broa de l’onda,
l’òme sol, esmarrat
se sei, e gaita anar
sos desencantaments
coma esquius naufregats
cap a l’òrle implacable
dels oceans amars.

A pro pena segut
davant sa paura astrada,
l’òme desamirat,
batent e combatent,
sempre a córrer mai luènh
per un punhal de micas,
 a tuar fraire e sòrre
per se ganhar misèria,
compren qu’es ja tròp tard,
que tot èra jogat
abans que font ragèsse
e que ja l’estuari,
ailà, se l’esperava.

De peisses aganits
i cèrcan un pauc d’aiga
jols sauses ablasits
que la tempèsta empòrta.

Se non i a qu’una pena
e non i a qu’un mal dòl,
lo que se vei d’aquí
segut davant l’abís
indefinit del mond
ont tot se deu crompar,
vendre, préner, sasir,
raubar o confiscar,
non pòt mai que badar
l’ebriesa del caire,
lo revolum del res
brandant nud dins l’escur,
lo temps d’i creire un pauc.

Lo temps d’i creire un pauc,
de tot biais, tant es tard !
Car es sempre tròp tard
al final, d’espiar
que l’avián enganat
en li donant un nom
que pèrd tre que lo pòrta,
paura nau qu’aiga empòrta.

Car los peisses perduts
se son, dins l’aiga absconsa,
negats de desespèr
en esperant l’estona
ont lo temps non es mai.

(1) « Degun non me salvarà d’aquel naufragi / se non es ton amor, pòst flotanta que quisti, / se non es ta votz, lo nòrd qu’ieu i pretendi. »

2) « Nul ne saura me sauver de ce naufrage / si ce n’est ton amour, le salut auquel j’aspire, / si ce n’est ta voix, le nord que je recherche. »

Miguel Hernández
in El rayo que no cesa


Chute au fond du temps

Trop tard - 3

À peine leur revient
le printemps sur sa brise,
les yeux remplis de larmes
des vaines mégapoles
laissent sourdre leur fiel,
leur venimeux poison
de peur, de solitude,
d’amertume égarée,
aux cours d’eaux asphyxiés,
croupissante douleur
chargée d’algues puantes.

À peine parvenu
à la rive de l’onde,
l’homme seul, égaré
s’assoit, regarde aller
ses désenchantements
comme esquifs de naufrage
vers l’implacable orée
des océans amers.

Là, juste à peine assis
devant sa destinée,
l’homme désorienté,
battant et combattant,
courant toujours plus loin
pour un poignard de miettes,
à tuer frère et sœur
pour gagner sa misère,
comprend qu’il est trop tard,
que tout était joué
avant que l’eau jaillisse,
car déjà l’estuaire
non loin de là l’attend.

Des poissons épuisés
y cherchent un peu d’eau
sous des saules flétris
que la tempête emporte.

S’il n’y a qu’une peine,
une unique douleur,
celui qui se voit là,
posé devant l’abîme
indéfini du monde
où tout doit s’acheter,
se vendre, se saisir,
se voler, s’arracher,
ne peut qu’être saisi
par l’ivresse de choir,
au tourbillon du rien
brûlant d’obscurité,
le temps d’y croire un peu.

Le temps d’y croire un peu,
déjà, il est si tard !
Il est toujours trop tard,
dès lors qu’il réalise
qu’on l’avait fourvoyé
en lui donnant un nom
qu’il perd dès qu’il le porte,
frêle esquif en dérive.

Car ces poissons perdus
se sont aux eaux absconses
noyés de désespoir
en espérant l’instant
où le temps n’a plus cours.

…………………..

THIBAUT BOIS

Achille et Agamemnon
 
Ça n'est pas le Soleil qui fait tourner la Terre,
Trop fugace et éloigné, pour l'orgueil humain.
Faisant résonner les échos de la Guerre,
Le dernier atout que l'homme ait en main,
Pour affirmer sa dominance.
C'est une histoire vieille, d'amour et d'offense,
Autour de laquelle deux hommes de pouvoir,
Alliés pour autant, il faut le savoir,
Se déchiraient entre eux, en déchirant les Troyens
Pour une gloire future, la fin justifie les moyens.
Par la force de sa grandeur, le roi Agamemnon
Tenait en respect Achille, mais craignait dit-on,
Du subir la grandeur de sa force.
Un homme ? Une armée ? Les choses se corsent
Lorsqu'entre deux maux il faut trancher.
La rivalité du pouvoir ne peut s'empêcher,
Qu'à la volonté de l'un ranger son épée
Et l'autre de conclure les accords de paix.
Le pouvoir, ici, n'incite jamais à rien
Car qui peut le mal, peut le bien.

………………………

e.e.cummings                                                       Traduction Jacques Demarcq Flammarion 1983

THANKSGIVING (1956)

a monstering horror swallows
this unworld me by you
as the god of our fathers' fathers bows
to a which that walks like a who

but the voice-with-a-smile of democracy
announces night & day
"all poor little peoples that want to be free
just trust in the u s a"

suddenly uprose hungary
and she gave a terrible cry
"no slave's unlife shall murder me
for i will freely die"

she cried so high thermopylae
heard her and marathon
and all her prehuman history
and finally The UN (*)

"be quiet little hungary
and do as you are bird
a good kind bear is angary
we fear for the quo pro quid"

uncle sam shrugs his pretty
pink shoulders you know how
and he twitches a liberal titty
and lisps "i'm busy right now"

so rah-rah rah democracy
let's all be as thankful as hell
and bury the statue of liberty
(because it begins to smell)

Nota bene:
U.N. United Nations
mais aussi "the world of UN" (concept très cummingsien) :
le monde de l'inaction, de l'inerte, du non-vivant.

# 39, 95 Poems, Edouard Estling Cummings
Liveright paperback 2002 (1958)

Action de Grâces (1956)

une monstrueuse horreur dévore
cet immonde moi après toi
quand le dieu de nos ancêtres adore
un quoi se dandinant comme un toi

mais nuit et jour la démocratie
déclare un-sourire-dans-la-voix
"vous tous pauv'petits peuples qui rêvez d'être libres
faites donc confiance aux u s a"

tout à coup la hongrie se souleva
et lança un cri terrible
"aucune inexistence d'esclave ne me tuera
car je veux mourir libre"

elle cria si fort que les thermopyles
l'entendirent et marathon
et toute l'humanité historique
et enfin les INouîes nations

"reste tranquille petite hongrie
et à de qu'on te dit acquiesce
une bonne grosse oursse s'en est Haigrie
nous craignons la monnaie d'la pièce"

oncle sam hausse ses jolies
épaules roses vous voyez comment
et il titille une libérale tétine
et susurre "z'suis occupé pour l'instant"

alors hip-hip-hip pour la démocracie
rendons tous grâce au diable
et enterrons la statue d'la libertie
(elle commence à sentir pas mal)




……….................

 Traduction Didier Metenier/Svante Svahnström

plant Magic dust

expect hope doubt
  (wonder mistrust)
     despair
                 and right
      where soulless our
  (with all their minds)
 eyes blindly stare

life herSelf stands

# 8, 73 Poems, e.e.c.

plante de la poussière Magique

attends espère doute
 
(interroge fais preuve de défiance)
     désespère
                      et tout juste
     au là-bas que âmorphes nos
  (avec toutes leurs facultés)
 yeux fixent aveuglément

se tient la vie-Même


……………………..

LISE DURAND

Je hais le pouvoir
Tous les pouvoirs
Celui qui nie l'autre
Celui qui veut imposer
Ses idées
Sa façon de penser
Celui qui respecte pas
Les différences
Ni les autres.
J'aime le pouvoir
Qui est responsable
Œuvre pour tous
Et pour la vérité
Si elle existe.
Je
Mais pas moi je.
                                                               
                             Toulouse le 24 décembre 2024

…………….

Quand tu auras vieilli
Tu sauras comme moi
Que le pouvoir n'est rien
Que brume entre nos doigts.
Quand tu auras vieilli
Tu sauras comme moi
Que l'argent nous fait vivre
Et nous tue quelquefois.
Quand tu auras vieilli
Tu sauras comme moi
Que l'amour qui nous porte
Peut faire mal parfois.
Quand tu auras vieilli
Je te souhaite à ton tour
D'avoir les yeux ouverts
Et un cœur de velours...
    
                      " Un bout de chemin"
       Editions du Non Verbal / A. M. Bx (janvier 2020)




………………….

AGNÈS LAPLAZE


……………………….

DIDIER METENIER

jamais eu autant
de mathématiciens
de poètes
de musiciens
autant de baguettes magiques
autant de
magiciens

…………………….

MURIEL MODÉLY

Parfois
une main sur son visage
fait le bruit délicat
d'une étoffe fendue

la caresse des plumes
dans le tic de l'horloge
Les doigts ridés posés
sur le tulle du temps tac

Les femmes sèches ne pondent que des oeufs clairs (extrait),
Tombée la nuit, jour neuf, Murièle Modély, z'art ateliers éditions, 2O24

...................

Parfois on pense que le pouvoir est dans la main
                                      de celui qui tient la loupe
                de celui qui a le vocabulaire en bouche
                                                 de ce lui qui glose
                                                                  glousse
                                                             glougloute

  Parfois, on aimerait avoir la force
               de ses convictions
                   tout soulever
                  tout faire péter
  offrir à nos enfants ce futur désirable
mais le plus souvent on n'est que faible
                  comme un slogan

Jour neuf (extrait), Murièle Modély, az'art ateliers éditions, 2O24

……………………

THÉO PLANTEFOL


……………………..

RIG VEDA

1.    Il n'y avait pas l'être, il n'y avait pas le non-être en ce temps.
Il n'y avait ni l'espace, ni le firmament au-delà.

2.    Ni la mort, ni la non-mort n'étaient en ce temps,
Point de signe distinguant la nuit du jour.
L'Un respirait sans souffle mû de soi-même:
Rien d'autre n'existait par ailleurs.

3.    A l'origine les ténèbres couvraient des ténèbres,
Tout ce qu'on voit n'était qu'onde indistincte.
Enfermé dans le vide, le Devenant,

4.    D'abord se développa le Désir,
Qui fut le premier germe de la Pensée.
Cherchant avec réflexion en leurs âmes,
Les Sages trouvèrent dans le non-être le lien avec l'être.

5.    Leur cordeau était tendu en diagonale:
          Quel était le dessus, quel était le dessous ?
         Il y eut des porteurs de semence, il y eut des énergies féminines:
          En bas était l'Instinct, en haut le Don.
          

    6.  Qui sait en vérité, qui pourrait l'annoncer ici:
        D'où est issue, d'où vient cette création ?
         Les dieux sont en deçà de cet acte créateur:
         Qui sait d'où il émane ?
          

7.    Cette création, d'où elle émane,
          Si elle a été fabriquée ou si elle ne l'a pas été,
          Celui qui veille sur elle au plus haut du ciel,
          Le sait sans doute: ou bien ne le sait-il pas ?



…………………


SVANTE SVAHNSTRÖM

PRIERE

Merci à vous tous, Indiens fidèles
Merci pour vos sacrifices
offerts dans le sang et dans l’humilité

Vous craigniez ma colère
Vous invoquiez mon retour
Et je trouvais goût à vos célébrations
Je me réjouissais à la vue
de vos prêtres opulents
de vos bourreaux resplendissants
du sang ruisselant autour de vos autels

Je souriais avec volupté lorsque
le couteau de silex
pénétrait la poitrine des élus
Je frissonnait de plaisir
lorsque le prêtre se coulait
dans la peau humaine fraîchement écorchée

Mais vous faisiez erreur :
je n’avais aucun pouvoir
je demeure austère et muet
attendant avec impatience
les charmes de votre cruauté
sur les sentiers du Sauveur Quetzalcoatl

Si vous saviez comme je m’ennuie
lorsque glissent devant moi les fervents de tous bords
Des marmonnements fastidieux dans des temples à ogives
d’interminables processions aux os et croix en fragments
ou les inébranlables crieurs
dans les tours de pierre blanches du désert
Eventails de dos voûté, de front fixés au sol
par millions
idoles à huit bras ou à la trompe d’éléphant
monastères aux effigies replètes

Au gré des rotations
ils s’éloignent de moi en parade
expulsés de l’ombre pour s’y réfugier aussitôt

Que tout cela est paisible et niais

Les uns après les autres
pivotent devant moi sur votre sphère
m’attribuant des pouvoirs fondateurs
Mais permettez-moi en sincérité de vous dire :
J’ai une envie
Je veux voir l’obscurité
Je veux reposer dans la nuit









 

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